Là où le monde voit des déchets, Balguissa Sankara voit des œuvres d’art. Diplômée en gestion des ressources humaines, elle mène une double vie, jonglant entre son travail quotidien et une passion profondément ancrée qui est l’art du recyclage. Son amour pour le bricolage et la transformation des objets usés a donné naissance à une entreprise, vouée à la préservation de l’environnement et à la création d’œuvres d’art à partir de matériaux récupérés.

Tout a commencé lors d’un mariage. Ce jour-là, observant des invités jeter des couverts jetables, Balguissa a eu une révélation. « J’étais à un mariage et après la cérémonie, j’ai remarqué des couverts jetables que les gens ramassaient et brûlaient ou mettaient dans les bacs à ordure. Et c’est là je me suis dit, pourquoi ne pas récupérer ces fourchettes et cuillères jetables et les transformer ? Je me suis donc mise à ramasser ce qui trainait et je suis allée faire une décoration murale que je suis revenue offrir au nouveau couple. C’est de là qu’est née mon entreprise. J’ai commencé par créer une page Facebook où je publiais mes créations. Les gens ont apprécié », se rappelle-t-elle.

Depuis deux ans, son entreprise de recyclage prend de l’ampleur. Sankara ne se limite pas aux couverts jetables. Son œil artistique voit le potentiel dans tout ce qui l’entoure : pneus abandonnés le long des routes, cartons usés, bidons vides, rouleaux de papier toilette, bois de brochettes… Pour elle, tout peut être transformé. Qu’il s’agisse de créer des meubles à partir de vieux pneus ou des pots de fleurs à partir de boîtes de lait, son talent réside dans sa capacité à réinventer l’utilité des objets.

Toutes ces décorations ont été fabriquées à partir d’objets ramassés dans la rue

Ses matières premières, elle les trouve un peu partout. « Pour ce qui est des pneus, il y en a qui sont jetés tout le long du canal, donc je vais souvent ramasser là-bas. Ou bien je pars chez les colleurs et je récupère certains. Les bidons et boîtes vides sont un peu partout et aussi en vente au marché. Souvent, si je ne trouve pas à ramasser dans la rue, je pars payer au marché. Mais le but de mon entreprise, c’est la récupération, la préservation de l’environnement. Donc je maximise sur les objets déjà utilisés qui trainent dans la rue. Pour les bois de brochettes, je peux m’en procurer à l’alimentation mais je préfère me promener chez ceux qui vendent pour ramasser et je viens laver et je transforme », confie-t-elle.

Parfois, elle est dévisagée, perçue comme étrange lorsqu’elle ramasse des objets jetés. « Ce n’est pas toujours facile d’arriver au milieu des gens et de ramasser certaines choses par terre. Souvent, les gens me dévisagent ou ne m’associent pas une bonne image », dit-elle. Mais cette perception ne l’arrête pas. Son objectif est clair : sauver l’environnement tout en éveillant les consciences à travers ses créations. À chaque objet récupéré, elle voit une opportunité de montrer que même ce qui semble inutile peut avoir une seconde vie.

Malgré les défis, le manque d’espace pour stocker ses objets et parfois le regard suspicieux de certaines personnes, Balguissa Sankara persévère. La réaction du public, en revanche, est très positive. Sur sa page Facebook, où elle partage ses créations, l’engouement est palpable. Ses abonnés, fascinés par ses œuvres, n’hésitent pas à lui envoyer des vidéos et des idées pour l’inspirer davantage. Ceux qui partagent sa passion pour l’écologie soutiennent son travail en achetant ses objets transformés.

« Lorsque je publie mes créations, je sens de l’engouement. Souvent, quand mes proches voient des vidéos en lien avec ce que je fais, ils me l’envoient en espérant que ces vidéos m’inspirent davantage. Les gens s’intéressent de plus en plus aux objets recyclés. Ceux qui sont vraiment passionnés de la préservation de l’environnement achètent », a-t-elle laissé entendre.

Ce qu’elle fait, Sankara le considère comme un sacrifice, mais un sacrifice motivé par la passion. Entrepreneure et gestionnaire, elle réussit à jongler entre ses deux carrières grâce à une organisation méticuleuse. La gestion de son emploi du temps n’est pas sans défi. En semaine, elle endosse son rôle de gestionnaire de ressources humaines, mais les nuits et les week-ends sont consacrés à son véritable amour qu’est la création. « Je travaille le plus souvent sur mes créations la nuit, car c’est en ce moment que je suis encore plus inspirée à travailler », confie-t-elle.

Et l’avenir ? Elle le voit prospère, avec une entreprise florissante et une galerie où elle pourrait exposer ses œuvres, un rêve qu’elle nourrit avec la même créativité et détermination qui ont marqué le début de son aventure.

Hanifa Koussoubé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net