La crise qui secoue la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques et des consommables médicaux (CAMEG) n’a pas fini de faire parler d’elle. La Direction générale de l’institution a organisé le 21 octobre 2016 à Ouagadougou, une conférence de presse à son site de Tengandogo. Après une visite guidée de ses magasins.

Vous ne manquerez sûrement pas de vous demander de quelle direction générale il s’agit, vu la situation de crise qui existe au sein de cette structure et qui a plongé la CAMEG dans une situation de bicéphalisme de son organe de direction.

Eh bien il s’agit de la direction qui a la réalité du pouvoir et du terrain et conduite par Dr Jean Chrysôtome Kadéba. C’est d’ailleurs ce dernier et certains de ses plus proches collaborateurs, qui ont guidé les journalistes pour la visite des magasins en quarantaine et centraux de 2000m2 chacun, avec bien sûr des explications détaillées à toutes les étapes.


De l’essentiel de cette visite guidée, on retiendra, constat à l’appui que les différents produits sont stockés dans des conditions optimales de sécurité et de bonne conservation, avec des appareils (enregistreurs) permettant de mesurer l’état de la température, de l’humidité et de la lumière. Certains des produits sont conservés dans des chambres froides où la température oscille entre 15 et 25°C.


Par moments, il peut y avoir des ruptures de stock de certains produits. Cependant, l’institution aux dires de son Directeur général, conscient du fait que cela joue négativement sur la santé des populations, surtout dans un contexte de mesures de gratuité de soins de certaines maladies, a toujours travaillé à minimiser ces ruptures. Des mesures qui ont vu les besoins d’approvisionnement en certains produits doublés. Cependant, à travers des procédures de commandes d’urgence avec des délais de 6 mois et parfois même, en mettant à contribution la voie aérienne pour l’approvisionnement en certains médicaments, la CAMEG arrive à satisfaire la demande et à approvisionner correctement les districts sanitaires surtout. Les hôpitaux eux, n’ayant pas l’obligation de s’approvisionner à la CAMEG. Même si elle leur livre aussi certains médicaments essentiels génériques.

Dans l’ensemble et depuis la mise en œuvre de la gratuité des soins, la moyenne mensuelle globale de taux de satisfaction des commandes des structures sanitaires à la CAMEG est de 68,18%, « malgré les perturbations dues à la crise qui sévit à la CAMEG depuis plus de 5 mois » ont dit les conférenciers.

Une institution qui se porte bien


Créée en mai 1992 sous forme d’un projet à statut d’EPIC, la CAMEG a effectivement démarré ses activités en 1994. Et a vu son décret de création prorogé jusqu’au 31 décembre 1997. C’est après cette période que des réflexions ont été menées pour garantir la pérennité de l’institution. Un nouveau statut juridique a permis à la structure de passer sous la forme d’une association à but non lucratif dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Lui conférant ainsi, une certaine flexibilité qui lui permet d’assurer efficacement ses missions de service public à finalité sociale : fournir aux formations sanitaires publiques et privées et en priorité aux formations sanitaires de district, des médicaments essentiels génériques, des consommables médicaux et de laboratoire ainsi que du petit matériel médical ; acquérir les médicaments essentiels génériques aux meilleures conditions ; garantir leur disponibilité dans le respect des normes de qualité en vigueur.

Actuellement, la centrale a pu implanter 10 agences commerciales dans 8 régions du Burkina Faso, afin de rapprocher le médicament du patient et réduire de ce fait, le délai de livraison des produits pharmaceutiques.

Quant à la faillite de l’institution avancée par certaines personnes, la Direction générale a communiqué des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Un chiffre d’affaire par exemple de 3,2 milliards en 1998 pour atteindre 36 milliards en 2015 avec des ambitions de 40 milliards de prévision en cette année 2016. Alors que la fourchette des autres centrales de même type de la sous-région se situe entre 4 à 5 milliards. Les prévisions pour 2016, elles risquent d’être compromises si la crise perdure, a confié le Directeur général.


Mais dans l’ensemble foi des conférenciers, la CAMEG se porte bien. Elle jouirait de la confiance de ses fournisseurs dont certains mêmes livrent des produits d’une valeur de 1 milliard sans demander de garantie quelconque. Mieux, l’institution a décidé de vendre certains produits à perte pour le bonheur des populations, jouant ainsi son rôle de service public.

Les conférenciers n’ont pas manqué aussi de souligner sa dimension régionale car de plus en plus sollicitée pour des activités sous régionales dans le cadre de programmes d’institutions internationales. De plus, elle est reconnue comme étant la plus « performante des 21 centrales membres de l’Association africaine des centrales d’achat des médicaments essentiels génériques(ACAME) ».

Elle continue à faire d’importants investissements dans le but de dynamiser davantage ses actions et interventions.

La nécessité de sortir de la crise

Les conférenciers ont dit leur souhait de voir la CAMEG sortir le plus rapidement possible de la situation de crise qu’elle traverse. Et « de la gestion de cette crise, dépendent beaucoup de choses » ont prévenu les membres de la direction. Mal gérée, cette crise entrainera d’énormes conséquences. C’est pourquoi ont-ils dit, elle doit être gérée dans l’intérêt des populations uniquement et non en fonction des humeurs de certaines personnes. Car la mauvaise gestion de cette crise pourrait compromettre gravement l’exécution des missions confiées à l’institution. De même que la politique de gratuité de certains soins serait impossible à poursuivre.


Ils ont dit leur confiance à l’institution judiciaire pour que le droit soit dit conformément aux statuts de la CAMEG. Et quelle que soit la décision judiciaire qui viendrait à être prise, le Directeur général Kadéba promet s’y conformer.

Les statuts de la CAMEG ont-ils fait savoir, ont été modifiés en 2000 faisant passer la durée du mandat des administrateurs de 2 ans à 3 ans renouvelable une fois.

A cette période, le Directeur général dit qu’il était encore étudiant en 3ème année de pharmacie. Et à ce titre étranger à toute modification de texte au niveau de la CAMEG. Il a dit ne pas vouloir faire trop de commentaires sur la question, le dossier étant devant la justice.

Les conférenciers ont reconnu qu’il y avait des insuffisances au niveau des textes juridiques qui encadrent le fonctionnement de la CAMEG. Voilà pourquoi ont-ils signalé, un processus de relecture des textes était en cours dans le but de les améliorer.

Ils ont donc appelé les autorités à exploiter tout le potentiel de la CAMEG pour maintenir ses acquis et consolider sa mission de service public et son rôle d’outil clé de la politique nationale de santé en matière de médicament.

En tout état de cause, la prudence et la sagesse doivent prévaloir au niveau des autorités dans la gestion de cette crise qui risque si elle perdure de perturber gravement le fonctionnement normal des districts sanitaires surtout et réduire à néant tous les efforts consentis pour la prise en charge des patients.

Angelin Dabiré

Lefaso.net

Source: LeFaso.net