Dans leur mouvement de protestation contre les réformes annoncées, des élèves ont saccagé le bureau du proviseur, son véhicule ainsi que le secrétariat du lycée Philippe Zinda Kaboré. C’était le lundi 17 mai 2021 dans la matinée. Depuis lors, les portes de l’établissement sont restées fermer aux élèves et la fin de l’année scolaire semble incertaine. 72 heures après les faits, Alexis Kyelem, le proviseur de l’établissement, dit être toujours sous le choc du triste spectacle qu’ont donné à voir les élèves. Pour lui, quelle que soit la cause de leur mouvement, aucune raison ne saurait justifier cet excès de violence et d’incivisme, car c’est aux responsables de l’éducation de décider de comment enseigner et évaluer les élèves. Il a aussi invité chaque parent à sensibiliser son enfant.
Il est un peu plus de 9h du matin lorsque nous franchissons les portes du Lycée Philippe Zinda Kaboré. En cette matinée du mercredi 19 mai 2021, c’est un calme des plus inhabituels qui règne au sein de l’établissement. Postés à quelques mètres de la porte d’entrée, des éléments de la CRS filtrent les entrées au sein de l’établissement. Après vérification de notre identité, nous sommes autorisés à accéder au bureau du proviseur. Debout au milieu d’un bureau sens dessus dessous, Alexis Kyelem accepte de nous recevoir, avec d’autres confrères, pour nous relater les faits qui se sont déroulés le lundi 17 mai 2021.
Que s’est-il exactement passé au Lycée Philippe Zinda Kaboré ?
Alexis Kyelem affirme que dans la matinée du lundi 17 mai 2021, les élèves ont commencé un mouvement de protestation, entrant dans le cadre de leur manifestation contre les réformes annoncées. Ce jour-là, la manifestation a commencé aux environs de 07h10 et a entre-temps pris fin. Ayant une course à faire en ville, le proviseur quitte alors l’établissement. C’est de là qu’il apprendra que l’établissement a été envahi par des élèves, qui ont saccagé son bureau, le secrétariat et caillassé son véhicule.
- Le proviseur Kyelem dans son bureau ayant subi la furie des élèves
A la question de savoir si ce sont des élèves du Noble Zinda qui ont posé l’acte, Alexis Kyelem dit ne pas savoir d’où ils viennent exactement. « Je ne saurais vous dire d’où viennent ces élèves. Depuis le début des manifestations, les élèves viennent d’un peu partout des autres établissements et ils se réunissent au lycée Philippe Zinda qu’ils prennent comme base arrière, après les manifestations et attaquent les forces de l’ordre. Assez souvent, nous voyons dans la foule des élèves habillés de tenues scolaires des autres établissements de la ville de Ouagadougou. Sans doute qu’il y a des élèves du Zinda dans le lot. Même s’ils viennent d’ailleurs et qu’ils se retrouvent au Zinda, cela veut dire qu’il y a des élèves de l’intérieur, il y a des complices. S’ils étaient entièrement contre, les élèves n’allaient pas avoir accès à l’établissement », a-t-il soutenu.
L’incident a engendré la fermeture de l’établissement et l’arrêt des cours
Depuis lundi donc, les portes de l’établissement sont fermées et les cours suspendus. Avec la destruction du logiciel de gestion aussi bien administrative que financière ainsi que des dossiers physiques du personnel et des élèves, le proviseur dit ne pas savoir sur quelle base clore l’année ou pouvoir évaluer le travail des élèves. « Pour l’instant, nous pouvons dire que l’année est hypothéquée parce que nous ne savons pas précisément si nous allons pouvoir récupérer totalement les données ou pas et comment statuer. Et vu l’état dans lequel l’établissement se trouve, nous ne sommes pas certains de pouvoir parachever l’année scolaire. Nous devrions commencer nos compositions du troisième trimestre le mardi 18 mai (2021), ça, c’est tombé à l’eau. L’établissement est fermé de fait. Donc vu le temps qui nous est imparti par rapport aux examens qui sont programmés, nous pouvons dire que l’année scolaire pour l’instant semble être hypothéquée », a-t-il indiqué.
Se prononçant sur les accusations portées contre lui par des élèves qui lui en veulent d’avoir fait appel aux forces de l’ordre pour les gazer au sein de l’établissement et d’avoir refusé de racheter un des leurs qui aurait eu 9,99/20 de moyenne, Alexis Kyelem s’est voulu ferme. « Je ne sais pas de quoi l’on m’accuse. J’ai vu également sur les réseaux sociaux que l’on m’accuse d’avoir recalé un des leurs pour avoir eu une moyenne de 9,99/20, donc il n’a pas été racheté. Partant sur ces faits, jusqu’à preuve du contraire, je ne pense pas qu’un proviseur puisse être à la hauteur d’engager les forces de l’ordre pour quelque opération que ce soit. Mais revenant à cette histoire de rachat, je peux dire que tous ceux qui avancent cette idée, ont une méconnaissance totale des textes régissant les rachats au niveau des établissements. Il faut dire qu’après la relecture des textes, seul le conseil de classe composé de l’ensemble des professeurs d’une même classe, peut décider du rachat ou pas d’un élève », martele-t-il.
- La voiture caillassée du proviseur Kyelem
« Il n’est pas du ressort des élèves de dire comment ils doivent être évalués et enseignés »
Pour Alexis Kyelem, il n’est pas du ressort des élèves de dire comment ils doivent être enseignés et évalués. Car, argumente-t-il, « nous avons des spécialistes en matière d’éducation, chacun dans son domaine, je pense qu’il faut laisser le travail aux spécialistes. Les enfants sont là pour apprendre, créons les conditions d’apprentissage pour les enfants, ayons les modules et les curricula nécessaires pour l’apprentissage au regard des besoins du pays. A ce niveau, je pense que les enfants n’ont pas un mot à dire sur la manière dont ils doivent être évalués et enseignés. Cela est du ressort des responsables en charge de l’éducation. Auquel cas, il n’y aurait plus de responsables en charge de quoi que ce soit ».
Pour décanter la situation actuelle, il faut que les élèves entendent raison
Pour un retour au calme, le proviseur du lycée Philippe Zinda Kaboré ne voit pas de solution miracle. Il faut tout simplement que les élèves entendent raison et que les parents échangent avec leurs enfants. « Aucune raison ne peut justifier un tel niveau de violence et d’incivisme au niveau de nos établissements. Bien avant la journée du lundi 17 mai, les élèves ont mis en lambeaux au lycée Philippe Zinda Kaboré, plus de 300 tables-bancs, ils ont saboté les installations électriques. Quelle que soit la raison, je pense que ce degré d’incivisme ne peut pas être toléré. Et c’est un problème que les parents doivent prendre à bras-le-corps et sensibiliser leurs enfants. Il n’y a pas d’autres solutions que d’amener les élèves à la raison », déplore-t-il.
Armelle Ouédraogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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