À seulement 22 ans, Salimata Kaboré, alias « SK No Limit » sur ses réseaux sociaux, sillonne les quartiers de Ouagadougou pour laver les pieds. Elle circule à moto avec une bassine chargée de matériel de nettoyage sur les genoux. Activité jugée peu valorisante par les jeunes de son âge, elle redonne pourtant de la dignité aux plantes de pied de ses clients pour gagner sa vie.

« Ce n’est pas tout le monde qui accepte de monter sur une moto, traverser la ville avec une bassine, pour laver des pieds. Mais moi, je le fais », affirme d’un ton assuré Salimata Kaboré, alias « SK No Limit » sur les réseaux sociaux. Pédicure à domicile, elle a choisi de s’appeler ainsi sur le réseau sur lequel elle documente son quotidien. Ce qui peut sembler dévalorisant pour les jeunes de son âge est devenu pour elle une source de revenus. L’idée de se déplacer pour mener cette activité est née d’une situation difficile. Salimata, sans emploi après avoir quitté son dernier poste dans un salon de beauté, passe ses journées à se lamenter.

Un jour, une tante lui propose de venir laver ses pieds en échange d’une somme d’argent. À contrecœur au début, elle accepte. « C’est de là que tout est parti. J’ai pris mon dernier billet pour acheter le matériel de pédicure et je suis allée laver les pieds de ma tante », explique-t-elle. Elle publie sur son compte TikTok une vidéo d’avant et d’après de cette séance de lavage, puis les appels se multiplient et son travail commence à susciter de l’intérêt auprès de ses abonnés. « Les réseaux sociaux comptent beaucoup pour moi parce que je me dis que si ce n’était pas ça, je ne sais pas comment on allait me connaître », indique « SK No Limit ».

Salimata Kaboré en train de prendre soin des pieds d’une cliente dans le quartier Ouaga 2000

Polyvalente et débrouillarde

« Adja No Limit », un autre de ses surnoms, ne sait pas que rendre propres les pieds. Elle coiffe, maquille, vend, bricole, toujours dans le domaine de l’esthétique. Un talent qu’elle a développé depuis l’enfance. « Je me suis limitée en classe de sixième parce que je n’étais pas très à l’aise à l’école. Depuis que je suis petite, vu que je suis quelqu’un qui sait beaucoup parler et qui est à l’aise à parler, j’ai commencé de petits boulots comme la vente de fruits, etc. », raconte la jeune fille.

Grâce à son compte TikTok où elle a environ 40 000 abonnés, elle a pu diversifier sa clientèle ainsi que ses prestations. Néanmoins, elle reste très sollicitée pour les soins de pieds qui requièrent de l’énergie physique. « Au début le travail me fatiguait beaucoup. À un moment, je ne sentais plus mes bras quand je rentrais le soir. Ça me fatiguait énormément ! Mais avec le temps, je me suis habituée », assure-t-elle.

« Au début le travail me fatiguait beaucoup », fait savoir la jeune fille

Des gouailleries, mais aussi des encouragements

Que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la réalité, Salimata reçoit des moqueries ou des commentaires négatifs. « Quelqu’un est venu commenter une vidéo que j’avais postée. C’était une vidéo de pieds que j’ai lavés, mais qui n’étaient pas en bon état. La personne m’a dit que j’avais cherché du travail et que c’était ce que j’avais eu. Ça m’a trop fait mal », se remémore-t-elle.

Une autre fois, dans une station d’essence, une fille qui l’a reconnue lui dit : « Une jolie fille comme ça qui se promène pour laver les pieds ». Même si ces situations l’affectent, elle ne s’y attarde pas. « En général, j’ai beaucoup plus de clients gentils qui me conseillent beaucoup. Certaines personnes n’ont même pas les pieds sales, mais me font appel juste pour m’encourager, et je ne finirai jamais de les remercier pour cela », se réjouit-elle.

Salimata est bien équipée pour son travail

Dans cette aventure de Salimata, sa mère tient une place de choix. « Quand je veux abandonner, c’est elle qui me dit de ne pas lâcher. Et c’est elle qui me rappelle que toute souffrance a une fin », informe-t-elle. La jeune Salimata rêve d’ouvrir son propre institut, où les soins de pieds seront valorisés à leur juste valeur. Elle souhaite aussi former d’autres jeunes filles qui, comme elle, cherchent une voie sans avoir de ressources financières importantes de départ. « Même si tu n’as rien, tu peux commencer. Il faut juste croire en toi. Je suis très positive. Je ne fais pas attention aux côtés négatifs de la vie », pense-t-elle. Elle nourrit aussi le rêve de pouvoir s’acheter des voitures un jour pour se déplacer et étendre son activité de pédicure à domicile.

Farida Thiombiano

Lefaso.net

Source: LeFaso.net