Des affaires retenues pour être jugées au cours de la session de jugement du pôle économique et financier de l’année judiciaire 2024-2025, figurait une portant sur des faits d’escroquerie aggravée et de blanchiment de capitaux. A l’appel du dossier ce mardi 20 novembre 2024, aucun, sur plus d’une dizaine de prévenus, ne s’est présenté à la barre. Néanmoins, le dossier a quand même été ouvert et débattu. Le verdict est attendu pour le 29 novembre 2024.
Les faits de cette affaire remontent à 2021. Il s’agit de personnes, constituées en groupe sous la bannière d’une structure présentée comme un centre de formation offrant diverses formations, notamment en comptabilité, informatique, mines et carrières, qui faisaient plutôt dans la vente de produits. Les cibles étaient majoritairement des jeunes. Et lorsque ces derniers contactaient la structure, il leur était demandé d’effectuer le déplacement principalement sur Ouagadougou pour bénéficier des formations.
Une fois sur place, ils se rendaient compte qu’il n’en était rien. Mais qu’ils étaient plutôt là dans le cadre de la vente des produits pour le compte de la société Qnet. Selon le procureur, le champ d’opération des délinquants était assez large. En plus du Burkina, ces derniers opéraient au Ghana et au Benin. Ce mardi 19 novembre 2024 était le jour fixé pour le jugement. A l’appel des prévenus, aucun d’entre eux ne s’est présenté à la barre. Seuls trois témoins étaient là.
Des explications fournies par le premier, c’est son fils qui a été victime d’escroquerie. « Il m’a informé qu’il a eu un travail et qu’il devait se rendre immédiatement au Ghana. Une fois là-bas, il m’a dit de lui envoyer 750 000 francs CFA pour les frais de formation. Et je l’ai fait sur un numéro qu’il m’a communiqué », a expliqué le témoin. A la question de savoir à qui est-ce que l’argent a été envoyé, le témoin affirme qu’il ne s’en rappelle plus. Pour lui rafraîchir la mémoire, le président du tribunal a refait lecture des identités des prévenus. Malgré cela, aucun souvenir !
Le déroulé des évènements était le même pour le deuxième témoin. Seulement, le concernant, c’était plutôt deux de ses enfants qui ont rejoint le Ghana. La somme envoyée donc s’élève à 1 500 000 francs CFA. Des faits que le président du tribunal dit ne pas comprendre. Tout en ne niant pas le fait qu’ils aient subi un préjudice, il souligne toutefois la contradiction qu’il y a entre leurs propos tenus sur place, et ceux contenus dans les procès-verbaux, où ces derniers affirmaient avoir envoyé l’argent sur le numéro de leurs enfants.
Le troisième témoin lui, dit avoir retenu le nom d’un des prévenus, en la personne de Salifou Kindo. Selon ses dires, ce dernier lui a été présenté par un démarcheur. « Il voulait louer une villa avec moi. Je lui ai demandé à quelles fins allait être utilisé le local, et il m’a présenté un récépissé, montrant qu’il offrait des formations. Je leur ai donc donné le local, mais je ne sais pas dans le fond ce qu’il faisait. Tout ce que je sais, c’est que les matins ils se retrouvaient, et quand ils faisaient leurs répétitions, ils criaient beaucoup. Il m’est arrivé par deux fois de les interpeller à ce sujet. Ça a été comme ça, jusqu’à ce qu’ils partent de la cour », a-t-il grosso-modo relaté.
En prenant la parole, le procureur, dans ses observations, dit ne pas vraiment être surpris de l’absence des prévenus car bien avant que le procès ne se tienne, il lui avait été remis un procès-verbal de recherche infructueuse. Toutefois, ces cas n’étant pas isolés et n’empêchant pas que le procès se tienne, il a requis que les prévenus soient relaxés pour ce qui est des faits de blanchiment de capitaux car les preuves en la matière n’étaient pas suffisantes.
Mais pour ce qui est de l’escroquerie aggravée, il a décliné la responsabilité de tout un chacun. Des prévenus, il y a par Aminata Soré et Marie Bassolé. « La première a fait venir quelqu’un de Bobo Dioulasso. Il lui a été dit qu’elle avait été retenue pour une formation en comptabilité et informatique. Quand la victime est arrivée, c’est la seconde qui l’a accueillie et envoyée dans la maison commune, où il y avait plus d’une cinquantaine personnes. Ouazou Nombré lui, a adhéré à l’entreprise depuis des années. Quand il y a eu des soupçons de démantèlement de l’entreprise, il a joué le rôle de filtrage pour permettre aux autres de mener l’activité en toute sérénité. Achille Rouamba, c’est lui le gérant du groupe restreint.
C’est aussi lui qui gère le groupe WhatsApp et qui expliquait aux autres comment faire pour ne pas être pris par les autorités. Boukary Millogo lui, une fois recruté, a participé à la sécurisation des lieux. C’est lui qui s’assurait de la diffusion de la formation en comptabilité informatique, mine et carrière. Zakaria Kinda est l’un des promoteurs des produits. C’est lui qui se charge de faire le lavage de cerveau, pour convaincre ceux qui ont de l’argent de payer, et ceux qui n’en ont pas, de convaincre leurs parents de le faire. Abdoul Fatao Rouamba, lui, détenait la caisse de ceux qui avaient été victimes. En détenant cette somme, il jouait un rôle important dans la chaîne d’activité.
Yacouba Dianda a perçu des frais entre les mains de certaines victimes. Salifou Kindo, avait son groupe à lui. Il avait ses griots à Ouagadougou, à Bobo, au Bénin et au Ghana. Toujours par la même démarche, il a dit aux gens qu’il leur offrait des formations en comptabilité et informatique, alors qu’il s’agissait plutôt de formations pour la vente des produits », a-t-on, entre autres, retenu des propos du procureur, qui relevait ainsi les manœuvres frauduleuses employées pour extorquer de l’argent aux victimes.
« Il ont agi en bande organisée. Certains devaient appâter les gens, d’autres gérer le logement, d’autres la caisse, d’autres la formation. Chacun avait un rôle important. Ce qui donne à l’escroquerie, son caractère aggravée », a-t-il ajouté.
Tout en requérant sept ans d’emprisonnement ferme ainsi qu’une amende de 10 millions de FCFA ferme pour chaque prévenu, il a souhaité qu’un mandat d’arrêt soit émis pour mettre fin à leur cabale. Le délibéré est attendu pour le 29 novembre 2024.
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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