Grâce au business de la friperie, Constant Tiendrébéogo est devenu autonome financièrement. Et pourtant, rien n’était gagné d’avance. Portrait !

Dans sa boutique de friperie, le mardi 20 aout 2024, les clientes ne désemplissent pas. Constant Tiendrébéogo, le chef des lieux est débordé. Lui et deux de ses employés sont au four et au moulin pour présenter les vêtements à ses clientes (des plus jeunes aux plus âgées). Après cette étape, à tour de rôle, chacune d’entre elles se rend dans la cabine d’essayage. Puis, elles font leurs choix définitifs et achètent en liquidité ou par mobile money. Cette boutique est très animée. Constant Tiendrébéogo a un sens de l’humour très aiguisé. Il a cette capacité de mettre ses clientes « à l’aise ». Il a même donné des surnoms aux pantalons friperies. « Il faut essayer Ouaga-Bobo ». « Regarde connexion wifi, c’est pour les gens qui ont ta forme » dit-il avec le sourire aux lèvres tout au long de la journée. Ses clientes ne font que rire aux éclats. Au-delà des fous rires, elles sont bien accueillies et passent de bons moments. Le vendeur dont le style vestimentaire fait penser à un chanteur de Coupé-décalé va encore plus loin dans sa stratégie de marketing. Il offre des boissons et de l’eau aux habituées de la boutique. Celles qui hésitent à prendre certaines tenues sont finalement convaincues. « Si ce pantalon n’est pas à ta taille, je te l’offre gratuitement » lance-t-il.

Constant Tiendrébéogo en train de montrer un pantalon à ses clientes

Pour sortir sa famille de la pauvreté

Né en 1994, Constant Tiendrébéogo est le benjamin d’une famille de trois enfants. Par manque de moyens financiers, il va faire un décrochage scolaire en classe de 6e. Las de voir ses parents dans la précarité, il décide de travailler alors qu’il n’est qu’un enfant.

Constant Tiendrébéogo est très actif sur les réseaux sociaux. Cette stratégie lui permet d’attirer plus de clients

« J’étais gêné de voir mon papa souffrir. J’ai donc décidé de quitter l’école afin de sauver ma famille de la pauvreté. Comme premier travail, je suis allé à Sapouy (province du Ziro, région du Centre-ouest) pour cultiver pendant une année. J’ai eu 60 000 FCFA. Je suis reparti à Ouagadougou. J’ai payé un vélo à 35 000 FCFA. J’ai donné 20 000 FCFA à ma mère pour qu’elle achète du maïs et j’ai empoché 5 000 FCFA. C’était en 2010 », se remémore-t-il. Pendant que les autres enfants de son âge sont sur les bancs, Constant Tiendrébéogo rêve d’autonomie financière. Il s’essaie à la mécanique pendant deux ans, mais elle ne l’accroche pas. Ensuite, il travaille dans une boutique qui vend les plaques solaires avant de finalement abandonner. Il se reconvertit en vendeur de gravier. A l’époque, le quartier Bonheurville de Ouagadougou n’est pratiquement pas habité. Il s’y rend pour acheter du gravier et le transporte (avec l’aide d’un âne et d’une charrette) jusqu’au théâtre populaire pour le revendre. « J’achetais le gravier à 750 FCFA et je le revendais à 1500 FCFA. J’étais tellement petit sur la charrette que les gens ne me voyaient pas. C’était un travail très difficile », s’est-il souvenu en souriant. Les bénéfices de cette activité vont lui permettre de se lancer dans la vente de vêtements prêt-à-porter. Mais, il fait faillite. Constant ne se laisse pas abattre et décide de commercialiser des téléphones. Là encore, rien ne va. Il va être arnaqué. L’escroc va voler tous ses téléphones. C’est donc un retour à la case départ.

Les prix du vendeur sont étudiés. Les pantalons, robes, hauts et sacs à dos varient entre 1 500 et 7 000 FCFA

Courage, courage et encore courage

Une citation populaire dit que « Découragement n’est pas burkinabè ». Le jeune homme en est la preuve vivante. Il ne s’est pas laissé abattre par cette épreuve de la vie. Il prend son âne et sa charrette et recommence à vendre du gravier pendant des années. Il espère ainsi reprendre du poil de la bête. Cette activité lui permet de se refaire une santé financière. Il décide alors de se lancer dans la vente de friperie pour femmes grâce aux conseils d’un ami. Sans le savoir, il vient de parier sur le bon cheval. Il sillonne plusieurs localités du pays pour vendre les vêtements. En 2017, il ouvre sa première boutique de friperie. Il mise sur les pantalons pour femmes, c’est le jackpot. Les clientes viennent de partout. Constant Tiendrébéogo vend au moins 1 000 pantalons par semaine. Son fournisseur est stupéfait. Il le surnomme « le king » (roi en anglais). Ses clientes lui ont donné le surnom de Constantino. Ce qui lui donne l’idée de faire une combinaison de ses deux surnoms. Il se fait alors appeler : « le king constantino fashion ».

Papi est épanoui au travail grâce à son boss, selon ses dires

« Il y avait beaucoup de ventes. Souvent, lorsque la police passait devant la boutique, elle s’arrêtait pour jeter un coup d’œil. Elle ne comprenait pas pourquoi il y avait trop de monde. Les policiers croyaient qu’on avait attrapé un voleur ou qu’il y avait une bagarre », s’est-il rappelé. Grâce à cette activité, Constant Tiendrébéogo parvient à s’occuper correctement de sa famille. Il est marié et père de trois enfants. Il emploie 6 personnes. Papi travaille avec le king constantino depuis un an. Il ne tarit pas d’éloges à l’égard de son patron. « C’est une bonne personne. Il n’est pas comme les autres patrons. Il considère ses employés comme ses petits frères », a-t-il confié. Il a souhaité que son boss augmente ses bénéfices.

Ses clientes sont également très attachées à lui. Elles apprécient positivement le vendeur.

« Le king constantino est un jeune entrepreneur très sociable et respectueux. Je l’ai connu il y a à peine un mois, mais je suis devenue comme une ancienne cliente. Quand je viens dans sa boutique, je peux dépenser plus de 45 000 FCFA. Ses articles sont de très bonne qualité et à moindre coût. Dès que j’arrive au service le matin, tout le monde apprécie mon accoutrement et me demande à tout moment où est ce que je fais mes achats ? Souvent, je dis que c’est de la friperie, mais on ne me croit pas. Je trouve toujours mon compte chez le king Constantino. Il est très accueillant et toujours souriant. Je loue sa bravoure », a laissé entendre l’une de ses fidèles clientes, Rachida.

« J’aime la sape », a confié le king constantino

Constant a fait savoir qu’il ne se frotte plus les mains comme avant. De son analyse, la crise sécuritaire en est la cause. Malgré tout, il garde espoir et travaille toujours avec acharnement. Pour attirer plus de clients, il a diversifié son commerce. Il a ouvert une seconde boutique-friperie dédiée à la vente de vêtements pour hommes. A ceux qui souhaitent entreprendre, il a conseillé de se jeter à l’eau avec le peu de moyens financiers qu’ils ont à leur disposition. Aussi, ils doivent travailler avec acharnement et ne pas céder au découragement.

SB

Lefaso.net

Source: LeFaso.net