Hierrhum Aboubacar Bambara est professeur titulaire en oncologie médicale ou cancérologie médicale et chef de service du service oncologie hématologie clinique au CHU Bogodogo. Dans cet entretien, il revient sur les cancers les plus fréquents au Burkina, sur la prise en charge. Il insiste sur la nécessité d’un dépistage précoce.
Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter ?
Pr Aboubacar Bambara : Je suis le Professeur Hierrhum Aboubacar Bambara. Je suis professeur titulaire en oncologie médicale ou cancérologie médicale. Je suis enseignant hospitalo-universitaire à l’Unité de formation et de recherche en sciences de la santé de l’Université Joseph Ki-Zerbo. Je suis également praticien hospitalier au CHU Bogodogo et chef de service du service oncologie hématologie clinique dans ce CHU.
En quoi consiste votre travail d’oncologue au quotidien ?
C’est un travail d’oncologue médical. C’est-à-dire faire de la prévention du cancer : encourager la prévention primaire des cancers et le dépistage des cancers, le diagnostic des cancers en prescrivant après examen clinique des patients des examens para cliniques ; le traitement des cancers par des médicaments spécifiques contre le cancer : chimiothérapie, hormonothérapie, l’immunothérapie….
Quelle est l’ampleur des maladies du cancer au Burkina ?
Le cancer est un véritable problème de santé publique. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par le biais de GLOBOCAN, 14 538 nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués en 2022.
Quelles sont les plus fréquents ?
La répartition des cancers les plus fréquents au Burkina Faso se fera en fonction du sexe avec derniers chiffres de 2022 de l’OMS.
Ainsi, chez la femme, les trois cancers les plus sont d’abord le cancer du sein avec 1 372 nouveaux cas. Ensuite le cancer du col de l’utérus avec 988 nouveaux cas et enfin le cancer primitif du foie avec 821 nouveaux cas.
Chez l’homme, ce sont le cancer de la prostate avec 1 152 nouveaux cas, le cancer primitif du foie avec 1 109 nouveaux cas et le cancer de la vessie avec 459 nouveaux cas.
Peut-on dire aujourd’hui que le cancer est un problème de santé publique au Burkina avec ces nombres de cas élevés ?
Oui avec ces chiffres élevés, on peut dire sans se tromper que le cancer est un problème majeur de santé publique au Burkina Faso. Et malheureusement, ces cancers arrivent en consultation à des stades avancés ou même à des stades avec des localisations à distance ou métastases.
Par exemple dans le service oncologie hématologie clinique du CHU Bogodogo que je dirige, de janvier 2024 à septembre 2024, nous avons notifié plus de 100 décès. Ces décès ont concerné les deux sexes mais le constat est que ce sont des cancers aux stades avancés avec une prédominance des stades métastatiques. C’est triste et pas normal, surtout qu’un certain nombre de cancers comme le cancer du sein, du col de l’utérus, de la prostate et du foie peuvent bénéficier du dépistage ou d’un diagnostic au stade précoce.
Généralement, comment se fait la prise en charge ?
La prise en charge commence à notre niveau par le fait qu’un patient peut être reçu en consultation soit avec un diagnostic de certitude de cancer ou soit avec une suspicion.
Un dossier médical est établi avec un diagnostic anatomopathologique de certitude et une classification du cancer est faite. Un staff discute et un plan de soin du patient est établi. Ainsi le patient pourrait commencer par un des traitements spécifiques du cancer : chimiothérapie, chirurgie ou radiothérapie
Avons-nous un plateau technique adapté pour la prise en charge ?
Oui, avec tous les efforts déployés par nos autorités, la prise en charge du cancer est possible au Burkina Faso. Quelques problèmes existent tels que l’accès aux médicaments anticancéreux basiques, aux thérapies ciblées et la régularité du fonctionnement de la radiothérapie.
Le Burkina devrait avoir deux centres de radiothérapie ; où en sommes-nous ?
C’est une question très technique et je préfère vous référer aux autorités compétentes.
Y a-t-il des précautions à prendre pour éviter les maladies du cancer ?
Concernant le cancer, il existe des facteurs de risque endogènes et exogènes.
Les facteurs de risque endogènes tels l’hérédité ne peuvent pas être modifiés par l’homme. Je m’explique : le cancer du sein a une part d’hérédité cela veut dire que si dans votre famille il y’a déjà des cas de cancers du sein, ce que vous pouvez faire c’est le dépistage. L’objectif ici pour vous, c’est avoir un diagnostic précoce si vous êtes atteints.
Par contre les facteurs de risque exogènes sont modifiables car ce sont nos modes de vie et habitudes alimentaires. L’alcool et le tabac sont les plus grands facteurs de risque dans notre contexte.
Les facteurs de risque infectieux tels que les hépatites virales B et C sont retrouvés dans la survenue des cancers primitifs du foie, premier cancer commun à l’homme et la femme au Burkina Faso. Cela veut dire que c’est indispensable pour tout un chacun de faire le de dépistage des hépatites et de se faire vacciner quand c’est indiqué. Pour ceux qui ont l’hépatite, il est obligatoire de se faire suivre par un spécialiste ou un agent de santé qui maîtrise la pris en charge des hépatites.
Enfin le sport, la consommation de fruits et légumes, le port de préservatifs, la consommation de poissons et de viande blanche au détriment de la viande rouge sont à encourager.
Que pensez-vous des cliniques mobiles déployées dans le cadre d’octobre rose par le gouvernement ?
C’est une très bonne chose qui va permettre d’avoir une stratégie avancée dans la lutte contre le cancer du sein et du col de l’utérus avec d’autres soins de santé intégré. Cela va permettre de rapprocher les populations des soins de santé.
Cependant pour ce qui concerne la lutte contre le cancer, l’accessibilité aux médicaments anticancéreux doit être améliorée. Il faut une forte décision politique pour une gratuité ou une subvention des médicaments anticancéreux. Très peu de patients arrivent à honorer seul la chimiothérapie sans aide pour l’achat des médicaments anticancéreux.
Nous devons veiller à réduire les délais pour la réalisation de la radiothérapie et éviter les ruptures de traitement liées aux pannes des appareils de radiothérapie.
Enfin l’accès au diagnostic des cancers doit être améliorés par la disponibilité du diagnostic moléculaire des cancers du sein et de certains cancers du sang.
Pour conclure, quel message avez-vous à lancer à propos du cancer ?
Je voudrais vous remercier pour cette opportunité pour échanger sur la lutte contre le cancer au Burkina Faso.
Nous devons avoir un comportement de dépistage et de diagnostic précoce avec un bon mode de vie et habitudes alimentaires.
C’est dangereux pour une femme de plus de 45 ans qui n’a jamais réalisé une mammographie couplée à l’échographie. De même qu’un homme noir qui a plus de 50 ans qui n’a jamais fait le dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) car le cancer de la prostate est le premier cancer chez l’homme au Burkina Faso.
Encore merci pour votre accompagnement pour octobre rose et en avant pour novembre bleu, mois de lutte contre le cancer de la prostate.
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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