Le 28 juillet de chaque année est célébrée la Journée mondiale contre l’hépatite. Une occasion de sensibiliser les populations à l’hépatite virale. Les plus connus sont certainement les hépatites B et C, mais il en existe d’autres moins connues, bien souvent bénignes mais qui peuvent dans certains cas se révéler mortelles, à l’exemple de l’hépatite E qui sévit dans le Centre-nord du Burkina Faso. Dans cette interview qu’il nous a accordé, Dr Mohamed Karl-Anicet Kpoda, directeur régional de la Santé et de l’Hygiène publique de la région du Centre-nord, et gestionnaire de l’incident de la riposte face à la flambée de cas d’hépatite E dans le district sanitaire de Kaya nous en dit plus sur cette maladie et sur les mesures prises par le ministère de la Santé pour lutter contre la maladie dans son district. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Qu’est-ce que l’hépatite E ?

Dr Kpoda : L’hépatite E est une maladie qui attaque le foie, causée par le virus de l’hépatite E. C’est une inflammation du foie provoquée par ce virus. Cette maladie, liée à des conditions d’hygiène et d’assainissement médiocres, se transmet principalement par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Elle peut aussi être transmise par la consommation de viande mal cuite, notamment de porc.

Quelle est la prévalence de cette maladie dans le monde, au Burkina Faso ou en particulier dans la région du Centre-nord ?

L’hépatite E est endémique dans de nombreuses régions du monde, notamment en Asie du Sud et de l’Est, en Afrique subsaharienne, en Amérique centrale et en Europe de l’Est. Chaque année, on estime que 20 millions de personnes sont infectées par le virus de l’hépatite E. En Afrique, des épidémies liées à la contamination de l’eau ont été enregistrées au Soudan (2004), en Ouganda (2007-2009), au Kenya (2012), au Niger (2017) et au Burkina Faso (2020). La première flambée dans la région du Centre-nord a eu lieu en 2020 dans le district sanitaire de Barsalogho, avec 193 cas recensés. La flambée actuelle, débutée en mars 2024, touche principalement Pissila et quelques cas à Kaya, totalisant 159 cas et 1 décès.

Quelle est la cause de cette maladie ?

La cause de l’hépatite E est le virus de l’hépatite E, qui se transmet principalement par la consommation d’eau contaminée par des matières fécales. La transmission interhumaine est rare. Les principales sources d’infection incluent l’eau souillée, une mauvaise hygiène de l’eau (conservation), les aliments contaminés par les selles de malades ou d’animaux infectés, la mauvaise hygiène alimentaire (aliments crus ou mal cuits) et une mauvaise hygiène des mains. En somme, cette maladie est étroitement liée à l’hygiène individuelle et collective.

Comment se manifeste-elle ?

L’hépatite E peut être asymptomatique ou présenter des symptômes bénins. Les symptômes apparaissent généralement entre 2 et 10 semaines après l’infection et incluent fatigue, nausées, vomissements, fièvre légère, douleurs abdominales, jaunisse (coloration jaune de la peau et des yeux), démangeaisons, urines foncées et selles décolorées. Le diagnostic se fait par un test de diagnostic rapide (TDR) ou par un test PCR réalisé en laboratoire.

Est-ce une maladie mortelle ?

Bien que généralement bénigne, l’hépatite E peut être grave, voire mortelle, chez certaines populations, notamment les femmes enceintes, les personnes âgées, les enfants et les individus immunodéprimés.

Quelles sont les autres types d’hépatite ?

Il existe plusieurs types d’hépatite : A, B, C et E. Les hépatites A et E se transmettent principalement par voie oro-fécale, souvent par de l’eau ou des aliments contaminés. Les hépatites B et C se transmettent par le sang infecté et les liquides corporels, par partage de seringues chez les utilisateurs de drogues injectables, par voie sexuelle ou de la mère à l’enfant.

Quelles sont les actions que le ministère de la Santé a entreprises pour faire face à la flambée des cas d’ictères due à l’hépatite E dans la région du Centre-nord

Pour lutter contre cette flambée, le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, en collaboration avec le ministère de l’Eau et de l’Assainissement, le ministère des Ressources animales et les partenaires locaux, a mis en place plusieurs actions : activation du CORUS et nomination d’un gestionnaire de l’incident ; élaboration d’un plan d’action de l’incident (PAI) ; renforcement de la surveillance épidémiologique à tous les niveaux, collecte hebdomadaire des données sur les ictères fébriles à l’échelle régionale.

Parmi les actions il y a également la recherche active des cas d’ictère fébrile avec l’appui des ASBC et volontaires de santé ; le briefing des agents de santé à base communautaire (ASBC) et certains tradipraticiens de santé (TPS) pour la recherche active des cas et la sensibilisation de la population ; la diffusion des messages clés sur les ictères fébriles sur les radios locales. Et aussi des visites aux TPS et briefing des leaders communautaires ; information et plaidoyer auprès des autorités administratives, chefs coutumiers et religieux ; la promotion de l’utilisation des MILDA et des mesures d’hygiène dans les communautés touchées. Enfin, la distribution d’Aquatabs et de kits hygiéniques, analyse de la qualité de l’eau, décontamination des points d’eau, réhabilitation de forages et construction de latrines et la prise en charge gratuite des cas avec l’appui des partenaires locaux.

Comment la prévenir surtout dans notre contexte ?

Pour prévenir l’hépatite E, il faut consommer de l’eau potable et utiliser des filtres ou des produits désinfectants comme l’Aquatabs ou l’eau de Javel si la qualité de l’eau est incertaine ; avoir une bonne hygiène personnelle : se laver fréquemment les mains avec de l’eau et du savon, surtout après être allé aux toilettes et avant de manger ou de préparer des aliments. Il faut aussi s’assurer que les installations sanitaires sont adéquates et bien entretenues pour éviter la contamination de l’eau et des aliments ; bien cuire les aliments, en particulier les viandes, car le virus de l’hépatite E peut être détruit par la cuisson ; laver soigneusement les fruits et légumes avant de les consommer, surtout s’ils sont crus. Enfin, gérer correctement les déchets, y compris les excrétas humains et les eaux usées, pour prévenir la contamination de l’eau et des aliments.

En cas d’épidémie comme c’est le cas au Centre-nord, quels conseils avez-vous pour les populations ?

Dans cette situation, nous demandons à la population d’écouter et de respecter les directives des services de santé : éviter de prendre des médicaments sans prescription médicale, notamment le paracétamol qui peut aggraver la situation ; éviter d’acheter des produits sur Facebook ou les réseaux sociaux ; éviter de consommer des décoctions ou des produits traditionnels non reconnus. Les tradipraticiens de santé (TPS) travaillant avec le ministère de la Santé sont les seuls autorisés à soigner certaines maladies. Il faut également suivre les mesures de prévention mentionnées précédemment : consommer de l’eau potable, avoir une bonne hygiène personnelle, s’assurer que les installations sanitaires sont adéquates, bien cuire les aliments, laver soigneusement les fruits et légumes et gérer correctement les déchets.

Le 28 juillet est célébrée la journée mondiale de lutte contre les hépatites. Quel est le message que vous avez à l’endroit des populations ?

À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre les hépatites, il est important de rappeler que pour l’hépatite B, il est recommandé de se faire dépister et vacciner. Si le test est positif, se faire suivre par un spécialiste.

Pour l’hépatite E, suivre les conseils de prévention : consommer de l’eau potable, utiliser des filtres et des produits désinfectants, avoir une bonne hygiène personnelle, s’assurer que les installations sanitaires sont adéquates, bien cuire les aliments, laver soigneusement les fruits et légumes et gérer correctement les déchets.

Interview réalisée en ligne par Justine Bonkoungou

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Source: LeFaso.net