La digitalisation accélère la croissance en instaurant plus de transparence, plus de célérité et d’efficacité dans l’action publique. C’est la conviction de Aboubakar Nacanabo, expert en fiscalité internationale, docteur en sciences de gestion et ministre de l’Économie, des finances et de la prospective du Burkina. Dans cet entretien qu’il a accordée à Lefaso.net, il explique l’importance de la digitalisation des prestations du secteur des finances publiques et son importance pour l’économie burkinabè.
Lefaso.net : Le budget 2023 a institué des taxes sur un certain nombre de produits et prestations du secteur numérique ; pouvez-vous nous rappeler lesquels ?
Dr Aboubakar Nacanabo : Pour la bonne information des lecteurs, je voudrais porter à votre connaissance que la loi de finances pour l’exécution du budget de l’Etat, exercice 2023, n’a pas institué de nouvelles taxes dans le dispositif fiscal. Elle a simplement réaménagé le champ d’application ainsi que le taux d’impôts et taxes existant déjà dans le code général des impôts dans le but d’élargir l’assiette fiscale, d’améliorer le rendement de l’impôt et de lutter contre la consommation de produits nuisibles à la santé des populations particulièrement le tabac, les boissons énergisantes et les boissons très alcoolisées.
La loi de finances a également prévu l’aménagement du dispositif de contrôle des prix de transfert pour limiter l’évasion fiscale des multinationales en renforçant les obligations en matière de documentation des prix de transfert et en instaurant une obligation déclarative aux multinationales pour leurs transactions intragroupes.
Par ailleurs, je fais observer que la loi de finances ne comporte pas de dispositions réservées spécifiquement à la taxation des prestations du secteur numérique. Il faut cependant relever que le Code général des impôts du Burkina Faso contient des dispositions relatives à la fiscalité des prestations de services, qu’elles relèvent ou non du secteur numérique.
Il y a eu avant cela plusieurs projets de digitalisation des prestations du secteur des finances publiques ; quel bilan peut-on en faire ?
Notre département s’est engagé résolument dans la digitalisation d’un certain nombre de prestations afin d’améliorer la performance de ses services, réduire les coûts et faciliter l’analyse des données collectées. Cet engagement s’inscrit également dans la dynamique d’accompagner les usagers de l’Administration dans la transparence et la célérité.
Ce processus qui a concerné dans un premier temps les dispositifs de collecte des impôts et taxes au niveau des régies de recettes (direction générale des douanes, direction générale des impôts et direction générale du trésor et de la comptabilité publique) va s’accentuer et s’étendre progressivement à la chaine de la dépense et aux procédures de la commande publique.
Les résultats encourageant obtenus au niveau de la direction générale des impôts, à travers l’institution de la télédéclaration et du télépaiement (virement bancaire, mobile money), la délivrance de documents fiscaux en ligne et au niveau de la direction générale des douanes avec la plateforme SYLVIE me confortent dans l’idée que la digitalisation est l’une des voies de la modernisation de notre administration, pour la rendre plus performante.
Malgré tout cela, les usagers continuent à être confrontés au manque de réseau pour le règlement de certaines taxes ou alors ce sont certains services censés être disponibles en ligne qui ne le sont pas vraiment…
Le problème de réseau est réel mais nous travaillons avec le ministère en charge de la transition digitale à améliorer nos services. Toutefois, il faut noter que le problème de réseau est beaucoup plus ressenti par les contribuables qui n’ont pas encore adhéré à la plateforme en ligne e-sintax.
En dehors de l’enregistrement des marchés et de l’impôt sur les revenus fonciers, tous les impôts et taxes déclaratifs peuvent être déclarés sur la plateforme en ligne e-SINTAX. Par ailleurs, toutes les dettes fiscales qui sont dans le logiciel SINTAX peuvent être payées en ligne, par virements bancaires ou via mobile money.
C’est pourquoi nous encourageons fortement les contribuables des petits segments relevant des directions des centres des impôts et des directions provinciales des impôts à adhérer massivement à la plateforme afin d’éviter de venir aux guichets où ils perdent du temps et sont souvent confrontés aux problèmes de réseau . Du reste, l’adhésion à la plateforme est possible pour tous les contribuables qui disposent d’un numéro IFU et les équipes de la DGI sont disponibles pour les assister.
Les nouvelles dispositions fiscales prennent-elles aussi en compte les acteurs internationaux, notamment les plateformes numériques internationales qui donnent l’impression de s’enrichir dans nos pays en toute impunité fiscale ?
Sur cette question, il faut retenir que les dispositions législatives avant l’adoption de la loi de finances, exercice 2023 prennent déjà en compte la taxation des activités numériques réalisées au Burkina Faso, même s’il faut reconnaitre qu’il y a nécessité d’améliorer notre législation en la matière.
Sur le plan international, la question de la fiscalisation de l’économie numérique est l’objet d’échanges en ce qui concerne l’imposition des multinationales, y compris celles opérant en ligne. Ces réflexions ont permis d’aboutir au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à des pistes de solutions dont pourrait profiter le Burkina si un consensus est trouvé.
Toutefois, en ce qui concerne les impôts indirects, la direction générale des impôts est en train de s’outiller grâce à une assistance technique afin d’imposer à la TVA, les opérations réalisées en ligne par les multinationales au Burkina Faso.
Vous qui avez fait une thèse de doctorat sur les problématiques de la fiscalité numérique, pensez-vous que l’économie burkinabè est mûre pour la transition digitale ?
La transition digitale est une question de volonté politique et en ce qui concerne le Burkina, cette volonté est affichée au plus haut niveau. Si vous considérez que l’économie burkinabè n’est pas mûre pour la transition digitale, je vous dirai que c’est la transition digitale qui va accélérer la maturité de l’économie. Toutes les études ont démontré que la digitalisation est un accélérateur de croissance en ce sens qu’elle instaure plus de transparence, plus de célérité et d’efficacité dans l’action publique.
Il faut travailler davantage sur la disponibilité des infrastructures informatiques ainsi que le renforcement du capital humain pour réussir la transition digitale qui a un effet multiplicateur sur l’économie dans son ensemble.
Quelles sont les principales mesures gouvernementales qui ont été prises dans ce sens ?
Le ministère de la Transition digitale travaille sur une stratégie nationale de digitalisation qui va accélérer le processus avec la mise en place d’un datacenter national qui va soutenir les grands projets de digitalisation. S’agissant du ministère de l’Economie, des finances et de la prospective, nous avons pris l’engagement d’accélérer la digitalisation des procédures douanières, des marchés publics, des ventes aux enchères, de la gestion du parc automobile de l’Etat, de la gestion des bulletins de paie des agents publics et de bien d’autres procédures. Nous aurons l’occasion de vous présenter ces projets très prochainement.
C. Paré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
Commentaires récents