C’est assurément un lion indomptable qui s’est éteint ce 8 février 2025. C’est un baobab qui part au même âge qu’un autre dont il a partagé le combat contre l’apartheid et fréquenté la prison de Robben Island comme lui : Nelson Mandela. Comme lui il a eu une longue vie qui a impacté le sort des peuples du territoire que l’on nommait Sud-ouest africain sous administration coloniale de l’Afrique du Sud qui y imposait son apartheid. Il est question de Samuel Shafiishuna Daniel Nujoma, dit Sam Nujoma, l’ancien président de la Namibie. C’est lui qui l’a conduit à l’indépendance en 1990 et l’a dirigé comme président jusqu’en 2005. Quel héritage nous lègue-t-il ? Quelles leçons peut-on tirer de sa vie ?

Qu’est ce qui caractérise la vie des grands combattants ? Ce n’est sûrement pas l’ambition ou la cupidité. Encore moins la recherche de la célébrité tant aimée de nos jours. Laissons le soin à un grand parmi les grands hommes, Nelson Mandela, dire le sens de la vie : « Ce qui compte dans la vie, ce n’est pas seulement d’avoir vécu. C’est la différence faite dans la vie des autres qui définit le sens de la vie que nous avons menée. » En d’autres termes, avez-vous été une bénédiction pour les autres ? Quel a été votre plus-value humaine pour un autre terrien sur cette planète ?

Sam Nujoma est un fils premier-né qui avait le désir de s’occuper de ses parents, de ses frères et sœurs. Il était berger le matin, gardant des chèvres et vaches et allait seulement à l’école le soir. C’est ainsi qu’il commence très tôt à travailler dans la compagnie des chemins de fer pour être utile à sa famille, à sa communauté et aux autres. C’est cette qualité-là qui fait l’étoffe des leaders et des grands hommes, celle de prendre ses responsabilités. Donc c’est tout naturellement que Samuel Shafiishuna Daniel Nujoma sera syndicaliste et rencontrera des militants indépendantistes qui lui montreront la voie, lui qui était révolté par les discriminations raciales.

La lutte pour l’indépendance

Et naturellement il devient membre fondateur de l’organisation des peuples de Ovamboland (Ovamboland People’s Organisation) en 1959. Des manifestations sont organisées contre le déplacement forcé des populations dans le cadre de la politique de l’apartheid. La répression du régime sud-africain fera 11 morts et 44 blessés le 10 décembre 1959 et Nujoma est contraint à l’exil dès 1960 d’abord au Botswana, puis au Ghana et aux États unis. Ce qui l’oblige à laisser derrière lui son épouse et ses quatre enfants. Dès cet instant on devine que le but de la vie de cet homme, et toute sa volonté, sa détermination convergent vers la libération de son pays. C’est ainsi qu’il s’associera à d’autres personnes comme Andimba Toivo ya Toivo et des forces politiques en plus de son mouvement Ovamboland People’s Organisation pour créer en 1960 la South West Africa People’s Organisation (Swapo).

Six ans après la lutte armée est lancée en 1966. Cette longue guerre d’indépendance de plus de vingt ans fera plus de 20 000 morts. Reconnue par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en 1973 et par l’Organisation des nations unies (ONU) la même année, la SWAPO devra faire face à une crise interne en 1978. Mais elle ne vacillera pas et ne sera pas détruite. Elle poursuivra la lutte armée et ne négligera pas le versant diplomatique par la sensibilisation dans les organisations internationales et l’opinion publique dans le monde. La SWAPO et l’ANC (African national congres) luttaient contre le même régime raciste en Afrique du Sud. Le racisme se doublait de l’exploitation coloniale en Namibie. Il faut rappeler que c’est l’Allemagne qui était la puissance coloniale de la Namibie, mais à la fin de la 2e guerre mondiale, les nations unies ont confié son administration à l’Afrique du Sud.

Dans les années 1980, l’apartheid était dénoncé dans le monde entier, les produits sud-africains boycottés, de grands concerts étaient organisés pour la libération de Nelson Mandela à Wembley, en Grande Bretagne et dans d’autres pays. Le régime était isolé et aux abois face aux manifestations des jeunes élèves et étudiants, les grèves des syndicats et les incursions des forces militaires des mouvements opposés au régime.

L’apartheid à la fin des années 1980 vit ses dernières heures, le régime est en pleines négociations avec Nelson Mandela pour sa libération qui intervient finalement le 11 février 1990, signant la fin de l’apartheid. Frederick de Klerk reconnaît dans la foulée l’indépendance de la Namibie qui accède à l’autodétermination le 21 mars 1990 devant Nelson Mandela.

Sam Nujoma, ancien guérillero mais président de la réconciliation

Ils ont surpris le monde et les suprématistes blancs, la Namibie indépendante n’a pas fait de chasse aux paysans blancs minoritaires qui détenaient l’essentiel des terres, tous leurs privilèges ont été maintenus. Économiquement les inégalités en faveur des Blancs sont intactes en Namibie comme en Afrique du Sud, contrairement à la propagande des milliardaires américains au pouvoir. Sam Nujoma comme président a préféré des actions pour l’unité de la population de 2,6 millions d’habitants aujourd’hui avec une dizaine de groupes ethniques et deux races. Il a tout fait pour l’unité de son parti, adopté des réformes pour accorder des aides aux mères seules en obligeant les pères absents à contribuer aux coûts de l’éducation des enfants.

Il a également défendu la cause des femmes veuves qui étaient chassées de leurs maisons du fait de la tradition après le décès de leurs maris. Sam Nujoma a bénéficié d’un troisième mandat, du fait que son premier n’avait pas été obtenu suite à des élections. Il est le seul dans ce cas et le pays est à son quatrième président. Après sa retraite politique, Sam Nujoma a repris les études et a obtenu une licence en géologie. Son intérêt pour cette science vient de sa conviction que son pays regorge de richesses minérales.

Sana Guy

Lefaso.net

Source: LeFaso.net