Un caporal qui plus est tringlot (chauffeur) projetait, selon les enquêteurs, libérer le Général Gilbert Diendéré de la maison d’arrêt et de correction des armées (MACA). Pour les limiers, le soldat préparait le coup avec près d’une trentaine de frères d’armes et à l’occasion plusieurs réunions ont eu lieu. Patatras, le projet est tombé à l’eau. Conséquence : arrestation, interrogation, inculpation et procès au tribunal militaire. Débuté le 20 décembre 2016, ce n’est que le 5 janvier 2017 que les premiers accusés ont été entendus. Au troisième jour, c’est-à-dire le samedi 7 janvier, ça continue et certains militaires reconnaissent ou réfutent le premier chef d’inculpation qui est la « détention illégale d’armes et de munitions de guerre ». Cependant, tous, jusqu’ici, nient les faits d’association de malfaiteurs.

Les uns avaient un français approximatif, les autres zézayaient parfois. Tous tentaient de se défendre, de se faire comprendre du tribunal. Les explications des accusés faisaient éclater de rire par moments l’assistance et la rendaient interrogateur aussitôt. Comme la veille, les propos des militaires recueillis par les officiers de police judiciaire (gendarmerie) et le juge d’instruction étaient à certains points contradictoires avec les réponses données au procès. Les pandores ont-ils dévoyé ou mal compris les propos des accusés dans les procès-verbaux ? Les ont-ils fait lire les documents avant signature ?

Si l’on en croit, le soldat de deuxième classe Bado Arnaud, son passage à la gendarmerie n’a pas été du tout facile. Des propos du genre « Avant, c’était vous, aujourd’hui c’est nous » ont été rapportés au procès, ce samedi 7 janvier, et un accusé a souligné qu’entre les mains des pandores, il avait fait trois jours sans manger. « Je ne buvais que de l’eau », a-t-il indiqué au tribunal. « Lorsqu’on se retrouve dans ces conditions, il se pourrait que ce que vous dites pour pouvoir bénéficier de ces miettes, vous le dites pas en toute âme et conscience. Je pense que c’est ce qui peut justifier certaines déclarations contradictoires », a déclaré Me Ouattara Lamoussa.


Revenons à l’infraction « associations de malfaiteurs » qui gravite autour du caporal Ouédraogo Madi. Tout serait parti de plusieurs rencontres organisées au domicile de l’intéressé pour discuter de la question du matériel des éléments de l’ex- Régiment de sécurité présidentielle (RSP) détruits ou emportés au niveau du camp Naaba Koom 2. La plupart des accusés déclarent être arrivés à la fin ou avant la rencontre et/ou n’y avoir pas pris part. Certes la question du matériel faisait l’unanimité au sein des bidasses mais, la pomme de discorde est venue du projet de libération du Général Gilbert Diendéré. A en croire les accusés qui ont pris au mot Madi Ouédraogo, les militaires n’étaient pas partants pour le plan d’évasion.

Comment Kondé Loba, Kaboré Ghislain, Sana Ousmane, Gansonré Jean Charles, Ouédraogo Moussa, Tamboura Sékou, Bado Arnaud, Da Sassan et Haro Atina ont-ils été mis au courant de la tenue d’une réunion chez le Caporal Madi Ouédraogo ? Pour certains, c’est Madi lui-même qui leur a donné l’information mais en mettant en avant la question du matériel, et pour d’autres, leur présence dans la cour du caporal s’explique par le fait qu’ils ont accompagné leur collègue sans savoir ce qui se tramait. Depuis donc le vendredi 6 janvier 2017, des personnes ont été citées au cours du procès alors qu’elles n’ont été entendues ni au niveau de l’enquête préliminaire par les officiers de police judiciaire ni par le juge d’instruction. Or, Me Ouattara Lamoussa estime que pour la manifestation de la vérité, ces personnes doivent comparaitre. Il s’agit notamment de Kini Eric et Ouattara Abou qui auraient respectivement conduit Kondé Loba et Da Sassan à la réunion.

Informés de ce qui se tramait, pourquoi la plupart des accusés n’ont pas pipé mot à leur hiérarchie, quand bien même selon le code de justice militaire, le compte rendu libère le subordonné et engage la responsabilité du supérieur hiérarchique ? Le soldat de 2e classe, Kaboré Thierry, a déclaré avoir monté la garde sans munition pendant quatre mois parce que ses supérieurs ne lui faisaient pas confiance après sa réintégration suite à la dissolution du RSP. Le soldat n’a donc pas rendu compte à ses chefs puisque lui aussi ne leur faisait pas confiance. D’autres accusés affirment également n’avoir rien dit à leur hiérarchie par peur que leurs frères d’armes ne les taxent de traitres car ils ne voulaient pas participer au projet.


Ce sont au total 18 militaires qui ont comparu (y compris la journée du 6 janvier) devant le tribunal. Pour Me Arnaud Ouédraogo, « ce procès est très délicat puisqu’il touche à la sécurité collective ». Et même s’il admet que l’opinion publique, les acteurs politiques, sociaux et autres, sont préoccupés par l’épilogue de ce procès, l’avocat pense que ce procès n’est en réalité qu’un « procès test parce qu’il n’a pas une physionomie extrêmement complexe par rapport aux procès qui vont venir par la suite ».

« C’est pourquoi, poursuit-il, si les différents acteurs arrivent à bien capitaliser la présence des avocats, cela peut contribuer à ne pas répéter les mêmes griefs qui sont chaque fois répétés et qui reviennent au niveau des procès de cette juridiction ». Et de conclure « En réalité, la République s’honore, elle grandit lorsqu’elle est capable de faire juger ses enfants prodigues avec dignité et avec loyauté. Et les avocats sont là pour faire grandir la République ».

HFB

Lefaso.net

Source: LeFaso.net