Après la conquête des terres africaines, place à leur mise en valeur. Le colon a révolutionné le secteur de l’agriculture pour en faire un pôle économique important. Dans la colonie de la Haute Volta, l’État de Kougny, situé en pays San, n’a pas été seulement une zone politico-administrative créé de toutes pièces par le colon en 1897 : il fut surtout une zone d’intérêt économique où la culture du coton a connu un développement exponentiel vers la fin des années 50 jusqu’à son effondrement en 1980. Dans cette chronique, nous allons voir comment le colonisateur a fait de l’État de Kougny l’une des plus grandes régions agricoles de la Haute Volta.

L’Etat de Kougny est une entité territoriale située en pays San. Le pays San est situé au nord-ouest du Burkina Faso actuel. Il couvre presque la province du Sourou d’alors que le nouveau découpage divise en deux provinces maintenant : le Sourou et le Nayala avec pour chef lieu respectivement Tougan et Toma.

Lorsque le Blanc est arrivé en pays San, il n’y avait pas de chef. Il a mis en place des représentants que l’on appelait des « chefs d’États » sur qui il comptait pour exercer son autorité. Ces chefs d’État ont été désavoués pour la plupart par les populations et n’arrivaient pas à administrer comme tel leurs territoires. C’est ainsi que le colonisateur va créer en 1897 l’État de Kougny pour appliquer le “direct rule”, c’est-à-dire l’administration directe des territoires. En 1953, l’Etat de Kougny comprenait les cantons de Kougny, de Da, de Soro, de Yaba, de Yé, de Toma. C’est dans ce grand ensemble géographique que le colon va expérimenter sa politique agricole à travers la mise en place de la Compagnie française pour le développement du textile (CFDT).

Cette mise en place d’une économie coloniale se justifiait par le fait qu’après la seconde guerre mondiale, le colon avait besoin de matières premières pour redresser son économie en berne mais aussi pour alimenter la gestion des territoires d’outre-mer qui pesaient de plus en plus lourdement sur l’économie de la métropole. Concrètement, il s’agit d’assurer aux territoires d’outre-mer un développement économique et social harmonieux permettant aux populations de subvenir convenablement à leurs besoins. Et aussi, de reconstruire et d’équiper économiquement l’espace de l’Union française pour en faire des échanges commerciaux rentables. Pour atteindre ces objectifs en Haute Volta, l’État de Kougny fournira une économie importante à travers la culture du coton.

Avant la mise en place de la Compagnie française pour le développement et du textile, l’Etat de Kougny bénéficiait déjà dès 1930 de la politique des fermes pilotes avec la vulgarisation de l’outillage mécanique agricole (charrue, houe manga), la sélection des plantes et l’utilisation du fumier et tout cela à travers l’octroi de crédits agricoles. En 1950, cette politique agricole s’est intensifiée et a permis de construire 20 fermes pilotes, soit plus 500 ha de riziculture, exploitées de 1954 à 1957. En 1958, la récolte de deux variétés de riz a donné 400 tonnes de riz. Mais la culture de riz va connaître des difficultés dans la région et les paysans n’arrivaient pas à conserver ou à écouler la quantité de riz cultivé à cause du prix dérisoire. Le riz aussi n’était pas une habitude alimentaire des paysans et ne pouvait satisfaire leurs besoins de consommation. C’est pour cette raison que la culture du riz sera abandonnée au profit du coton.

La Compagnie française pour le développement du textile a permis de faire de l’État de Kougny une région cotonnière de grande envergure. De 1954 à 1957, la production du coton dans la région est passée de 80 tonnes à 209 tonnes. En 1955, ce sont au total 106 tonnes qui ont été commercialisées. Ce succès éclatant pour la production du coton s’explique par le fait que les chefferies ont joué un grand rôle dans la mobilisation et la sensibilisation des populations ; elles étaient elles-mêmes des exemples pour les populations dans la culture du coton. Le chef de canton Barthélémy Paré sera apprécié par l’administrateur en ces termes : « chef réalisant une excellente synthèse de la tradition et de l’évolution, dans un canton ou coexistent des populations peu évoluées et une communauté catholique évoluée et agissante. Très actif, énergétique et obéi de tous, un peu craint, assure l’exécution impeccable de toutes les instructions ». Il y a aussi également la CFDT qui était une institution à laquelle les populations avaient confiance dans son rôle d’accompagnement, de financement et d’expertise.

Cette productivité croissante du coton ne va pas perdurer. Dans les années 1980, il y a eu un effondrement total de la production du coton dans le pays San de sorte que sur 100 personnes, il n’y a plus que trois qui s’intéressaient à cette culture de rente.

Réf : Cent ans histoire, 1895-1995, Patrice Toé, 1618

Wendkouni Bertrand Ouédraogo

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Photo : oeildhumanité

Source: LeFaso.net