« Suffisamment autonomes, trop libres, difficiles à vivre, querelleuses, etc. » Les préjugés sur les femmes syndicalistes ne manquent pas. En cette journée du 8 mars 2025, nous leur avons tendu notre dictaphone pour savoir l’appréciation qu’elles ont de ces idées souvent toutes faites qu’on leur colle. Lisez plutôt !

Estelle Garané, de la Confédération générale du travail du Burkina

« La journée du 8 mars représente une journée de lutte, de combat. C’est une journée qui appelle les femmes à se réunir, réfléchir et voir comment elles peuvent s’organiser pour mener des luttes autour de leurs droits, des difficultés auxquelles elles sont confrontées. En tant que femme syndicaliste, nous affrontons le regard de la société qui a des préjugés sur nous, quelques fois des idées arrêtées. Mais au vu des difficultés auxquelles la société elle-même est confrontée, ce regard-là est en train d’évoluer. La preuve, ceux qui tiennent les préjugés sur les femmes syndicalistes, leur font appel quand ils sont en difficulté et demandent leur mobilisation pour les accompagner, car conscients qu’avec elles, ils ont la chance de gagner ou de réussir les actes qu’ils posent. Que ce soit les autorités, au niveau coutumier ou politique, chacun fait la cour aux femmes. L’autre débat qui pourrait se poser est de savoir si cela répond forcément aux besoins et attentes des femmes. Il leur revient donc à elles-mêmes de prendre conscience de leurs difficultés, savoir qu’ensemble elles sont une force, qu’elles peuvent se battre pour améliorer leurs conditions, et ne pas se laisser utiliser par des vendeurs d’illusions. »

« Quand on a besoin des femmes, on leur fait appel. Quand ce n’est pas le cas, on les dénigre et les jette en pâture », Estelle Garané de la CGT-B.

Aubierge Naré, du Syndicat des postes du Burkina

« Le 8-Mars est une journée dédiée aux droits et à la promotion des femmes. C’est une journée qui a été acquise grâce à une lutte acharnée des ouvrières qui ont réclamé leurs droits et qui ont été massacrées. Nous la commémorons en nous rappelant qu’il y a eu des gens qui ont lutté pour les droits des femmes. On aimerait aussi apporter notre pierre à ce combat, porter haut le flambeau de cette lutte. Le syndicalisme est un sacerdoce. On accepte et on subit. Quand on voit les gens qui ont leurs droits bafoués, cela nous fait quelque chose au cœur. On continue sans regarder, même si certains estiment qu’on réclame pour rien, alors que ça profite à toutes et à tous. Les gens disent de nous que nous sommes suffisamment autonomes, des opposants, des personnes qui ne sont pas faciles. On subit ces préjugés-là dans nos sociétés, dans nos familles, au service, mais on assume. »

« On dit de nous qu’on réclame tout et rien », Aubierge Naré.

Salimata Sou, du comité femme de la Confédération nationale des travailleurs du Burkina

« La journée du 8 mars représente la journée internationale des droits de la femme. Hilary Clinton disait que les droits des femmes sont des obligations, pas une option. C’est donc une journée qui commémore la lutte pour l’égalité de genre et les résultats engrangés. Elle symbolise la place que la femme occupe dans la société, dans le foyer, etc. De plus en plus, le poste qu’occupe un homme, la femme peut aussi l’occuper. C’est un pas de franchi, mais c’est une journée de sensibilisation, appelant à nous battre davantage. Pour ce qui est du regard de la société sur les femmes syndicalistes, je me dis d’abord qu’on est mère, on est chef d’entreprise, on a des responsabilités, on a des valeurs. Au-delà de ce qu’on peut penser, la femme, c’est l’aide. On ne peut parler d’un homme sans parler d’une femme. Ce n’est pas parce que nous luttons pour une égalité du genre, que nous oublions que nous sommes épouses, femmes au foyer. Nous voulons juste que nos droits soient respectés, qu’on ne se dise pas qu’au regard du fait qu’on est femme, on ne peut faire certaines tâches ou certains boulots. »

« Quand on parle de stabilité dans un endroit, il y a une femme », Salimata Sou.

Blanche Youl, du Syndicat des postes du Burkina

« La journée du 8 mars représente beaucoup pour moi, pour toutes les femmes. C’est une journée au cours de laquelle on doit beaucoup réfléchir sur notre épanouissement et celui de nos familles, car c’est sur nous qu’elles reposent. Les gens ne veulent pas le reconnaître, mais la femme est le berceau de l’humanité. C’est quelque chose de vrai et palpable. Je ne peux imaginer un monde sans la femme. Les gens ont des préjugés sur nous, mais à partir du moment où tu décides d’intégrer le combat, tu ne dois plus écouter ces préjugés-là. Soit tu es là pour la lutte commune, soit tu es là pour observer. Moi je ne pense pas que je suis là pour observer. Je suis là pour la lutte, je fonce. Quelque soit ce qu’on dit, moi je fonce. Il y a une personne qui peut influencer ce que je fais. Mais avant de venir à la lutte, j’ai déjà l’approbation de cette personne : le chef de ma famille. À part lui, je ne vois pas quel préjugé peut m’arrêter. »

« Sans la femme, je ne sais pas ce que le monde serait », Blanche Youl.

Propos recueillis par Erwan Compaoré

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Source: LeFaso.net