L’Assemblée nationale a organisé, le vendredi 05 janvier 2018, une cérémonie de présentation des vœux du personnel administratif et des députés au Président de l’institution. Ce fut l’occasion de faire le bilan de l’année écoulée et les perspectives pour 2018. Ainsi, répondant aux doléances de ses collaborateurs, Alassane Bala Sakandé a annoncé une série de réformes qui permettront d’améliorer la gouvernance au niveau du parlement burkinabè. Désormais, à l’Assemblée nationale, « il n’y aura plus de privilégiés » car, « il n’y a pas deux catégories de travailleurs », ni « deux catégories de députés ». Le Président Sakandé promet tendre vers la perfection dans sa gouvernance et appelle l’ensemble du personnel à l’accompagner.

Visiblement, le successeur de feu Salifou Diallo veut imprimer sa marque au parlement burkinabè, si l’on s’en tient à ses propos et actes depuis son installation à la tête de l’institution. Et, il saisit toutes les occasions pour le faire savoir. La cérémonie de présentation de vœux de ce 05 janvier lui a permis de faire des annonces importantes pour 2018. Si ces annonces sont suivies d’effet, la gouvernance Alassane Sakandé devrait rester dans les annales du parlement.

Comme à l’accoutumée, c’est la secrétaire général qui a ouvert le bal des allocutions. Emma Zobilma/Mantoro a d’abord rappelé que « 2017 a été singulièrement marquée par une organisation administrative quasi achevée et un personnel administratif toujours engagé à toute épreuve en appui au travail parlementaire ». Cependant, sur le plan social, 2017 restera marquée par « la disparition brutale du Président Salifou Diallo, le 19 aout à Paris en France ».

A la suite de cette disparition, les députés ont confié la présidence de l’institution à Alassane Bala Sakandé, jusqu’alors président du groupe parlementaire MPP (Mouvement du peuple pour le progrès), à la suite de l’élection tenue le 08 septembre. « Le personnel administratif a noté avec enthousiasme votre prise de contact avec l’administration parlementaire et les structures faitières de l’Assemblée nationale, le 16 septembre 2017, soit huit jours après votre élection. Cette initiative a été grandement appréciée et a été perçue comme un symbole fort de collaboration franche et un acte de considération qui fédère les bâtisseurs de notre maison commune. Votre grande appropriation du principe de continuité du service public a également concouru à concrétiser les promesses d’amélioration des conditions de travail du personnel parlementaire. Leurs réalisations sous votre guidance sont salutaires », a-t-elle poursuivi, au nom du personnel administratif.

Les doléances des travailleurs

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Forte mobilisation à l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux

Enfin, la secrétaire générale du parlement a égrené un chapelet de doléances. Il s’agit, entre autres de :
- l’appui conséquent de la mise en œuvre des plans de formation ;
- la reprise des concours professionnels ;
- la poursuite de la dynamique de relèvement des rémunérations ;
- l’amélioration de la couverture du système médico-social ;
- le maintien du dialogue social ;
- l’adoption des textes d’application de la loi portant fonction publique parlementaire ;
- la culture de la promotion interne car l’administration parlementaire est pérenne ;
- l’administration d’une indemnité spécifique aux services au cœur du travail législatif.

« Des signaux forts dans la gouvernance de l’institution »

Le Président Sakandé étant fortement attaché à la ponctualité et à l’assiduité au travail, la secrétaire générale du parlement n’a pas manqué d’inviter « tous les agents à la ponctualité dans les différents services et à l’assiduité pour marquer notre disponibilité à accompagner l’institution parlementaire dans la réalisation de ses missions constitutionnelles ».

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3 Il n’y a pas deux catégories de travailleurs, ni deux catégories de députés

A la suite de l’administration parlementaire, c’est au tour du vice-président de l’Assemblée nationale de présenter les vœux des députés au Président Sakandé. « Aujourd’hui, quatre mois après votre prise de fonction, dans un contexte difficile, vous avez su conduire l’Assemblée nationale, avec tact et manière à assurer ses missions constitutionnelles. En quelques mois passés à la tête de l’Assemblée nationale, vous avez donné des signaux forts dans la gouvernance de l’institution », a soutenu Me Bénéwendé Stanislas Sankara, au nom des députés de la 7e législature. Avant de lui souhaiter le meilleur pour 2018.

« On va se parler gbê-gbê »

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Le personnel administratif attentif aux promesses de leur Président

Enfin, l’honneur est revenu au patron de l’institution de réitérer ses vœux et ceux de sa famille au personnel administratif et aux députés. Et, Alassane Bala Sakandé ne s’est pas entouré de protocole pour le faire. « On va se parler en famille et on va se parler gbê-gbê. Comme, il y a du lait (ndlr, il fait référence à la nourriture) qui attend, donc on va aller sap-sap », a-t-il lancé d’entrée, laissant de côté son discours rédigé par ses services techniques pour la circonstance. Puis, il se dit d’abord touché par les vœux formulés à son endroit avant de réitérer les mêmes vœux à ses collaborateurs. Et commence enfin la partie que tous attendaient. « J’ai écouté les allocutions du secrétaire général et du vice-président qui ont eu à énumérer un certain nombre de problèmes. Je voudrais dire que les présentations de vœux ne sont pas simplement une occasion pour venir manger des brochettes, boire du bissap, mais aussi c’est l’occasion de faire le point des actions réalisées et envisager celles à venir », introduit-il.

Dans son développement, il appelle d’abord à l’union sacrée pour faire du parlement une institution républicaine respectable et respectée. « Je voudrais tout de suite rassurer le personnel, les députés, mais également le ministre chargé des relations avec le parlement de notre entière disponibilité à travailler pour l’émergence de la démocratie, à travailler de telle sorte qu’au niveau de l’Assemblée nationale, nous soyons un exemple. C’est vrai qu’on ne peut pas être irréprochable à 100%, mais nous allons tendre au niveau de l’Assemblée nationale vers la perfection. C’est en cela que nous avons besoin de l’appui de tous. J’ai besoin de l’appui des députés toutes obédiences confondues, j’ai besoin de l’appui du personnel administratif, de l’agent de liaison, du technicien de surface jusqu’au cadre. Sans vous, je ne pourrai pas avancer », précise-t-il.

Les réformes majeures prévues en 2018

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Le Président Sakandé entouré de son épouse et du ministre en charge des relations avec le parlement

Puis, avant d’annoncer les réformes majeures prévues pour 2018, comme il fallait s’y attendre, il fustige d’abord l’absentéisme et les retards au service de ses collaborateurs, aussi bien les travailleurs que les députés. Pour régler cette question, le Président Sakandé ne veut pas soulever le bâton de sitôt. C’est pourquoi, en partenariat avec le syndicat du parlement, il promet d’abord former le personnel sur les droits et devoirs de chacun. « Je voudrais m’appuyer sur le syndicat des travailleurs de manière à ce que nous puissions conscientiser les travailleurs de l’Assemblée nationale. Je voudrais en toute humilité demander aux députés, demander aux travailleurs de redoubler d’efforts de façon à ce que nous puissions montrer l’exemple », soutient-il. Avant d’annoncer qu’en 2018, l’Assemblée nationale mettra en place un système qui permettra de contrôler les horaires et les présences des gens au bureau. Ce système devrait également être installé à l’hémicycle.

Autre innovation pour 2018, c’est le vote électronique qui devrait être possible dès la première session ordinaire de l’année. Le Président Sakandé a également annoncé la relecture du règlement de l’Assemblée nationale pour favoriser plus de représentativité des femmes dans le bureau du parlement des commissions générales. L’administration parlementaire connaîtra également un toilettage avec un nouvel organigramme. Car, « l’organigramme actuel et ceux passés sont purement des organigrammes politiques. Nous devons nous départir de cela. Nous souhaitons mettre en place un organigramme qui va résister au temps et éviter ainsi de le changer au gré des politiques qui arriveront à la tête de cette institution », assure-t-il.

Le dialogue social réclamé par le personnel n’a pas été oublié. Et Alassane Sakandé annonce des concertations régulières et permanentes entre le bureau de l’Assemblée nationale et les syndicats. Il est prévu, au moins, une rencontre par trimestre. Concernant les concours professionnels des travailleurs, le patron de l’institution se dit favorable et attend des propositions concrètes de la direction des ressources humaines.

Aussi, tous les salaires et émoluments des députés et du personnel administratif seront bancarisés à compter de janvier 2018. « Ça va éviter les manipulations d’argent, ça va éviter les risques inutiles », insiste-t-il.

Plus d’équité pour réduire les frustrations

Des sujets qui fâchent ont également été évoqués, notamment les questions de l’équité dans les missions, les formations et les rétributions. Et, Alassane Sakandé n’y est pas allé du dos de la cuillère. « Nous avons décidé que tout le monde au niveau de l’Assemblée nationale sera formé. Il n’y a pas de privilégiés, il n’y a pas de je suis ami du Président ou je suis la ‘’pépé » ou la cousine du Président. Il n’y a pas de privilégiés à l’Assemblée nationale tant que nous sommes là », lance-t-il, taquin mais visiblement sérieux. Avant d’ajouter : « Il y a également les missions. J’ai commencé à corriger cela parce que je vois que ce sont les mêmes têtes qui vont souvent en mission. Ça doit tourner aussi bien au niveau du personnel administratif qu’au niveau des députés. Il n’y a pas de privilégiés. L’argent du contribuable doit pouvoir servir bien et servir à tous. Il n’y a pas deux catégories de travailleurs à l’Assemblée nationale, il n’y a pas deux catégories de députés à l’Assemblée nationale. Donc, je voudrais que cela soit très clair ».

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Une vue de quelques députés

En ce qui concerne la question des rétributions, Alassane Sakandé estime qu’il n’y a pas de raison que des gens soient payés pour le travail pour lequel ils sont déjà payés. « En toute honnêteté, j’ai constaté que même s’il s’agit de demander à des gens de faire leur travail, il faut mettre en place un comité et cela fait appel à des rétributions, en plus du salaire et des indemnités de session », regrette-t-il. C’est pourquoi, il dit avoir mis en place un groupe de réflexion afin de lui permettre de prendre la décision qui sied. Une décision qui, certainement, fera grincer des dents.

Aussi, pour assurer un suivi des recommandations des commissions d’enquête parlementaire, il est prévu la mise en place d’un organe pour y veiller. Car, « c’est l’argent du contribuable que nous utilisons pour mener ces enquêtes, donc il n’y a pas de raison qu’on mette les résultats dans les tiroirs ».

2018 se présente donc comme une année de grandes réformes au sein de l’institution parlementaire. Si elles sont bien menées, le parlement connaîtra une meilleure gouvernance. Mieux que celle qui était pratiquée jusque-là. Mais, attendons le maçon au pied du mur.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net