Comment assécher les sources de financement des terroristes au Burkina Faso ? C’est l’équation que veut résoudre la Coordination nationale de lutte contre la fraude (CNLF). Pour ce faire, elle a tenu le mercredi 9 avril 2025 à Pô, dans la région du Centre-sud, sa première session ordinaire de l’année, sous la tutelle du ministère de l’Économie et des finances. Placée sous le thème : « Assèchement des sources de financement du terrorisme : impact de la lutte contre le trafic illicite des biens stratégiques et le blanchiment de capitaux », cette rencontre a rassemblé des acteurs clés du secteur économique et de la lutte contre la fraude autour d’une question d’actualité majeure. Sous le leadership du coordonnateur national de la CNLF, Dr Yves Kafando, l’évènement a été présidé par le haut-commissaire de la province du Nahouri, Sié Aristide Mohamed Kam, en présence du président de la délégation spéciale (PDS) de Pô, Ilassa Dianda.

Dans le cadre de la lutte antiterroriste, la première session ordinaire de l’année 2025 de la CNLF, a eu pour objet de renforcer les capacités des participants sur les liens étroits entre criminalité économique, trafic illicite et financement du terrorisme. Cela, dans un contexte où ces phénomènes constituent des menaces directes pour la stabilité et le développement du Burkina Faso.

Au cours de son allocution, le coordonnateur national de la CNLF, Dr Yves Kafando, a insisté sur la nécessité d’adopter une approche intégrée et multisectorielle pour faire face à ces fléaux. Tout en saluant l’accueil des autorités locales, il a rappelé l’importance symbolique de la ville de Pô pour ce type de réflexion stratégique. Cette localité avant-gardiste de la révolution d’août 1983, poursuit-il, a porté le capitaine Thomas Noel Isidore Sankara à la tête de la Révolution démocratique populaire (RDP).

« Toute infraction constatée sur l’étendue du territoire national est susceptible de financer le terrorisme », Dr Yves Kafando, coordonnateur national de la CNLF

Les circuits de financement

Dr Kafando a montré l’urgence d’aller vers une réponse globale et cohérente face aux défis sécuritaires actuels, soulignant que le terrorisme prospère notamment grâce à la fraude. Il a pointé du doigt plusieurs circuits de financement terroriste, incluant les hydrocarbures, les cargaisons alimentaires, les drogues, les armes et les médicaments de contrebande.

Selon lui, « lutter efficacement contre la fraude, c’est inéluctablement contribuer efficacement à assécher les sources de financement du terrorisme ». D’où l’importance du thème de cette session. À cet effet, le coordonnateur a appelé les membres de la CNLF à une mobilisation accrue. « Nous devons adapter notre posture et nos postulats de manière à être davantage structurés, cohérents et audacieux », a-t-il interpelé. Il les a exhorté à s’engager pleinement, avec probité et vigilance. « Les populations que nous avons choisi de servir ne nous demandent pas d’être sacrifiés. Elles nous sollicitent plutôt le sacerdoce… l’arme la plus redoutable contre tout fléau d’envergure », a-t-il indiqué.

Des participants à la première session ordinaire de l’année 2025, organisée par la CNLF à Pô

Trouver des solutions holistiques

Dr Kafando a aussi souligné l’urgence d’agir avec détermination : « Agissons dès maintenant et accordons à l’histoire la latitude de nous juger dans le temps » ; avant d’encourager les participants à devenir de véritables relais de la lutte contre la fraude.

Les autorités présentes à cet atelier, à l’instar du président de la délégation spéciale de Pô ont souligné l’importance de cette activité pour la région qui l’abrite. « Dans un contexte de lutte contre le terrorisme, il est essentiel de penser à des solutions holistiques qui prennent en compte les paramètres de la menace. C’est pourquoi je voudrais vous adresser ma sincère gratitude pour le choix porté sur la ville de Pô pour mener cette activité combien importante », a déclaré lors de son mot de bienvenue à l’assistance, le PDS Ilassa Dianda.

« Je nourris l’espoir que de vos échanges, des mesures fortes soient prises pour nous permettre d’assainir davantage le climat local des affaires », Ilassa Dianda, PDS de Pô

Une adaptation constante s’impose

Partageant la même vision, le haut-commissaire de la province du Nahouri, Sié Aristide Mohamed Kam, estime que l’assèchement du terrorisme ne peut être efficace que s’il s’appuie sur une démarche collective, coordonnée et résolument proactive. Ce qui, précise-t-il, exige des acteurs une veille permanente, une adaptation constante aux nouvelles formes de criminalité ; mais surtout, une détermination sans faille.

Le lieutenant-colonel Pascal W. Zida, commandant le Groupement de gendarmerie départementale de Tenkodogo, et le lieutenant Lassané Kafando, commandant la Compagnie de gendarmerie de Orodara, ont co-animé une communication sur la présente thématique.

L’atelier a ainsi permis de mettre en lumière les mécanismes utilisés par les réseaux criminels pour infiltrer l’économie légale, ainsi que les stratégies à mettre en œuvre pour les contrer efficacement. À travers donc les différentes interventions, et les expériences partagées, les participants ont été outillés sur les techniques de détection, d’investigation et de coopération interinstitutionnelle.

« Je forme le vœu que vos échanges soient fructueux, vos recommandations, audacieuses, et vos engagements, renouvelés », Sié Aristide Mohamed Kam, haut-commissaire de la province du Nahouri

La tenue de cette session à Pô, zone stratégique à la frontière du Ghana, revêt une portée symbolique forte. Elle rappelle l’importance de la coordination régionale dans la lutte contre les circuits de contrebande et le commerce illicite, souvent exploités par des groupes terroristes.

En conclusion, les travaux ont débouché sur des recommandations opérationnelles en matière de renforcement des contrôles, de synergie d’action entre les services concernés et de sensibilisation des acteurs économiques sur leur rôle dans la prévention du blanchiment et du financement illicite.

Par cette initiative, la CNLF confirme son engagement à jouer un rôle de premier plan dans la sécurisation de l’économie nationale et la consolidation des efforts de l’État dans la lutte contre l’insécurité et le terrorisme.

Hamed Nanéma

Lefaso.net

Source: LeFaso.net