Dans une interview accordée au journal Jeune Afrique, le président de l’assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, s’explique et se défend face à ceux qui pensent qu’il aurait instrumentalisé les mutins. Soro avoue « A vrai dire je m’y attendais un peu… »
Enfin Guillaume Soro sort de son long silence depuis le début des mutineries en janvier en Côte d’Ivoire. Accusé à tort ou à raison dans l’entourage du président Alassane Ouattara d’instrumentaliser le mécontentement d’une troupe sur laquelle il aurait une certaine main mise, l’actuel président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire répond être habitué des « procès en sorcellerie » ; une réponse qui survient après que le silence n’est plus tenable suite à la découverte à Bouaké d’une cache d’armes dans la villa de son chef du protocole.
« Lors de la crise, en janvier comme en mai, j’ai été en contact étroit avec le président de la République, aussi bien au téléphone qu’en tenant, dans sa résidence, des séances de travail régulières. J’ai essayé, dans la mesure du possible, de lui apporter mon concours. Mais je voudrais surtout vous rappeler que depuis mars 2012, la fonction que j’occupe est celle de président de l’Assemblée nationale : je ne suis ni le Premier ministre, ni le ministre de la Défense, ni celui de l’Intérieur. Il ne me revenait donc pas d’être aux avant-postes en ce qui concerne la gestion de ces crises. Ce que je pouvais et devais faire, je l’ai fait – aussi bien publiquement qu’en coulisses », explique le président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire.
Guillaume Soro ne semble pas être surpris par les accusations portées contre lui. Mieux, il les prévoyait. « A vrai dire, je m’y attendais un peu. Souvenez-vous : lorsque j’ai quitté la primature, en 2012, et que j’ai été élu président de l’Assemblée nationale, les mêmes personnes qui véhiculent les ragots ont affirmé que j’étais tombé en disgrâce auprès du président et que celui-ci m’avait mis au placard. Ils ignoraient que le président de la République et moi-même y avions longuement réfléchi. Ils ont fini par se rendre compte que, loin d’avoir remisé au garage, je m’épanouissais pleinement au Parlement » a-t-il précisé.
Lors de la première mutinerie en fin 2014, Guillaume Soro avait été accusé d’être derrière cette « éruption de colère des troupes » pour reprendre les mots du président ivoirien de l’Assemblée nationale. L’homme dit avoir également fait objet de rumeur selon laquelle il serait en colère pour avoir été déchu du dauphinat constitutionnel en perdant sa place de deuxième personnage de l’Etat en 2016 lors du lancement du chantier de la IIIe République et de la réforme constitutionnelle.
En 2017, précisément le 05 janvier, éclata la deuxième mutinerie au moment du renouvellement de l’Assemblée nationale. Et selon certaines analyses, Guillaume Soro tenterait de contraindre le président de cautionner le renouvellement de son mandat.
« Je suis habitué aux procès en sorcellerie. L’essentiel pour moi est d’entretenir la confiance qui existe entre le chef de l’Etat et moi-même » a-t-il répondu.
Pour le chef du parlement ivoirien, chacun doit faire son autocritique pour trouver les vraies raisons de ces mutineries à répétition. « Entre janvier et mai 2017, nous avons disposé de quatre mois pour anticiper la crise qui vient finalement d’éclater. Pour quel résultat ? Il revient à chacun d’entre nous de faire son autocritique », réplique Soro, pour qui rien n’a été fait pour éviter les humiliations que la nation ivoirienne a connues et que lui-même a subies.
Sur la question de la découverte d’une cache d’armes à Bouaké chez son protocole, le deuxième homme fort de la Côte d’Ivoire dit avoir assumé la rébellion des Forces Nouvelles. « Ce n’est donc pas pour une cache d’armes que je me serais défilé », a affirmé Guillaume Soro avant d’invoquer son devoir de réserve en tant qu’ancien Premier ministre et ancien ministre de la Défense. Pour lui, il n’est pas question de polluer l’enquête déjà ouverte sur la question par des « déclarations intempestives » et ce, d’autant plus que la personne mise en cause est l’un de ses plus proches collaborateurs.
Guillaume Soro déclare plus loin s’être entretenu avec le président Alassane Ouattara au lendemain de la découverte de la cache d’armes à Bouaké. « Nous nous sommes entretenus à son domicile. C’est lui-même qui m’a, par la suite, conseillé de maintenir l’intégrité de mes activités et de ne pas modifier mon agenda international. A ses yeux, il était important que l’opinion se rende compte que les institutions ivoiriennes fonctionnent et qu’il n’y a pas péril en la demeure ».
« Depuis les années 1990, j’ai mené un combat politique et syndical contre l’injustice. J’avais 21 ans lors de ma première incarcération, en 1993. Je ne recherche rien d’autre que servir l’idéal de justice sociale, de paix et de rassemblement qui m’anime depuis toutes ces années », a -t-il conclu.
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Maxime Jean-Eudes Bambara (Stagiaire)
Lefaso.net
Source Jeune Afrique
Source: LeFaso.net
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