Membre fondateur de l’UNIR/PS (Union pour la renaissance/Parti Sankariste), le pharmacien – Colonel à la retraite, Abdoul Salam Kaboré, dans les lignes qui suivent, nous parle de sa retraite anticipée de l’armée, du projet de mémorial et de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Ceci est la deuxième et dernière séquence de cet entretien.

Lefaso.net : Comment êtes-vous parti de l’armée ?

Abdoul Salam Kaboré : Il y a eu plusieurs phases dans leur gouvernement, la réhabilitation, ensuite la réconciliation, etc. J’ai été réhabilité au grade de pharmacien-colonel en 1994. Depuis là je n’ai plus bougé parce que j’ai d’abord pris ma retraite anticipée. Je ne pouvais pas tricher, être militaire et être pharmacien privé. Il y avait à choisir et j’ai laissé mon uniforme. Personne ne m’a chassé de l’armée.

Parlons du projet de mémorial Thomas Sankara. D’où vous est venue une telle idée ?

Ce n’est pas parce que je suis président du comité d’initiative que c’est moi qui ai eu l’idée. En fait, je pensais que si un jour j’étais maire dans mon village, je ferais une place Thomas Sankara. Il y a un autre qui disait que si un jour, il a les moyens, il va construire un bâtiment à l’honneur de Thomas Sankara, etc. Il y a eu plusieurs initiatives comme cela et au fil des causeries, on est venu à fédérer ces initiatives pour dire, mais Sankara mérite quelque chose de grand, de maousse. C’est là que nous avons pensé à un mémorial. Qui rappellerait la vie de Thomas Sankara, son enfance, ce qu’il a fait pour le Burkina Faso. Ses principales phrases : « malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple », « ce qui sort de l’imagination de l’homme est réalisable par l’homme », « osez lutter, savoir vaincre », etc. Donc nous avons pensé ériger un monument pareil qui va rappeler l’homme aux Burkinabè que nous sommes.

Combien coutera ce mémorial et comment allez-vous le financer ?

Personne ne peut vous le dire aujourd’hui. Nous sommes en phase de construction (du projet). Il y aura des concours architecturaux. Nous savons que nous pouvons facilement construire le mémorial avec l’argent du Burkina Faso. L’autre jour dans mon discours (au lancement du projet le 2 octobre 2016) j’ai montré que nous avons commandé des boites d’un certain volume que nous allons placer à des endroits stratégiques. Nous avons évalué, la population du Burkina Faso est de 17 millions environs. Dans ces 17 millions, nous avons mis à part 7 millions constitués par des bébés, des enfants, des malades. Donc il nous restait 10 millions. Si chacun met 100 francs dans la boite, lorsque la boite sera pleine, nous aurons 1 milliard. Si nous commençons cette opération dans les autres pays d’Afrique, on sera submergé. J’ai été invité à Niamey pour le lancement de leur boite. Je ne pense pas que nous aurons du mal à construire notre mémorial avec les idées que nous avons.

Semble-t-il que ce mémorial coûtera 5 milliards ?

Non. On n’a pas dit que le projet coutera 5 milliards. On a dit, si par exemple, le projet coûte 5 milliards, nous en une opération, on a 1 milliard. On est capable d’avoir les 5 milliards pour faire le mémorial. Personne aujourd’hui ne peut chiffrer cela, parce qu’il n’y a pas eu de concours architectural.

Pensez-vous que de son vivant, le Président Thomas Sankara, aurait accepté une telle dépense ?

Peut-être pas. Mais Attention, en faisant le mémorial, on pensait à plusieurs choses. L’endroit que nous avons choisi, le Conseil de l’entente, où Thomas Sankara a commencé à travailler en tant que président, où il a pris les grandes décisions, où il a été tué. En prenant cet endroit et en le faisant ouvert, ça va être un endroit hautement touristique qui va drainer pas mal de personnes. Aujourd’hui quand quelqu’un vient au Burkina Faso, un expert de la FAO finit son séminaire et demande est-ce qu’on peut voir la tombe de Thomas Sankara.

Mais le cimetière de Dagnoin est là !

On le conduisait au cimetière de Dagnoin. Si on peut en tirer quelque chose en faisant le mémorial, cela va être grandiose et plaire au gens. Les gens vont passer et laisser de l’argent dans les hôtels, en visitant. Nous allons permettre à tout le monde de rentrer voir. Il y aura plein de choses.

Bientôt deux ans qu’il y a eu l’insurrection. Comment avez-vous vécu cette situation en son temps ?

En son temps ! Holala. En son temps j’ai dit, voici l’ère des Sankaristes.

L’ère des partis Sankaristes ?

Je n’ai pas dit partis Sankaristes. Parce que Sankara disait que s’il meurt, il y aura des milliers et des millions de Sankara qui vont naitre. Et ce jour-là, je me suis dit que les milliers et les millions de Sankara qui devait naitre là sont là. Parce que tous ceux qui étaient à la place de la nation, c’était le point levé. Ce qui caractérisait Thomas Sankara. Cette insurrection vraiment m’a donné beaucoup d’espoir. Certains qui étaient là n’avaient pas connus Thomas, mais ils voient ce qu’il a fait pour eux et pour leurs parents. Tout cela m’a donné le sourire.

De l’insurrection à nos jours, les jeunes attendent toujours. Qu’est ce qui se passe selon vous ?

Un pays ne se fait pas en un jour. Un travail ne se fait pas en un jour. Il y a beaucoup de choses à faire pour qu’on y arrive. Il faut que ceux qui sont aux commandes de l’Etat sachent prendre le pouls de ceux qui sont là et qui attendent. C’est ensemble lorsque nous (le peuple) aurons compris ce que les gouvernants d’aujourd’hui veulent faire et lorsque nous serons en phase, peut-être qu’on verra l’arbre faire des fruits.

Avez-vous des conseils à donner aux gouvernants actuels par rapport à la fronde sociale, vous avez déjà été ministre ?

Je ne veux pas être prétentieux pour dire que je vais donner des conseils aux gouvernants. La seule chose à faire, c’est de rester soi-même, humble, travailler beaucoup. Lorsque vous marchez, vous pouvez vous arrêter jouer au damier… c’est comme cela que les Burkinabè aiment leur chef. Faire en sorte que votre peuple vous aime.

Entretien réalisé par Marcus Kouaman

Lefaso.net

Source: LeFaso.net