L’épreuve de démocratie a montré ses limites aux pays des hommes intègres. Il y a un moment où nous écrivions que les « choses seraient pires qu’avant » et l’histoire semble nous donner raison avec le cours des événements auxquels nous avons assisté en un an de gestion MPP du pouvoir.
Le degré d’arrogance des élus locaux et nationaux (députés et conseillers) est tel qu’aujourd’hui, nombreux sont ceux qui attendent une nouvelle insurrection. Nous ne sommes pas fier d’avoir raison mais… en patriote, il faut tout de même reconnaître que nous avons écrit de par le passé que cette classe politique issue du CDP n’avait rien à nous offrir de nouveau et pire, l’élève allait « dépasser le maître ».
Le déroulement des événements montre clairement une fois de plus que le MPP est né de la frustration des aigris du CDP qui avaient été écartés et que le combat que ce parti est ses alliés mènent est juste une question de revanche et non une volonté de sortir le peuple du trou où Blaise Compaoré et son régime l’avait laissé.
Comment comprendre des erreurs de gestion qui se multiplient. Le front social avec des négociation secrètes que d’aucuns appellent les « mouta mouta ». Après les textes relatifs aux avantages qui ont tout l’air d’une corruption hérités de la transition, le pouvoir semble cultiver désormais le secret des délibérations sur les termes de ses négociations avec les autres corps de métier. Qui a vu le bilan de la grève sans service minimum du personnel de santé ? Qu’est-ce que ce corps a obtenu ? Et le bilan de la SCAAD à laquelle on a substitué le PNDES ? Combien a coûté l’élaboration et la voyage de cette délégation à Paris ?
Il n’y a pas que l’exécutif qui ait fait à sa tête. Le législatif n’est pas en reste. Nous allons économiser cette histoire de tablettes offertes ainsi que le million qui ont largement été commentés par les réseaux sociaux pour nous en tenir aux circonstances qui en disent plus long que les faits. En effet, nous rappelons qu’en démocratie, les règles du jeu prévoient la séparation des pouvoirs et à ce titre, les rôles et avantages de chacun sont connus et balisés par la loi. L’exécutif gère le pouvoir d’Etat, le législatif contrôle l’action gouvernementale et le judiciaire s’assure de l’application effective des règles de droit qui fondent la vie dans une société démocratique. Par conséquent, la circulation des biens et ressources entre ces entités est canalisée par la loi. Les députés perçoivent leur budget qu’ils gèrent avec tout ce que cela comporte comme défaillance, car les règles ne prévoient un contrôle qu’à postériori, c’est-à-dire après la dépense et il n’y a pas de sanction en cas de défaillance. Et après les neuf cent et quelques milles annoncés comme émolument, combien gagne en réalité un député : frais de sessions ordinaires (2X45 jours), frais de sessions extraordinaires qui durent toute l’année, frais de mission, frais de formation, frais de carburant, sans oublier que même en mission, ils perçoivent les frais de session… Avec des avantages aussi extravagants, on comprend pourquoi la lutte est aussi serrée pour rentrer à l’Assemblée Nationale ! Qu’une commission parlementaire vienne, au nom de la redevabilité, nous donner les chiffres réels avec les documents comptables certifiés.
Pour revenir à notre cours de science politique, retenons que le gouvernement ne peut pas « offrir quelque chose », même pas de médaille à un député au risque de tomber sous le coup de la loi de la séparation des pouvoirs. On vient de décorer les anciens députés de la transition ; ce qui doit tomber sous le coup de la même loi, car il y a bien décoration parce qu’ils ont été au parlement alors que cette action ne peut pas être motif de décoration. Par conséquent, l’offre de tablette de la part du gouvernement est une faute du gouvernement et son acceptation par l’Assemblée Nationale est une imprudence. Et si l’on tient compte de la loi anti-corruption sur le montant des cadeaux, on tombe directement sous le coup de la loi est il y a des textes qui doivent s’appliquer. Dans ce cas, on n’a pas besoin de lever l’humanité, car nous sommes dans une situation de flagrant-délit.
L’occasion est belle et bien donnée aux magistrats burkinabè de démontrer leur indépendance car la situation l’impose. Après avoir empoché des sommes aussi faramineuses pour les mettre à l’abri de la corruption, nous avons un cas où l’enquête n’est même pas longue et il y a assez de place à la MACO pour ces députés qui sont sensés faire et connaître les lois. Ce serait une première dans notre démocratie qui va donner une bonne leçon de gouvernance à l’Afrique et les suppléants ne seront certainement pas contre cet avis.
Le plus gros problème de notre système, c’est bien notre classe politique formatée par 27 années de Compaorose et à qui on demande d’être démocrate. Toutes ces personnes ont juste appris à se servir et non à servir. Tout se passe comme si la démocratie se résumait à l’existence des institutions (exécutif, législatif et judiciaire).
Tout ce que nos politiques font au quotidien est contraire à la mentalité démocratique et il ne suffit pas de passer par les élections pour faire ce qu’on veut. Comment comprendre que des gestes de bonne gouvernance comme le recrutement des DG par concours est remplacé par celui des DG orange ? Comment comprendre que des personnes nommément citées dans des dossiers de contrôle d’Etat et / ou sous peine arrivent-ils à se faire nommer DG, se faire élire conseiller, puis maire… Comment comprendre qu’on s’est précipité pour créer des commissions d’enquête parlementaire sur le minier et le foncier en s’attaquant spécifiquement à ceux qui ont échappé à la fièvre orange ?
Avant Salif Kaboré qui est si corrompu, nous dit-on, ses prédécesseurs sont-ils aussi blancs ? Quand on nomme des personnes qui ont leur nom sur des listes aussi célèbres comme celle du verger du pauvre vieux de Koudougou, quelle moralité donne-t-on du pouvoir ? Et toutes ces personnalités dont les directeurs de cadastre détiennent les noms dans leurs tiroirs qui sont encore en poste ? Seront-elles prêtes à rendre des centaines de parcelles à elles attribuées et redistribuées aux épouses, maîtresses… ?
Et combien ont coûté ces différentes enquêtes parlementaires ? Peut-être qu’il faut quelques 10 millions aux membres de ces commissions pour qu’ils viennent rendre compte. Tout ceux qui ont fait un peu de droit savent qu’une commission d’enquête, parlementaire soit-elle, doit s’entourer de précautions nécessaires pour le bon déroulement de sa mission et surtout l’exploitabilité se son produit. On s’attendait à ce que les conseillers juridiques du président et du conseil des ministres leur rappellent que les rapports en question ne sont pas exploitables sur le plan pénal. Mais bon, nous sommes convaincus que le gouvernement a écouté ceux qui veulent lui faire plaisir et tout cela ferait « pshiiiit ».
Maintenant, la question reste de savoir combien nous coûtent ces atermoiements et ces errements législatifs, judiciaires et exécutif ?
Pour terminer, nous voulons rappeler à ceux qui sont au pouvoir qu’ils doivent comprennent que l’arrogance du gouvernant l’expose. A répéter sur toutes les antennes que « nous avons été légitiment élus », vous rappelez au peuple que vous méprisez tant qu’il peut « se foutre de votre légitimité » et vous « chasser comme un certain Blaise Compaoré » qui a fui en Côte d’Ivoire avec la sienne.
Un ministre invité dans une émission de controverse est allé jusqu’à dire qu’il est ministre « du gouvernement légitimement élu ». Alors c’est dire jusqu’où peut nous mener l’arrogance et s’il avait bien regardé le code électoral, le gouvernement n’est pas élu ; heureusement d’ailleurs pour certains comme lui !
Bonne année 2017 à tous avec l’espoir que les promesses de nos gouvernants soient tenues.
Abou Bamba DOUKARE (ABD)
Source: LeFaso.net
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