Vivant avec un handicap aux membres inférieurs depuis l’âge de 8 ans, Pascaline Dipama a transformé ses obstacles en opportunités. Autodidacte, elle a fait de la coiffure son métier, malgré des conditions de travail précaires et les préjugés liés à son handicap. Refusant de laisser le handicap avoir raison d’elle, la jeune dame jongle entre ses activités pour subvenir à ses besoins tout en rêvant d’un salon adapté à sa mobilité.
Pascaline Dipama n’avait que 8 ans lorsqu’elle a perdu sa mobilité. C’est suite à une injection médicale censée la protéger qu’elle s’est retrouvée dans un fauteuil roulant. Selon elle, à l’époque ces cas étaient fréquents chez les enfants. « Malgré mon handicap, j’ai eu une enfance joyeuse parce que mes frères et sœurs ne m’ont jamais fait sentir que j’étais différente. C’est en dehors de ma famille que je sentais le regard des gens », indique-t-elle. Pascaline n’a pas été inscrite tôt à l’école. C’est à l’âge de 13 ans que la jeune fille de l’époque va entrer en classe de CP1. Malheureusement, cette aventure sera de courte durée. « Comme je n’ai pas été tôt à l’école, je me suis dit que si j’apprenais une activité, ce serait meilleur. A l’école, je me suis sentie en retard par rapport aux autres qui étaient moins âgés, donc j’ai décidé de me consacrer à la coiffure », raconte Pascaline qui coiffe depuis l’âge de 17 ans.
La coiffure, sa principale activité
Pascaline a appris la coiffure en observant les autres, sans jamais passer par un centre de formation. « Je regardais comment les coiffeuses faisaient et j’essayais de reproduire chez les clientes. C’est aussi un peu comme un don, car je suis habile en la matière », explique-t-elle. Petit à petit, elle a perfectionné ses techniques, devenant une experte des tresses africaines et des coiffures sur cheveux naturels. Mais exercer son métier dans de bonnes conditions reste un défi. Son salon de coiffure est une pièce exiguë installée devant son domicile. Sans véritable matériel de coiffure, elle se débrouille avec le peu qu’elle possède pour sublimer ses clientes. De plus, en cette période chaude, son atelier en fer chauffe, rendant pénible toute activité à l’intérieur.
« Je manque de matériel et aussi de ventilos. C’est parce que je natte bien, sinon les clientes ne viendraient plus en cette période de chaleur, car le salon devient comme un four », confie-t-elle avec de la gêne. Selon une cliente venue faire des tresses naturelles, les coiffures que fait Pascaline sont particulières. « J’aime la façon dont elle trace les lignes pour mes tresses. Malgré sa condition physique, elle est très douée. En cette période de chaleur, je préfère venir chez elle pour faire des coiffures simples et bien faites », fait savoir la cliente de Pascaline. Malgré ce témoignage, toutes les clientes ne sont pas tendres avec elle. Si Pascaline a appris à vivre avec son handicap et à l’accepter, elle n’est pas à l’abri des jugements. Certaines clientes hésitent à se faire coiffer chez elle, par crainte qu’elle ne puisse pas « bien faire le travail » à cause du handicap. D’autres font des commentaires blessants, parfois sans même s’en rendre compte. « Quelques fois, certaines, surprises de voir que je suis handicapée, refusent que je touche à leurs cheveux », déplore-t-elle. Des situations qui, en dépit de tout, ne découragent pas la jeune dame dans sa quête d’une autonomie financière.
AMM, l’association qui a changé sa vie
Depuis sa création en 2013, Pascaline a rejoint l’association Action pour un monde meilleur (AMM), qui regroupe des femmes vivant avec un handicap. Cette rencontre a été un tournant décisif dans sa vie. Grâce aux ateliers de formation organisés par l’association, elle a appris la transformation agroalimentaire (fabrication de pâte d’arachide, d’épices…), mais aussi la confection de foulards. Des activités qui, en plus de la coiffure, lui permettent de maintenir la tête hors de l’eau. « Les revenus de la coiffure étant parfois irréguliers, ces activités complémentaires me permettent de subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants », confie fièrement cette mère de deux enfants. L’association lui apporte aussi un soutien moral. Entourée de femmes qui partagent des expériences similaires, elle a trouvé une communauté où elle se sent acceptée et valorisée. « On se motive entre nous. Quand l’une d’entre nous veut abandonner, les autres la relèvent », explique-t-elle. Elle ne saurait compter le nombre de rencontres et de formations auxquels elle a participé grâce à AMM. Mais pour elle, une chose est sûre : l’association lui facilite l’intégration et la résilience dans un contexte où les femmes en situation de handicap sont marginalisées.
Malgré les difficultés, Pascaline ne manque pas d’ambition. Elle rêve d’avoir un vrai salon, avec du matériel professionnel, un espace plus grand et un fauteuil adapté à sa mobilité. « Actuellement, mes conditions de travail au salon me prennent beaucoup d’énergie. Il me faut l’adapter à mon handicap pour me soulager et soulager aussi mes clientes », pense-t-elle. AMM lui permet aujourd’hui de se former encore dans la coiffure pour se perfectionner, mais pour elle, un savoir-faire sans matériel reste incomplet. En attendant que ses rêves prennent forme, elle continue d’exercer son activité chaque jour, avec patience et amour. « Je ne me plains pas de ma situation, car au-delà de tout, j’ai la chance d’avoir une activité et d’être membre d’une association qui m’aide à m’améliorer », se réjouit Pascaline. Elle souhaite que les femmes dans sa situation ne s’apitoient pas sur leur sort. « Tout se passe dans la tête. Quand tu arrives à te détacher du handicap, tu arrives à faire quelque chose. Les femmes doivent chercher à être autonomes financièrement et à ne pas toujours tendre la main aux hommes », a dit Pascaline Dipama pour conclure.
Farida Thiombiano
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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