S’il voulait tuer Donald Trump, le jeune blanc et républicain, Thomas Matthew Crooks a raté sa cible mais a mis plein dans d’autres cibles qu’il ne visait pas : la campagne électorale et le spectateur qui est mort à Butler, le samedi 13 juillet 2024. Aujourd’hui, on ne voit pas comment la victoire va échapper au républicain ensanglanté levant le poing en l’air en criant « Fight, fight, fight ! » avec ses supporteurs répondant à son cri « USA, USA ! ». Le camp républicain est dans une séquence ascendante avec toutes les étoiles alignées pour lui. « C’est Dieu qui m’a sauvé, ils voulaient ma mort. » Les démocrates n’ont pas le beau rôle dans cette partie, leur candidat, qui n’a pas été bon lors du premier débat, n’a pas cette chance insolente de réchapper à un attentat, de se relever, chercher ses chaussures et lancer des mots d’ordre de bataille avec du sang sur la figure. Pour le symbole, pour la postérité, cela va peser en novembre, à moins d’une révolution, comme le vote contre l’extrême droite en France.

Cette élection présidentielle aux États unis est unique par la présence de deux candidats âgés, qui se sont déjà affrontés. Ce combat électoral prend des airs de revanche et de vengeance avec le candidat Trump qui n’a jamais reconnu sa défaite et dont les militants ont attaqué le Capitole pour faire un coup d’État. La violence était déjà présente dans le pays où elle est constitutionnalisée par le droit de posséder des armes. Par sa culture, son cinéma, son histoire, on peut dire que la violence est inscrite dans l’ADN des États unis. Voyons ensemble encore ce qu’est cette fédération des États unis d’Amérique et ce qui reste de sa démocratie menacée par la violence des mots et des armes. Le candidat démocrate Joe Biden qui n’a pas encore l’investiture de son parti est-il condamné à abandonner cette ultime bataille ?

Les migrants débarquaient en Amérique, à New York, selon la légende, où la liberté, symbolisée par une statue, les accueillait. Le pays s’est étendu à l’ouest, par la conquête du Far West qui s’est faite par la violence, le génocide et les armes à feu qui ont eu une place prépondérante dans cet épisode où certains disaient qu’un bon indien était un indien mort. Entendez par indien, les autochtones, les peuples qui vivaient en Amérique avant l’immigration massive des Européens. La violence, fait social entretenu par un lobby puissant la National Rifle Association (NRA) qui existe depuis 1871 et a popularisé les stands de tirs dans les lycées et universités depuis 1906 pour conquérir la jeunesse à l’amour des armes à feu.

Une bonne partie de la population en armes contre la population

Cette association revendique au moins 5 000 000 d’adhérents. Les États unis comptent, selon le Washington Post, 16 millions d’Américains possédant un AR-15, en majorité pour des questions d’autodéfense. Cela indique la popularité de ce fusil automatique et laisse envisager la quantité d’armes détenues par les Américains. Dans ce pays, acheter une arme à feu est aussi aisée qu’acheter un bonbon. Il n’est pas interdit aux moins de 21 ans d’en acheter. L’administration Biden a obtenu seulement que les marchands vérifient le profil des acheteurs en 2022. L’AR-15 est une arme de guerre et c’est l’arme utilisée par le jeune qui a blessé Donald Trump que les services de sécurité ont abattu sur le toit d’où il a tiré. L’AR-15 a été utilisé pour de multiples tueries aux États-Unis et malheureusement, cela ne désole seulement que les démocrates au plan politique.

Les armes à feu ont été utilisées par certaines personnes comme armes politiques pour mettre fin à la vie de certaines personnalités et dirigeants politiques. Ce fut le cas particulièrement en 1968, quand un extrémiste de droite abat le révérend Martin Luther King le 4 avril, alors qu’il est sur le balcon d’un hôtel à Memphis (Tennessee). Deux mois plus tard, le 5 juin 1968 après un discours de victoire à la primaire démocrate de Californie, un militant d’origine palestinienne tire sur le président des États unis Robert F Kennedy dans un hôtel de Los Angeles. Avant lui, c’est le président Abraham Lincoln qui a été assassiné. Avant Donald Trump six autres présidents ont essuyé des tirs lors de tentatives d’assassinat. Ce sont Andrew Jackson en 1835, Theodore Roosevelt en 1912, Franklin D. Roosevelt en 1933, Harry S. Truman en 1950, Gerald Ford en 1975, et Ronald Reagan en 1981.

Ces insurgés armés pour certains voulaient faire un coup d’État

Si aujourd’hui il est la victime, Donald Trump n’est pas pour autant une douce brebis. Sa campagne au slogan de MAGA pour Make America great again est d’une violence inégalée contre les pauvres et les étrangers. En refusant de reconnaître sa défaite contre Joe Biden, il a laissé ses partisans se lancer à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 pour empêcher son investiture. Ces insurgés, armés pour certains, voulaient faire un coup d’État comme dans certains pays que Trump appelle « pays de merde ». L’Amérique est un pays d’une violence entretenue par des officines politiques complotistes et par des campagnes de désinformation, où la politique n’est plus un combat d’idées mais un véritable champ de bataille.

Peut-être le dernier discours de Joe Biden

Nous ne résistons pas au plaisir de vous proposer le discours de Joe Biden à ses compatriotes suite à la tentative d’assassinat de Donald Trump. Si chaque citoyen du monde pouvait l’entendre. « Nous avons la chance de vivre dans le meilleur pays au monde. Et j’y crois de toute mon âme, de tout mon être. Alors ce soir je demande à tous les Américains de s’engager à nouveau pour l’Amérique (…). Tout le monde doit être traité avec dignité, avec respect, et la haine ne doit pas trouver refuge ici, en Amérique. Nous devons sortir de nos bulles. Nous n’écoutons que ceux avec qui nous sommes d’accord, la désinformation est endémique, (…). Dès le début, nos fondateurs avaient compris le pouvoir de la passion. Alors ils ont créé la démocratie et ils ont donné à la raison et à l’équilibre une chance de prévaloir sur la force brute. C’est ça, l’Amérique. Nous devons être une démocratie où les arguments sont avancés de bonne foi. Dans la démocratie américaine, l’État de droit est respecté, la décence, la dignité et le fair-play ne sont pas de simples notions désuètes, mais des réalités vivantes (…). Ne perdons jamais de vue qui nous sommes. N’oublions pas que nous sommes les Etats-Unis d’Amérique. Il n’y a rien, rien, rien que nous ne puissions faire si nous le faisons ensemble. » … « Défendre notre Constitution, l’État de droit, l’appel à s’exprimer dans les urnes, pas par la violence dans nos rues. C’est ainsi que la démocratie doit fonctionner. Nous débattons et sommes en désaccord. Nous comparons le profil des candidats, les dossiers, les problèmes, les programmes, la vision de l’Amérique. Mais en Amérique, nous résolvons nos différends par les urnes. C’est comme ça que nous agissons, dans les urnes, pas avec des balles. Le pouvoir de changer l’Amérique devrait toujours reposer entre les mains du peuple, et non entre les mains d’un assassin potentiel. »

La campagne électorale a repris ses droits, mais Biden ne peut poursuivre la sienne pour cause de Covid. Son investiture comme candidat démocrate a été suspendue et les requêtes demandant son désistement ont repris de plus belle. Dans sa quarantaine, Biden va-t-il méditer sur son avenir, abandonner cette dernière bataille pour ne pas faire perdre son camp ? Ou continuer en croyant au miracle alors que sa santé est fragile ?

Sana Guy

Lefaso.net

Source: LeFaso.net