La crise sécuritaire a impacté négativement plusieurs secteurs d’activités. Les chauffeurs de taxi ont de moins en moins de clients, surtout dans les zones à fort défi sécuritaire. Nous avons rencontré l’un d’entre eux. Il exerce ce métier à Kaya (province du Sanmatenga, région du Centre-nord). Témoignage !

En mission à Kaya le mardi 23 juillet 2024, nous avons sollicité les services de J.O, un chauffeur de taxi. Lui et d’autres conducteurs de taxi sont regroupés à la porte d’entrée du Centre hospitalier régional (CHR) de Kaya. Au premier abord, c’est un homme qui semble peu sympathique. La négociation ne fait pas partie de son vocabulaire. « Pour se rendre à la gare c’est 1 000 FCFA », dit-il d’un ton sec. « On ne peut pas diminuer ? », négocie-t-on. « C’est le prix. Si tu veux, tu peux aller ailleurs », rétorque le chauffeur. Nous risquons d’arriver en retard à la gare. Il faut donc se dépêcher et se plier au tarif de J.O. Nous nous installons dans sa vieille Mercedes. Le chauffeur de taxi met la radio à fond avant de démarrer : direction la gare.

Quelques minutes plus tard, l’homme change de ton. Il converse avec nous. À croire que nous sommes de vieilles connaissances. Il donne quelques bribes d’informations sur sa carrière professionnelle. Auparavant, J.O a exercé comme chauffeur dans un projet. Une fois sa mission terminée, il décide de se reconvertir en taximan à Kaya. C’était la belle époque, se souvient-il.

« On pouvait avoir 60 000 FCFA par jour. Dans le mois, je pouvais économiser 400 000 FCFA. Il y avait la sécurité. On circulait dans tous les villages. Je me rendais à Barsalogho, Pensa, Yalgho, Taparko, Mané, et j’en passe. Il y a des localités où les cars de transport ne partaient pas à certaines heures. Il y avait également un manque d’ambulance. Les malades venaient se soigner à Kaya et rentraient ensuite chez eux une fois la santé retrouvée. Ils louaient mon véhicule à des prix élevés. Souvent, il fallait débourser la somme de 50 000 FCFA pour s’offrir mes services. Je conduisais mes clients jusqu’à chez eux et ils étaient satisfaits », a laissé entendre J.O.

Le terrorisme est passé par là

Malheureusement, la crise sécuritaire a chamboulé la vie du chauffeur de taxi, comme c’est le cas pour des millions de Burkinabè. Il a confié que les affaires marchent au ralenti. La grande partie des localités où il faisait la navette sont désormais des zones rouges. Il doit se contenter de circuler dans la ville de Kaya.

Par jour, « si j’ai trop eu, c’est 2 000 FCFA. Le marché est très morose, rien ne va. Il y a des jours, du matin jusqu’au soir, tu n’as aucun client », a-t-il dit désespéré. Le père de six enfants peine à s’occuper correctement de sa famille. « Actuellement, je n’arrive pas à avoir du maïs pour manger. Le maïs est fini à la maison. Je ne sais même pas comment est-ce que je vais faire. Tu veux que la famille mange normalement et en plus de cela, tu dois entretenir le véhicule. C’est une situation très difficile pour moi », s’est-il exprimé en soupirant.

Le chauffeur de taxi ne songe pas à quitter Kaya et ne souhaite pas se reconvertir professionnellement pour l’instant. Toutes ces années à voyager ont épuisé physiquement l’homme de 56 ans. En poursuivant les échanges, J.0 a fait savoir que trois de ses fils ont le permis de conduire. Mais, par manque de moyens, ils ne peuvent pas s’acheter des voitures pour être des chauffeurs de taxi comme leur paternel. Par chance, ils sont sollicités par moment pour travailler en tant qu’apprentis pour des compagnies de transport. Le taximan a la certitude que le terrorisme va bientôt toucher à sa fin. « Mais jusqu’à quand ? », se questionne-t-il.

Il a formulé le vœu que toutes les localités du Burkina Faso redeviennent fréquentables. Comme doléance, il souhaite que les autorités se penchent sur les infrastructures routières à Kaya, car, selon ses dires, elles ne sont pas en bon état.

Nous n’avons pas vu le temps passer. Nous sommes déjà à destination. « Il faut prendre mon numéro. La prochaine fois, si tu as besoin d’un chauffeur à Kaya, il faut m’appeler. Fait un bon voyage surtout », dit J.0 avec le sourire aux lèvres. Vite, il faut couper le ticket avant que le car ne soit rempli de passagers. Avec les vacances scolaires, il est difficile d’avoir une place.

Nous quittons Kaya émue par l’histoire du chauffeur de taxi. Un homme résilient, qui n’a pas fait bonne impression au départ. Heureusement, grâce à ses confidences, il a suscité de la sympathie et de la compassion.

Samirah Bationo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net