A l’occasion de la CAN Gabon 2017 qui se tient actuellement au pays d’Oumar Bongo, nous avons rencontré Souley Mohamed, un nom plus qu’associé à l’histoire du ballon rond dans notre pays. Avec le colonel de gendarmerie à la retraite, nous avons naturellement parlé CAN 2017, mais aussi CAN 98. Lisez.

Lefaso.net : Veuillez –vous présenter aux lecteurs SVP

Souley Mohamed : SOULEY Mohamed, colonel de gendarmerie en retraite à Fada. Actuellement promoteur agropastoral. J’ai été : – Président de la FBF (fédération burkinabè de football), – Président du COCAN 98 (Comité d’organisation de la CAN 98), – Membre de la commission d’organisation de la CAN de la CAF et plusieurs fois commissaire de match CAF et FIFA. Je m’en tiendrai à ça puisque nous sommes dans le domaine du sport (football).

Lefaso.net : Vous qui avez été président du comité d’organisation de la CAN 98 au Burkina Faso, quelle analyse faites vous de l’organisation de cette 31e CAN GABON 2017 ?

S. M. : Je pense que dans l’ensemble les choses se déroulent normalement. Il y a eu des ratés ; c’est le cas des hymnes nationaux qui ont été mal exécutés ou plutôt mal programmés lors de Burkina Faso- Cameroun ; mais bon, ce sont des problèmes techniques qui peuvent arriver surtout au début. Il y a aussi l’état de la pelouse (dans certains stades) qui pose problème à cause des rebonds. Lors du match Mali-Ouganda, le terrain était impraticable pour cause de pluie mais en fait c’est parce que le terrain a été mal conçu avec défaut de drainage pour évacuer rapidement les eaux de pluies.

En d’autres circonstances, le match aurait été reporté pour ¨terrain impraticable¨ ; mais dans le cas d’une CAN, la programmation est telle qu’il est difficile de reporter un match. N’oublions pas qu’à ce stade, les deux matchs de cette poule devaient se jouer à la même heure.

Lefaso.net : Le Gabon pays hôte, a été éliminé dès le premier tour, quelle incidence cela peut avoir sur l’organisation du reste de la compétition ?

S.M. : Honnêtement, pour avoir moi même été organisateur de la CAN, c’est quelque chose que je ne peux souhaiter à aucun pays hôte parce que la fête est ¨gâchée ¨ ; c’est une grande frustration pour le public sportif du pays hôte, une véritable désillusion. Les conséquences sont immédiates (surtout sous nos cieux africains) ; les stades sont désertés et naturellement les prévisions de recettes (stade et publicité) chutent. Sans oublier d’autres conséquences éventuelles sociales. Le football est un phénomène social extraordinaire.

Pendant un moment on oublie les problèmes, les clivages, nos divergences, quitte à se faire rattraper par ces problèmes après. Mais même dans un monde de tourments, quelques moments de bonheur ne se refusent point. Pendant une CAN, c’est tout le pays qui retient son souffle. L’on soutient l’équipe nationale dans un esprit de fraternité, d’unité, de solidarité. Au stade lorsque retentit l’hymne national, la ferveur populaire vous donne des frissons. Oui ! Assurément c’est une ambiance magique. Et plus on va loin dans la compétition, plus grande est cette ferveur populaire. Naturellement lorsque vous êtes éliminés au 1er tour, vous imaginez vous-même les conséquences.

Lefaso.net : En 1998 au Burkina, l’équipe avait atteint la demi-finale. Est ce que ce parcours des Etalons avait permis au comité d’organisation que vous présidiez de tirer son épingle du jeu ?

S.M. : Il convient de préciser que dans nos pays africains (à quelques rares cas près), quand on organise une CAN ce n’est pas le coté rentabilité financière immédiate qu’on voit. C’est plutôt les effets à moyen et long terme. La CAN permet de donner une image du pays du fait de la très grande médiatisation. Pour le cas de la CAN 98 au Burkina Faso, les informations que nous avons reçues révèlent que plus de 150 pays au monde ont fait passer une fois ou plusieurs fois les images de Burkina 98.

Par ailleurs les infrastructures que l’on met en place ont servi, servent et serviront pendant de longues années sur un plan multisectoriel.

La 1ère qualification du Burkina Faso sur terrain à la CAN c’était pour la CAN96 en Afrique du Sud (nous étions au Ghana en 1978 mais on avait été repêché). Depuis, c’est la 10e ou 11e édition qui voit le Burkina Faso dans le cercle des nations africaines de foot. Ces dividendes ont pour origine l’ensemble des efforts consentis donc depuis des années. Naturellement il y a toujours des voix qui s’élèvent pour s’opposer à l’organisation d’une CAN que ce soit au Burkina Faso ou ailleurs. C’est normal, chacun est libre d’exprimer son opinion.

Lefaso.net : A ce sujet, l’on entend dire qu’il n’y a pas eu de Bilan de la CAN. Qu’en dites –vous ?

S.M. : C’est exact. Mais vous dites bien ¨Bilan de la CAN¨. Moi J’étais le président du COCAN 98 ; nous avons fait le bilan du COCAN et transmis à qui de droit (La présidence du Faso à laquelle nous étions rattachés).

Il y a une nuance fondamentale ; nous au COCAN, avions la charge de l’organisation stricto-sensu de la CAN à l’exception du volet sécurité géré par l’actuel Général Bassolé Djibril. Il s’agit entre autres de l’accueil- l’hébergement- la restauration -le transport de tous les officiels CAF -Equipes nationales -Arbitres –Commissaires aux matchs- invités CAF. Il s’agit aussi de la retransmission- de la billetterie…des perdiemes accordés à la CAF (confère cahier de charge).

Pour faire le bilan de la CAN, il eût fallu faire intervenir :

- Le ministère des infrastructures qui avait en charge la construction des stades (nous n’y avions pas été associés contrairement à certaines déclarations)
- La commission sécurité (nous n’avions jamais eu connaissance du montant exact du budget sécurité)
- Le C G S (Comité de gestion des souscriptions).
- Ainsi que le Ministère des finances naturellement.

Nous avions suggéré en son temps une rencontre pour faire le ¨bilan de la CAN¨ mais nous n’avons pas eu de réponse.

Lefaso.net : Votre avis sur le niveau des équipes participantes à cette 31è CAN ?

S.M. : De mon point de vue, cette 31è édition de la CAN est spéciale
- Spéciale à travers les scores serrés (en dehors de Tunisie-Zimbabwe) des différents matchs
- Spéciale en ce sens que le pays hôte et le champion en titre sont éliminés au 1er tour. Ce qui est rare ou même unique en son genre.
- Spéciale en ce sens que ce sont les pays qualifiés de « petits poucet » (Zimbabwe et Guinée Bissau) qui ont donné du fil à retordre à certaines grandes nations Algérie- Côte d’ivoire et dans une mesure le Gabon.

En résumé, nous avons là l’illustration parfaite du nivellement des valeurs sur l’échiquier continental. On ne le dira jamais assez, il n’y a pas de petites équipes. Même si c’est vrai que les équipes bien classées FIFA en dehors de l’Algérie et la Côte d’Ivoire ont su tirer leur épingle du jeu.

C’est le cas du Sénégal, 1er au classement CAF et 33e FIFA, de l’Egypte 3e CAF et 35e FIFA…….. du Burkina Faso 8e CAF et 59 FIFA.

Lefaso.net : Alors justement on parle de classement FIFA ; sur quelle base se fait ce classement ?

S.M. : Le classement FIFA se fait après attribution de points (P) à chaque pays. P est évalué de la manière suivante :

P = M x I x T x C

M : Etant la valorisation du résultat (1victoire 3pts-1nul 1pt-1 défaite 0pt) en cas de victoire après tirs au but, le vainqueur à 2pts, le vaincu 1pt)

I : C’est l’importance du match

Exemple match amical I= 1pt

Phase finale Mondiale =4 pts

……….etc.

T : C’est la valeur de l’adversaire selon classement mondial FIFA. Si vous arrivez à battre par exemple l’Allemagne (1er au classement mondial FIFA) vous êtes mieux notés que si vous battez le Kirghisistan ou le Swaziland.

C : C’est le coefficient de confédération. C’est-à-dire la valeur de la confédération sur la base des trois dernières coupe du Monde FIFA (on prend en compte le nombre de matchs gagnés pour chaque confédération dans les phases finales de coupe du monde FIFA).

On fait alors la situation des points et le classement qui en découle.

Rappelons que la FIFA c’est 6 confédérations (CAF-CONCACAF- COMMEBOL- UEFA- ACF- OFC) et 211 associations nationales affiliées.

Lefaso.net : Quelle appréciation faites vous de la prestation des Etalons du Burkina Faso et quelles sont les chances pour la suite de la compétition ?

S. M. : D’abord je tire mon chapeau aux Etalons pour leur prestation. On sent une sérénité liée à une expérience. Cela fait un moment que ces joueurs évoluent ensemble. Il y a certes encore quelques déchets dans le jeu (mauvaises passes, mauvais contrôle du ballon), mais dans l’ensemble ils ont ¨mouillé¨ le maillot. C’est une équipe qui évolue avec un mental de bon augure et qui rappelle la CAN 2013.

Je pense que nous pouvons avec le ¨Fighting-spirit¨ qui les anime, nous qualifier pour les ½ finales.

Lefaso.net : Quels sont les joueurs et l’équipe qui vous ont le plus marqué durant cette CAN ?

S.M. : Pour les joueurs je parlerai de Atsu du Ghana – Piquetis de Guinée Bissau (qui dans une action individuelle sur 40 m, est allé battre d’un tir superbe le portier Camerounais) et enfin notre goal keeper Hervé Koffi. Ce garçon à de l’avenir.

Pour les équipes, je citerai le Sénégal pour ses qualités de jeu (physique, technique et réalisme devant les buts).

Bien qu’éliminée la Guinée Bissau m’a agréablement surpris.

Lefaso.net : Selon certaines informations, vous avez quitté les affaires ou encore comme le disent certains ¨Claqué la porte¨ suite à une profonde déception après la CAN 98 ; si c’est pas indiscret, peut on en parler ?

S.M. : (Apres un silence et un soupir)

Comme on le dit si bien, ¨Homo Homini Lupus est¨. L’Homme est un loup pour l’homme.

Mais je ne souhaite pas en parler. De toute façon, le plus important c’est que le Burkina Faso a réussi dans l’organisation de la CAN 98. C’est unanimement reconnu et cela constitue un réconfort moral extraordinaire.

Lefaso.net : Votre dernier mot ?

S.M. : D’abord je voudrais souhaiter une bonne et heureuse année 2017 à toute la grande famille sportive du Burkina Faso, toutes disciplines sportives confondues. Je souhaite une bonne CAN à nos Etalons. Toutes nos prières les accompagnent.

Etalons du Burkina Faso, sachez que c’est tout un peuple qui est derrière vous.

Que Dieu bénisse le Burkina Faso

Propos recueillis par Soumaila Sana

Lefaso.net

Source: LeFaso.net