Au Burkina Faso, les années passent et se ressemblent. C’est ce qu’on peut constater sur le plan sécuritaire. Depuis 2015, le pays des hommes intègres tire le diable par la queue dans ce domaine. 2021 a été une année de sang et de ‘’changement de paradigme ». 2022 n’a pas pu offrir une meilleure solution aux Burkinabè, assoiffés de la quiétude sur les 274 400 km². Cette situation sécuritaire a détourné la trajectoire démocratique, car les militaires ont décidé de s’emparer de l’exécutif pour mieux lutter. Même entre militaire, la vision n’était pas pareille. Retour sur cette année assez atypique.
Les Burkinabè sont entrés en 2022 avec les traumatismes de l’attaque du détachement de la gendarmerie d’Inata (bilan officiel fait état de 53 morts dont 49 gendarmes). Cet incident sécuritaire a dégradé davantage le climat politique au point d’occasionner le coup d’Etat du 24 janvier 2022. Un groupe de militaires, sous la houlette du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), a décidé de « prendre les choses en main » pour « restaurer l’intégrité du territoire national ».
Le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, RIC Diapaga, est porté à la tête du MPSR. Dans sa première adresse à la nation le 1 avril 2022, il a déclaré que « la sécurité est le premier objectif » des actions du MPSR. En ce jour, le chef de l’Etat donne le délai de cinq mois pour dresser un premier bilan de la mission de reconquête du territoire. Au regard de la dégradation de la situation sécuritaire, une grande partie de l’opinion publique avait bien accueilli ce discours.
Des attaques déjouées
Le samedi 21 mai 2022, le détachement militaire de Bourzanga (région du Centre-nord) a connu une attaque terroriste. Les hommes du lieutenant Assoumani Béogo ont livré une « riposte vigoureuse ». Le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, le chef suprême des armées a décoré le personnel de la Croix du commandement, au cours d’une visite opérationnelle effectuée le lendemain sur le site.
Le 11 juin, accompagné d’une délégation de chefs militaires, le chef de l’Etat est allé encourager et féliciter les éléments du détachement du Groupe d’action rapide de surveillance et d’intervention (GARSI) à Barani dans la Boucle du Mouhoun, qui ont vaillamment riposté à une attaque terroriste contre leur base. « Nous sommes venus pour vous témoigner la reconnaissance de la nation à l’ensemble du personnel du détachement de Barani pour ce que vous avez fait hier », a soutenu Paul-Henri Damiba.
Gaskindé et Seytenga, les drames
En plus de ces deux cas, plusieurs autres attaques terroristes ont été déjouées. Malgré cette ‘’montée en puissance » de l’armée comme promis par Paul-Henri Damiba, il faut se souvenir que des attaques terroristes ont continué d’être enregistrées sur le territoire national.
En 2022, deux attaques peuvent retenir l’attention de l’opinion : Seytenga et Gaskindé. Le samedi 11 juin, des groupes armés ont attaqué la population civile de Seytenga (région du Sahel). Un premier bilan officiel (48 heures plus tard) selon le porte-parole d’alors, Lionel Bilgo, faisait état de 50 corps retrouvés. Cette attaque revendiquée par l’Etat islamique dans le grand Sahara a choqué plus d’un.
Quatre mois plus tard, une autre attaque émeut toute la population. Un convoi de ravitaillement de la ville de Djibo (région du Sahel) tombe dans le piège des hommes armés à Gaskindé, le 26 septembre. Un communiqué du gouvernement fait état de 11 militaires tués, des blessés et des civils portés disparus. Selon le ministre délégué à la défense, le général de brigade Silas Kéita, cette attaque a montré qu’il y a eu des complicités malheureuses.
La vidéo de propagande de cette attaque a provoqué l’indignation des Burkinabè. Surtout que nombreux sont ceux qui ont remis en cause le bilan communiqué par les autorités. Les témoignages des rescapés de retour à Ouagadougou n’a fait qu’empirer la situation.
Dans la foulée, le président de la transition, Paul-Henri Damiba est parti remonter le moral de la troupe à Djibo. Une peine perdue, au regard des événements qui ont suivi. Si Inata a fait tomber le président du Faso, Roch Kaboré, on pouvait dire que Gaskindé a précité la chute de Damiba. Le 30 septembre, un groupe de militaires renversent le lieutenant-colonel Damiba, accusé de dérives par rapport à l’idéal du MPSR. C’est le capitaine Ibrahim Traoré qui avait porté le chapeau de la situation, lui qui était en poste à Kaya (Centre-nord) en tant que responsable de l’artillerie.
Crise humanitaire historique
Cette situation sécuritaire résumée ci-dessus a plongé le Burkina Faso dans une crise humanitaire sans précédent. A la date du 30 novembre, le pays a enregistré 1 810 105 Personnes déplacées internes (PDI), selon le Secrétariat permanent du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (SP/CONASUR). La commune de Djibo dans le Sahel est celle qui héberge le plus grand nombre avec un pourcentage de 14,89%. Elle est suivie par la commune de Ouahigouya dans la région du Nord avec 7,93% et la commune de Kaya dans la région du Centre-Nord qui occupe la troisième place avec 6,09%.
Ces PDI, qui pour la plupart ont fui dans la précipitation, ont laissé leurs biens derrières elles. Sauver d’abord sa peau, c’est l’objectif primordial. Ainsi, une fois ayant obtenu refuge, ils font face à d’autres difficultés. Les besoins de première nécessité sont d’actualité. Le gouvernement, à travers le ministère de l’Action humanitaire et de la solidarité, et les ONG peinent à répondre à tous les besoins. Pendant qu’ils font le nécessaire, les Forces de défense et de sécurité (FDS) sont dans la dynamique de la reconquête du territoire national.
La reconquête en marche…
C’est ainsi que l’armée burkinabè a initié une opération dénommée « Feleho » qui signifie « reprendre son bien ». Lancée depuis le 1er décembre 2022, l’opération vise à sécuriser la province des Banwa en démantelant les bases terroristes qui s’y sont installées et en mettant hors de combat les terroristes qui perturbent la quiétude des populations. Le but de cette opération, selon les initiateurs, est de créer les conditions pour un retour progressif de l’administration publique, des services sociaux de base et des populations civiles dans la province des Banwa.
Le drapeau du Burkina Faso a flotté de nouveau à Solenzo, cette ville qui était sous le contrôle des terroristes depuis quelques mois. La bonne nouvelle a été annoncée le 10 décembre, à la veille de la célébration de la fête nationale.
2023 sera-t-elle une année consacrée entièrement à la lutte contre le terrorisme et au retour des PDI dans leurs localités d’origines ? Wait and see !
Cryspin Laoundiki
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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