Photographe et infographiste burkinabè, Akim Ouédraogo est tout simplement un artiste, mieux un artisan de l’image. Allons à sa découverte à travers cette interview réalisée le 27 août 2024 à Ouagadougou.

Lefaso.net : Qu’est-ce que la photographie pour vous ?

Akim Ouédraogo : La photographie pour moi, c’est l’art de raconter une histoire a travers des images. C’est un moyen de figer le temps de saisir des émotions brutes, et de les transformer en art.

Pouvez vous nous raconter votre premier contact avec un appareil photo ?

Mon premier contact avec un appareil photo, c’était en 2018. C’était la première fois que je touchais à un appareil photo professionnel, parce qu’il y avait les petits appareils et ceux qu’on appelle des boitiers. J’étais allé livrer un tableau à un monsieur, parce que je fais également du dessin. A mon arrivée, j’ai su qu’il était photographe et je lui ai dit que j’aimais ce métier mais je ne savais pas comment exploiter ces appareils. Donc, il m’a permis au moins de toucher à l’appareil et de faire un, deux, trois clichés…

A quel moment avez-vous décidé de faire de la photographie un métier ?

C’est après le premier contact avec l’appareil photo, parce que cela a réveillé une certaine émotion en moi, et je me suis dit pourquoi ne pas me lancer dans la photographie. Bien vrai que je n’avais pas de boitier, j’ai demandé à ce monsieur si je pouvais l’accompagner, être son assistant de temps en temps. Après quelques mois, j’ai eu quelques bases. Je portais la lumière parce qu’être assistant photographe, ce n’est pas évident que vous allez toucher le boitier tout le temps. Vous allez aider dans l’éclairage, apprendre puis commencer à toucher le boitier avec le temps.

Vous souvenez-vous de votre premier “gombo” de photographe ?

Mon premier “gombo”, c’était à Saponé lors d’un PPS (Cérémonie de fiançailles). Et je rappelle qu’à l’époque, je n’avais pas un moyen de déplacement. Donc, on a dû suivre le convoi. C’était à côté mais le travail était épuisant parce qu’on a quitté autour de 8h et on est rentré aux alentours de minuit. C’était une belle expérience parce que quand tu es laissé à toi-même pour couvrir ce genre d’évènements, il faut anticiper et il y a beaucoup de facteurs qui rentrent en jeu. Donc il faut être rapide dans le réglage des boitiers, coordonner avec les clients, pour pouvoir mieux couvrir l’évènement.

Quel est votre marque de prédilection pour la photographie ? Canon, Nikon, Sony, Olympus ?

Moi personnellement, je peux travailler avec tous les boitiers, mais je suis beaucoup plus à l’aise avec Nikon, parce que j’ai débuté avec une Nikon, je la maîtrise parfaitement. C’est mon coup de cœur, les Nikon.

Y a-t-il une photo dont vous êtes le plus fier ?

Je suis fier de la majorité de mes photos, mais il y a une particulièrement que j’ai eu à faire, c’est une anecdote. C’était au monument des Martyrs à Ouaga 2000. On avait préparé tout le matériel avec mon assistant, la séance c’était pour la Miss universités 2023, fin de mandat. Quand on a commencé à faire les photos, les lumières ne marchaient plus à un moment donné. Les ampoules étaient grillées pourtant on était autour de 22h, donc très difficile de trouver un boitier. Alors, grâce à un ami qui résidait dans le quartier de Nagrin, non loin du monument des Martyrs, nous avons eu un petit flash, qui n’est pas généralement utilisé en extérieur. Le flash n’était pas aussi puissant pour donner un bon rendu. Au final, j’étais surpris du résultat après les retouches.

Quels sont vos modèles dans le monde de la photographie ?

Comme modèle de photo, il y a mon collègue Amir Shot it, We are group, Vision associée, Roland Zanré, Constant Koné qui fait du Corporate, Pimi Pango de la Côte d’Ivoire

Quelles sont les qualités d’un bon photographe ?

Pour être un bon photographe, il faut de la créativité parce que c’est l’une des bases indispensables. Il y a également la maîtrise technique, le sens du détail, la patience, la persévérance et l’adaptabilité.

Quelles sont les difficultés du métier ?

Comparativement aux années antérieures, le métier de photographe était vu comme un sous métier. Avant, il était très difficile pour ceux qui pratiquaient cet art de changer les mentalités. Mais, au cours de ces dernières années, il y a eu de l’amélioration, il y a des gens qui donnent beaucoup plus d’importance aux photographes. On n’est plus négligé et on est peu à peu accepté par la société. Avant, nous étions vus comme des photographes de grand marché, mais aujourd’hui c’est toute une organisation qui englobe beaucoup de monde. On a les maquilleuses, les directeurs artistiques, les logisticiens, et il y a également les infographistes. Donc, c’est tout un monde. La photographie est très vaste et j’espère que nous serons valorisés à notre juste valeur.

Quels sont vos rapports avec les autres photographes ?

J’ai de très bons rapports avec les autres photographes. On s’entend bien, on collabore souvent sur certains “gombos”. On est en plein partenariat, et travaillons beaucoup ensemble. S’il arrive que je sois occupé sur un projet, directement je contacte un collègue et s’il est libre, je le mets sur le projet et on avance ensemble. Parfois, on s’aide également avec du matériel, lorsqu’on a une urgence.

Exercez-vous d’autres activités en plus de la photographie ?

Oui, je fais également de la communication. Je suis infographiste à la base, et par la suite j’ai rejoint la photographie. Je combine les deux.

Quels sont vos perspectives dans le domaine de la photo ?

Mes perspectives, c’est de beaucoup plus travailler sur des Workshop, des formations et d’accompagner ceux qui débutent à bien maîtriser et à s’imprégner de la chose pour ne pas commettre les mêmes erreurs qu’on a eu au début. Il faut qu’ils puissent avoir les bases techniques, savoir comment trouver un bon boîtier, approcher les clients, gérer les clients. Certains sont faciles et d’autres sont nerveux, compliqués. Il faut avoir le sang froid avec certains clients sinon c’est très compliqué. Au bout d’un moment, vous allez vous demander si vous êtes fait pour ce métier, alors si vous rentrez dans le domaine avec passion, il ne faut pas que le comportement d’un individu ou son tempérament vous fasse regretter le travail que vous aimez. Créer également d’autres techniques de retouche va vraiment aider le milieu burkinabè à s’internationaliser parce que dans la sous-région, on n’a pas de côte dans ce métier. Donc, il faut qu’avec tous les acteurs du domaine, on s’accompagne et on donne une bonne image du Burkina Faso.

Quels sont les conseils que vous donneriez à un photographe débutant ?

Pour un photographe débutant, je lui dirai d’apprendre les bases techniques, d’être patient, et d’investir dans un bon boitier. C’est vrai que les boitiers sont très coûteux, puisque le moins cher est à partir de 500 000 francs CFA, mais il faut vraiment prendre le temps de choisir un bon boitier pour ne pas avoir à le changer tout le temps. C’est vrai que la technologie avance de façon fulgurante, et on ne peut pas la suivre, mais si tu as un bon boitier c’est l’idéal. Et aussi expérimenter différents modes et types de photographie. N’entrez pas dans la photographie en voulant tout faire, spécialisez-vous quelque part, développez votre technique, devenez meilleur avant de diversifier. Il y a les photographes d’art, de mode, de cuisine, d’événement et d’institutions. Donc, choisissez un dans lequel vous perfectionner avant de vous diversifier dans les autres parce que si on embrasse tous les corps de ce métier, on aura du mal à donner un bon rendu. N’arrêtez jamais d’essayer !

HFB

Retranscrit par Clémentine Koama

Lefaso.net

Source: LeFaso.net