La fidélité que l’on se promet après le mariage n’est pas toujours respectée par les conjoints. En « allant voir ailleurs », ces derniers commettant une infraction qui les rend passibles de poursuites pour des faits d’adultère. Quelle peine encourt-on en cas de commission de cette infraction ? Comment se fait la preuve en la matière ? Pourquoi rencontre-t-on rarement de poursuites pénales pour des faits d’adultère au Burkina Faso ? Voilà autant de questions auxquelles Boureima Sawadogo, le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Koudougou a daigné apporter des éléments de réponse. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Comment définit-on l’adultère ?

Boureima Sawadogo : L’adultère est une infraction à la loi pénale. En termes simples, c’est le fait pour une personne qui se trouve dans les liens du mariage, d’entretenir des relations extraconjugales avec une personne autre que son époux ou épouse. C’est en quelque sorte, l’incrimination de l’infidélité dans le couple.

Comment la preuve de l’adultère est-elle faite en justice ?

Plusieurs éléments de preuve permettent de caractériser l’infraction d’adultère. Elle peut tout d’abord se faire par un constat d’huissier. En tant qu’officier public, l’huissier de justice est habilité à faire des constations qui peuvent servir comme moyens de preuve qu’une partie peut invoquer devant un tribunal. Dans ce cas, la victime saisira un huissier de justice à l’effet de constater les faits ou actes d’infidélité commis par son conjoint. Ensuite, la preuve de l’adultère peut se faire par procès-verbal des officiers de police judiciaire, à la suite d’une plainte émanant de la victime. Elle peut aussi provenir de l’aveu de l’auteur de l’adultère. Enfin, les échanges de correspondances ou les communications intervenues entre l’époux ou l’épouse fautif-ve et son amant (complice) peuvent servir pour prouver l’adultère, mais dans le strict respect du principe de la loyauté des preuves en matière pénale.

Quelle est la peine encourue pour toute personne jugée coupable d’adultère ?

Dans l’ancien code pénal abrogé (celui de 1996), l’infraction d’adultère était passible de peines d’emprisonnement et d’amende. Mais avec le nouveau code pénal en vigueur (celui de 2018), il y a eu un assouplissement des peines par le législateur. Désormais, l’adultère est simplement puni d’une peine d’amende allant de 250 000 à 600 000 francs CFA.

Avez-vous déjà rencontré ce type de dossier en juridiction ?

Oui, il nous est arrivé de traiter de telles affaires au niveau des tribunaux, qui enregistrent souvent des plaintes pour des faits d’adultère contre un époux ou une épouse. Mais de mon expérience personnelle, les plaignants finissent par retirer leur plainte ; ce qui met automatiquement fin à l’affaire car l’adultère ne peut être poursuivie que sur plainte de la victime. Autrement, lorsque le plaignant retire sa plainte, l’affaire est close et on n’en parle plus. On ne va donc pas jusqu’en phase de jugement, parce que les parties arrivent à se réconcilier, sans doute, après des médiations émanant de toute part.

Ce n’est donc pas une infraction courante que l’on rencontre dans les tribunaux ?

Pour ma petite expérience dans le domaine, je dirai non. Non, parce qu’on rencontre rarement des plaintes pour des faits d’adultère. Néanmoins, ce sont des faits qui sont généralement invoqués dans les causes de divorce. Je ne suis pas juge de jugement et je n’interviens pas dans les dossiers de divorce, mais de ce que j’observe, c’est l’une des causes majeures invoquées dans les dossiers de divorce. C’est un fait de société qui existe et qui est réel. Cela est incontestable ! Mais en matière pénale, je puis vous dire qu’on reçoit rarement des plaintes ou des faits d’adultère.

Et pourquoi, selon vous ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, le législateur a adouci les peines pour l’infraction d’adultère. Celle de 1996 et celle de 2018 ne sont pas pareilles. Je ne suis pas le législateur, donc j’ignore les raisons de cet adoucissement des sanctions réservées à ce fait. Peut-être qu’il estime que ce n’est pas un fait qui trouble gravement l’ordre public. Peut-être aussi que le phénomène est tellement répandu, qu’il s’est dit qu’il n’était plus vraiment opportun de durcir la peine. Ou enfin, qu’il s’est dit qu’après une condamnation, il sera difficile pour le conjoint condamné jusqu’à l’emprisonnement, de revivre encore avec la victime sous le même toit.

Sûrement eu égard aux pesanteurs socioculturelles…?

Effectivement ! Mais pas que ! Dans nos sociétés, les gens préfèrent souvent la médiation, ce qui fait qu’ils évitent la justice. Ils estiment que le linge sale se lave en famille, et qu’en allant devant le tribunal, cela expose la vie privée du couple. Il y en a qui peuvent donc dire que comme mon conjoint m’a convoqué en justice, il ou elle ne peut plus vivre avec moi. Ce sont des hypothèses formulées qui ont peut-être fondé la conviction du législateur, au moment de la rédaction de ce texte. Dans la pratique j’observe qu’il y a comme une tolérance sociale vis-à-vis du phénomène. Mais il ne sert à rien de banaliser cette pratique qui demeure une infraction pénale aux conséquences souvent irréversibles dans les couples.

Est-ce que l’adultère rejoint le cas où un conjoint étant toujours dans les liens du mariage, se marie à une autre personne à l’insu de son conjoint et entretient par la même occasion, des relations extraconjugales avec elle ?

Non. Cela n’a rien à voir. Ça n’a rien à voir parce que dans ce cas, on parle de bigamie. Et par bigamie, il faut comprendre le fait pour un homme ou une femme déjà marié-e de se remarier, alors qu’il ou elle était dans un mariage monogamique. La monogamie renvoie au mariage à une seule femme, sans possibilité de se remarier à une autre personne, sauf bien-sûr en cas de dissolution du mariage. Donc, tant que vous êtes toujours dans les liens du mariage monogamique et que vous contractez un deuxième mariage, vous tombez dans la bigamie. C’est une autre infraction qui est aussi réprimée, mais qui est totalement distincte de l’adultère.

Propos recueillis par Erwan Compaoré

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Source: LeFaso.net