Voilà déjà plus d’un mois que le président Roch Marc Christian Kaboré a annoncé l’imminence d’un remaniement gouvernemental pour le mois de janvier 2017. Ce réaménagement de l’exécutif devrait permettre rapidement à l’Etat de se réorganiser et de redéployer ses efforts en matière de politique de défense et de sécurité afin de circonscrire le péril islamiste dont les tenants taillent des croupières à nos forces armées dans la partie septentrionale du Burkina Faso. Mais depuis cette annonce, plus rien… et omerta totale au niveau des autorités. Une situation qui donne libre court à des interrogations et des conjectures tous azimuts dans ces derniers temps au niveau de la population.

Cette annonce présidentielle devant les hommes de média le jeudi 29 décembre 2016, le moins que l’on puisse dire est qu’elle avait eu un écho favorable dans l’opinion nationale, elle qui déjà ne manquait pas de critiques acerbes quant à la façon dont les départements ministériels de la défense et de la sécurité étaient organisés et gérés.

Effectivement, les gens ne manquent pas d’aigres critiques pour dire qu’au regard des enjeux sécuritaires, le rattachement du ministère de la défense à la présidence du Faso et celui de la sécurité au département de l’administration territoriale et de la décentralisation ne sont pas idoines.

En indexant le cas du ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure, d’aucuns renchérissent que la concentration des portefeuilles dans les mains d’un seul individu fige dans une sorte d’immobilisme et d’inefficacité nos forces sécuritaires. D’où leur souhait de voir, dans le réajustement promis par le président du Faso, un détachement du département de la sécurité qui pourrait être désormais administré par une seule personne, ce qui permettrait d’éviter certaines lourdeurs administratives, de capitaliser en initiatives et de générer des stratégies pertinentes pour enrayer efficacement l’insécurité galopante. La somme des analyses sur le département de la défense donne le même son de cloche.

Un remaniement annoncé, mais qui se fait attendre

Au parterre des journalistes le jeudi 29 décembre 2016, le président du Faso avait dit qu’il avait pris bonne note des inquiétudes, des critiques et que toutes les questions allaient être traitées lors du remaniement à venir promis pour janvier 2017. « Nous avons pris note et nous cherchons la meilleure manière de sécuriser le peuple burkinabè » avait-il ajouté. Mais depuis cette accession à la demande de l’opinion, les choses stagnent, si fait que jusque-là, le remaniement promis se fait attendre. Pendant ce temps, les incursions des terroristes dans les zones menacées se multiplient plongeant les populations des localités dans la prostration. Et le hic dans tout cela, c’est que les autorités depuis ne pipent le moindre mot pour faire comprendre à la population les tenants et les aboutissants de leur silence, lequel est sujet à toutes sortes d’interprétations.

En dehors de la sortie médiatique du ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure où l’intéressé a expliqué avoir fait consciencieusement son travail et qu’il ne s’opposait nullement au décrochage de la sécurité de son domaine de compétences, l’on n’a plus rien eu comme information au sujet de ce remaniement ministériel.

Evidemment, chaque chose en son temps pourrait-on dire… Toutefois, il faut dire que le fait qu’il y ait de la traine dans la matérialisation de la décision, conjugué au mutisme des autorités, ne fait pas bonne presse au niveau de la population. Du coup, comme déjà souligné plus haut, l’on assiste à toutes sortes de conjectures sur les raisons de ce silence et de ce remaniement qui se fait attendre.

Le remaniement pris en otage par les joutes au sein du parti au pouvoir ?

D’abord, il y a le fait que certains s’impatientent et se laissent aller à des allégations de nature à compromettre la sérénité et la confiance de la population à l’endroit du pouvoir quant à sa capacité de réactivité organisationnelle pour parer à l’urgence. Voilà que pour un remaniement annoncé pour janvier, l’on se retrouve au mois de février sans rien. Que couve cet attentisme des autorités ? Toujours est-il que cela n’est pas toujours vu d’un bon œil. Surtout que la réorganisation devrait concerner des secteurs sensibles comme la défense et la sécurité. Les récents évènements dans le Soum où les terroristes ont proféré des menaces directes à des enseignants et à des juges viennent amplifier les questionnements et les critiques sur l’attitude attentiste des autorités.

Ensuite, sur les réseaux sociaux, l’on n’est pas en reste, et chaque jour que Dieu fait, les commentaires critiques et les questionnements font boule de neige. Surtout ces derniers jours, il se susurre selon une certaine presse que l’attitude mode diesel du président du Faso dans la mise en exécution de sa décision faite devant la presse procéderait des luttes triarchiques au sein du parti au pouvoir. En tout état de cause, au-delà des enjeux de gouvernance et de sécurité, il y aurait des calculs de positionnement et de repositionnement entre les membres de ce que d’aucuns appellent le triumvirat burkinabè. Cette situation serait la raison du maintien de l’équipe gouvernementale en l’état.

En tout cas, l’inertie et le mutisme que les autorités observent sur cette question d’intérêt national est tout de même inquiétant. Devrait-on comprendre que c’était juste de la poudre aux yeux de l’opinion ? Ou bien la guéguerre de positionnement dont on parle et qui défraie la chronique serait à prendre au sérieux ? Bien entendu, si une telle hypothèse venait à se confirmer, ce serait vraiment dommage et irresponsable pour des autorités qui ont sollicité et gagné le suffrage du peuple parce que capable d’assurer l’avenir de ce dernier. Pour sûr, aucune autorité ne devrait simplifier la destinée du pays à ses intérêts personnels.

En définitive, peut-on vraiment faire confiance à la capacité de nos autorités à vaincre l’hydre islamiste menaçant si déjà pour un remaniement ministériel pour mieux le combattre, elles ont besoin de prendre des mois ? Peut-être que ce remaniement est déjà renvoyé aux calendes grecques… Qui sait ? En tous les cas, attendons de voir. Ne dit-on pas qu’on est tous dans un pays de savane.

KKAMMANL

Lefaso.net

Source: LeFaso.net