Pour rattraper les retards académiques, le ministère en charge de l’enseignement supérieur et les autorités universitaires de Joseph Ki-Zerbo, de concert avec les étudiants, ont décidé de prolonger les cours jusqu’au mois de septembre. Deux semaines après l’effectivité de cette mesure, nous avons pu constater l’engagement et la détermination des étudiants dans la dynamique de l’achèvement des chevauchements d’années. C’était le 19 août 2024.

A 8 heures lorsque nous franchissons la porte de l’université, ce n’était pas le grand monde habituel. « La plupart des étudiants sont allés composer les concours (les concours de recrutement de la fonction publique, NDLR) et les cours sont en majorité programmés dans l’après midi », nous confie Prisca Kima, étudiante en première année d’études anglophones. Les bras croisés, sous l’ombre des arbres de l’Unité de formation et recherche des Lettres arts et communication (UFR/LAC), elle est en retard et l’accès de la salle lui a été refusé par l’enseignante. « Je suis allée composer les concours et c’est à cause de cela que je suis en retard. Mais l’enseignante a refusé que je rentre », a t-elle désespérément laissé entendre.

Les étudiants en deuxième années de SVT en devoir

La mesure de prolongation des cours pendant les mois de vacances est une bonne initiative selon l’étudiante. « C’est vrai qu’on n’aura pas de vacance mais le rattrapage du retard est plus essentiel. Cela va nous permettre d’avancer rapidement », a-t-elle indiqué, espérant que les étudiants n’auront plus besoin de quatre à cinq ans pour une licence au lieu de trois ans. Avec ces deux semaines de cours, elle pense que la solution miracle au chevauchement académique est en passe d’être trouvée. « Avec les deux semaines de cours, nous avons fini le programme et il nous reste quelques Travaux pratiques (TP). En principe nous devons pouvoir composer les devoirs du semestre 2 en septembre », espère l’étudiante.

A l’intérieur de la salle dont elle n’a pas eu accès, ses camarades formulent le même vœu ; celui de rattraper les retards. « C’est une bonne initiative, là nous serons au même niveau que nos camarades des privés », se réjouit Thérèse Koala. « Cela permettra de réduire les retards académiques et à la prochaine promotion d’avancer rapidement », renchérit sa voisine Inès Somé.

Cette initiative de prolongation des cours est à encourager selon Amandine Zongo, étudiante en deuxième année d’études anglophones

Le même son de cloche est entendu chez Amandine Zongo, étudiante en 2e année d’études anglophones. « C’est vrai que ce n’est pas facile avec la pluie et la composition des concours, mais je pense que c’est à l’avantage des étudiants », affirme t-elle. Grâce à cette initiative, les cours de S4 (les cours de la deuxième année) seront évacués. « Nous avons fini nos devoirs de S3 et nous sommes en train de prendre les cours de S4. Ils ne reste plus beaucoup de modules pour terminer L2 », confie la jeune fille.

Tout est urgent comme dirait l’autre. Au pavillon L, les étudiants en Sciences de la vie et de la terre (SVT) sont en devoir. Le silence règne et le temps presse. Ces étudiants en deuxième année sont sur un devoir de S3 en biochimie structurale. Ils n’entendent pas être distraits en répondant à une quelconque question.

A quelque 30 mètres d’eux, au pavillon F, ce sont des étudiants en 6e année de médecine qui sont en cours. Nous décidons d’attendre la pause pour échanger avec ces futurs médecins. A la pause, le délégué de promotion s’adresse à ses camarades demandant des volontaires pour opiner sur cette décision. Peine perdue, il n’aura pas de répondant. Mais lorsqu’il leur demande s’ils sont d’accord avec la continuité des cours dans les mois d’août et septembre, c’est un non retentissant qui fait vibrer la grande salle du pavillon F. Ils ne sont pas pour mais ne veulent pas en parler à notre micro. Le temps de la pause s’égrène, un étudiant lève le doigt et s’engage à parler. Avec son délégué de promotion, ils se consultent afin de mieux répondre aux questions. Après leur conciliabule, les deux se portent volontaires pour se prononcer sur la question.

« Cela va permettre à nos petits frères d’avancer rapidement », Somé Inès, étudiante en première année d’études anglophones

Une très bonne idée

Pingdwendé Franck Ouédraogo est le délégué de promotion de cette 6e année de médecine. L’initiative de prolonger les cours est salutaire, affirme-t-il. « Nous sommes conscients de ce retard, et du fait qu’il a un impact sur notre engagement professionnel. C’est avec joie que nous accompagnons cette mesure pour résorber les retards », a poursuivi le délégué. On ne peut pas faire les omelettes sans casser les œufs, a indiqué l’étudiant parlant des désagréments de cette mesure sur les pensionnaires du campus de Zogona. « Avec la saison des pluies, c’est difficile de rallier le campus. Certains étudiants devraient utiliser ces deux mois pour effectuer des petits travaux afin de payer les frais de scolarité à la reprise », a fait remarquer le futur porteur de la blouse blanche. Malgré tout, il pense que les étudiants sont prêts à sacrifier leurs vacances pour la résorption des retards académiques. La volonté existe au niveau des étudians, quid des enseignants, s’interroge t-il ? Il dit espérer que les autorités universitaires remplissent leur part d’engagement en prenant les dispositions pour la bonne continuité de cette initiative. « Nous étudiants, nous remplissons notre part d’engagement en venant aux cours. Il faudrait que les autorités aussi remplissent les leurs en délibérant à temps », a-t-il demandé. Pour lui, depuis leur première année, les délibérations des résultats prennent toujours du temps. « Est-ce que les corrections se feront à temps, les délibérations aussi ? », se questionne-t-il, poursuivant que ce serait un gâchis de temps si les délibérations devraient encore prendre trois mois alors que les étudiants prennent des cours. A l’occasion, l’étudiant de l’UFR Sciences de la santé (SDS), propose que l’administration programme les devoirs en même temps que les cours. « Nous avons demandé de programmer les devoirs pour qu’on compose au fur et à mesure au lieu d’attendre la fin des cours pour les programmer. Sinon c’est compliqué de valider pour qui connaît la médecine avec beaucoup de modules », a conclu l’étudiant.

« Les étudiants qui pouvaient faire les petits contrats pendant les vacances pour préparer la rentrée, sont face à un grand choix », a souligné Franck Ouédraogo, délégué de promotion de la 6e année en médecine

Issoufou Kiemtoré embouche aussi la même trompette que son délégué. Mais préfère s’attarder sur l’impact socio-économique. A l’entendre, plus de 600 étudiants dans la fac de médecine n’ont pas pu renouveler les bourses de même que le Fonds national pour l’éducation et la recherche (FONER). C’est un cri de cœur, dit-il, qu’il lance afin de permettre à ces étudiants de bénéficier d’une session spéciale de dépôt.

« Il nous faut un bilan en octobre », exige la FESCI-BF

La Fédération estudiantine et scolaire pour l’intégrité au Burkina Faso (FESCI-BF) salue l’opérationnalisation de cette mesure qui était la première des préoccupations qu’elle porte . Par la voix de son secrétaire général national, Thomas Bamouni, la structure syndicale encourage les étudiants à jouer leur partition pour la résorption de ces retards. « C’est le premier combat au sein de la FESCI-BF parce que cela impacte sur le volet académique, social et même familial », a relevé le premier responsable de la structure syndicale. Le 1er juillet 2024, nous avons eu des rencontres avec le ministère en charge de l’enseignement supérieur où la proposition a été faite. On avait émis des préoccupations comme la disponibilité des professeurs, la restauration, l’hébergement, la mobilité entre autres », a-t-il évoqué, affirmant que l’assurance a été donnée par rapport à ces points. L’Université a rencontré les responsables d’UFR pour aborder la question et demander leur accompagnement. C’est ainsi que la mesure a été mise en œuvre, a expliqué l’étudiant en master, en sciences humaines. Selon lui, les engagements ont été pris pour la continuité de la restauration, l’hébergement, la mobilité des étudiants avec le bus. La question de la mise en place de jury de correction a été aussi conclue. Avec toutes ces dispositions, la FESCI-BF espère que cette mesure va véritablement permettre de trouver des solutions aux retards. Si avec tous ces efforts, les résultats ne sont pas perceptibles, la FESCI-BF n’entend pas garder le silence. Il faudrait un “bilan clair” et “précis” de ces deux mois en octobre afin d’évaluer l’impact de la mesure, a martelé le secrétaire général national.

« Nous sommes prêts pour le sacrifice mais il nous faut un bilan en octobre », déclare Thomas Bamouni, secrétaire général national de la FESCI-BF

Dans une note de la présidence de l’université Joseph Ki Zerbo en date du 7 juin 2024, la résorption des retards académiques d’ici la rentrée académique 2024-2025 est mentionnée comme la première priorité du contrat d’objectifs 2024 du ministre de tutelle. Pour y arriver l’université a mis en place un plan opérationnel qui prévoit également la rentrée administrative et académique des bacheliers de la session de 2024. Selon cette note toutes les dispositions sont prises pour rattraper les retards.

Serge Ika Ki

Lefaso.net

Source: LeFaso.net