« Assignation en inopposabilité de conventions, en cessation de troubles de jouissance et en paiement de dommages et intérêts ». Telle est l’affaire qui oppose la société Soutra Immo et la société Abdoul’ Service, depuis 2020, dans la ville de Bobo-Dioulasso. En mars 2023, le tribunal a tranché en faveur de Soutra Immo, en première instance. Conseil de la société Abdoul’ Service international, Me Siaka Niamba rappelle que le feuilleton judiciaire n’est pas encore terminé et que la Cour d’appel, saisie le 30 mars 2023, ne s’est pas prononcé pas sur l’affaire. Entretien.

Lefaso.net : Le 7 avril dernier, nous publions l’expédition du jugement et écrivions dans nos colonnes que le litige foncier qui opposait les deux agences immobilières Soutra Immo et Abdoul’ Services International connaissait son dénouement le 23 janvier 2025 avec la décision de justice du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso. Vous n’êtes pas de cet avis ?

Me Siaka Niamba : Il y a eu un jugement rendu le 22 mars 2023. Et de ce jugement, nous avons relevé appel suivant acte d’huissier du 30 mars 2023. Et comme vous le savez en matière de procédure, l’Appel a un effet suspensif du jugement. C’est-à-dire que quand un jugement est rendu, qu’il n’est pas assorti de l’exécution provisoire, quand vous faites appel, ça remet tout à zéro. Donc, il faut attendre que la cour d’appel qui est saisie du dossier rende sa décision pour jubiler, pour dire j’ai enfin gagné.

Sinon à ce stade, Soutra se prévaut de choses qui n’existent pas. D’ailleurs, j’ai appelé son avocat qui sait bien où se trouve le dossier actuellement. C’est-à-dire que le dossier est devant le conseiller chargé de la mise en état des affaires civiles de la chambre civile de la cour d’appel de Bobo-Dioulasso. Le dossier est devant ce conseiller qui met le dossier en état avant de le programmer pour le deuxième jugement. Donc, la cour d’appel sera amenée à rendre un arrêt et c’est quand il y aura cet arrêt que la personne qui aura gagné, la partie qui aura gagné, peut dire « j’ai gagné ».

Encore que là, il y a encore la possibilité d’aller devant la cour de Cassation. C’est vrai que là, il n’y a pas un effet suspensif, mais la décision peut changer. Je ne sais pas qui est l’auteur du document publié, mais la personne se prévaut de choses qui n’existent pas. Je veux dire qu’il n’y a pas de décision, il n’y a pas de jugement exécutoire en l’état pour dire que c’est Soutra qui est définitivement propriétaire ou Abdoul Service international. Nous attendons que la cour d’appel se prononce et en ce moment, la personne gagnante pourra dire « j’ai gagné ». Pour l’heure on n’est pas à ça.

Je précise par ailleurs qu’il y a eu une décision devant ce qu’on appelle le juge des référés, le juge de l’urgence, pour dire “pour éviter des troubles, arrêtez les travaux en attendant qu’il y ait une décision définitive pour dire soit c’est pour Abdoul Service, soit c’est pour Soutra Immo. Mais, pour l’heure on n’est pas à cela. Je pense que celui qui a fait ce document véritablement se trompe lourdement et je suis sûr d’ailleurs que si son conseil avait été mis au courant, ce document n’aurait pas pu être publié.

Certainement, là où la personne essaie de tromper les gens, c’est la date de délivrance de l’expédition du jugement. C’est-à-dire que le jugement, ce que j’ai vu en tout cas, a été délivré courant 2025, pour une décision qui a été rendue, le 22 mars 2023. Pour un profane, quand il prend la décision et va à la dernière page et voit “23 janvier 2025”, il se dit que c’est récent. Or non, c’est la même décision de mars 2023. C’est juste que la personne qui s’est faite délivrer l’expédition est allée en janvier seulement. Et c’est ce document qu’on devait mettre aussi au dossier de la Cour pour maintenant faire ce qu’on appelle des conclusions. Chacune des parties, l’appelante d’abord, explique en quoi elle n’est pas d’accord avec le jugement. Et l’autre partie réplique.

C’est pour vous dire que vraiment, à ce stade-là, il n’y a pas de décision exécutoire qui a tranché définitivement pour dire que Soutra est propriétaire ou qu’Abdoul service est propriétaire. Donc, on est dans l’attente de la décision de la cour d’appel.

Est-ce que vous contestez l’authenticité de l’expédition du jugement publié ? Est-ce un faux document ?

Je ne conteste pas. Ce n’est pas un faux document. C’est un document vrai. Mais comme je le dis, ce jugement a été rendu le 22 mars 2023. Et nous, nous avons relevé appel le 30 mars 2023. Et comme je l’ai dit, l’appel a un effet suspensif. Ça renvoie les parties en l’état en attendant que la cour d’appel se prononce. C’est aussi simple que ça.

Et après cette décision en première instance, quelle est la situation sur le terrain ?

Je ne suis pas sur le terrain pour savoir ce qui s’y passe. Ça, je ne peux rien dire. Dans tous les cas, nous, notre devoir c’est que chaque fois qu’il y a une décision nous rendons compte au client.

Me Siaka Niamba, conseil d’Abdoul Services International

Que demande votre client précisément ?

Naturellement, nous demandons que ce jugement soit annulé. Nous allons apporter les arguments nécessaires pour faire annuler ce jugement et faire retenir Abdoul’ Services comme propriétaire de ce terrain. C’est de ça qu’il s’agit.

Abdoul’ Services a été condamné à payer 500 000 francs au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Les 500 000 F CFA, c’est un peu comme ce que la société aurait payé comme frais d’avocat. C’est ce que j’ai dit ce jugement-là, on ne peut pas l’exécuter parce qu’il y a eu appel. Son contenu n’a pas d’effet actuellement. Donc, tout ce qui est là-dedans, n’a aucun effet à ce stade.

Combien de temps va durer le jugement en appel ?

Non, je ne pense pas que ça prendra beaucoup de temps encore parce que c’est ce document qu’on attend pour le critiquer. Et comme on l’a maintenant, le dossier va aller vite.

Alors vous, en tant que conseil de l’entreprise, Soutra Immo dit qu’elle a eu à payer le terrain. Votre client dit qu’il a eu aussi à payer le terrain avec les mêmes personnes…

Nous avons des actes notariés. Le client, Abdoul’ Service, a payé avec les propriétaires terriens sur la base d’actes notariés. Les actes notariés sont dans le dossier. Vous comprenez ? Au-delà même de ça, il y a eu l’approbation aussi de la mairie pour dire que ce terrain-là est acquis à Abdoul’ Service. Donc, on a quand même des éléments pour attester que c’est pour Abdoul’ Service.

Il ressort pourtant de l’expédition du jugement que ces actes ont été faits devant le même notaire, par les deux sociétés à des dates différentes ?

Je vais vous dire une chose. Ça ne nous intéresse pas. Vous savez, les terres rurales ne sont pas immatriculées, de sorte que vous pouvez vous retrouver peut-être plusieurs à avoir acheté le même terrain, mais c’est à l’administration de faire en sorte que cela n’arrive pas. Nous ne pouvions pas savoir qu’un terrain appartenait à quelqu’un et aller acheter le même terrain. Cela n’a pas de sens. Et si un professionnel du droit devant qui la société s’est retrouvée, savait aussi qu’il y avait ce problème, je ne pense pas que le notaire aurait établi d’autres papiers.

Les deux vendeurs du terrain, Sanou Laurent et Sanou Bernard n’ont-ils donc pas dit à votre client qu’ils avaient déjà vendu le terrain à Soutra Immo ?

Mais ils ne peuvent quand même pas dire ça et le client va s’engager dans des problèmes. Ça n’a pas de sens.

Mais est-ce que vous avez l’impression qu’Abdoul Service est victime de sa notoriété ?

Non, je ne rentre pas dans ces considérations-là. Vous savez, moi, quand j’ai un dossier devant les juridictions, j’essaie autant que faire se peut de défendre au mieux mon client. Je ne juge pas les autres aspects. Moi, je mets ma science en œuvre pour sortir mon client des problèmes. C’est ça qui m’intéresse. Le droit.

Iriez-vous en cassation si l’Appel ne vous est pas favorable ?

Pour l’heure, nous sommes devant la cour d’appel et nous avons espoir que nous allons gagner ce procès. Et naturellement, la cassation, c’est une autre voie de recours. S’il le faut, nous irons là. Mais pour l’heure, nous pensons que nous allons gagner et que c’est plutôt l’autre partie qui se pourvoira en cassation.

Propos recueillis par HFB

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Source: LeFaso.net