La situation post-insurrectionnelle du Burkina Faso est loin d’être enviable, pour peu qu’on se mette à écouter les plaintes et complaintes des burkinabè. Entre vie chère ; problèmes politico-judiciaires ; « contradictions internes » selon les termes du président du Faso Roch Kaboré ; banditisme et attaques terroristes ; il y a vraiment de quoi avoir sérieusement peur. Quelles réponses les autorités vont-elles apporter à ces problèmes ?

Le phénomène de la vie chère est là et bien réel. Hormis quelques privilégiés qui roulent carrosse (anciens et nouveaux riches de l’ère Compaoré et du système actuel), qui ne peuvent pas effacer leur passé de collaborateurs de l’ancien pouvoir pour beaucoup, « la vie est dure » comme le dirait quelqu’un et même très dure.

L’économie burkinabè a du plomb dans l’aile et la croissance forte tant attendue pour permettre une plus grande redistribution des richesses tarde à venir. La situation est loin d’être rose si on se réfère aux principaux indicateurs macro-économiques dont le PIB estimé en 2015 à 11,3 milliards de dollars, pour presque 18 millions d’habitants soit un PIB par tête d’habitant de 631,372 dollars par an, classant du coup le Burkina parmi les pays les plus pauvres du monde sur l’échelle de l’IDH ( Indice de développement humain). De même, 55,3% des Burkinabè vivaient en 2009 sous le seuil de la pauvreté selon la banque mondiale.

S’il est vrai qu’il peut paraitre assez tôt de dire que la politique économique du pouvoir en place ne porte pas ou encore ses fruits, force est de reconnaitre qu’on ne peut être très optimiste au constat de la réalité et de certains faits.

Le PNDES (Plan national de développement économique et social), le nouveau référentiel de développement économique et social pour l’horizon 2016-2020, est vivement critiqué par le principal parti d’opposition et des économistes qui dénoncent son « incohérence » et sa conception lapidaire. Pour l’UPC de Zéphirin Diabré, il s’agit d’un mélange de la SCADD et d’autres programmes qui ne peut atteindre les ambitions et objectifs fixés.

Mais là où c’est plus inquiétant, c’est lorsqu’une personnalité importante du pouvoir actuel en l’occurrence le président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo semble être du même avis. En effet, l’homme a plusieurs fois interpellé le gouvernement à être plus imaginatif et audacieux, à rompre avec certaines vieilles habitudes et à savoir dire non aux institutions financières (FMI, Banque mondiale surtout) lorsque cela était nécessaire. Il a ajouté que si le Burkina restait dans le format qui est le sien aujourd’hui, le développement se ferait attendre même dans 20 ans.

Il y a donc de quoi s’inquiéter ! De tels propos venant d’un homme aussi important du sérail MPP, qui connait le programme présidentiel du bout de ses doigts, s’il ne l’a pas tout simplement élaboré, sont révélateurs. Car l’homme sait sans doute de quoi il parle et il faut donc prendre ses propos très au sérieux

Les problèmes politico-judiciaires

Depuis l’insurrection, on ne sait plus qui est qui dans le pays et qui a fait quoi ou pas. Des anciens camarades et ou amis du temps dont les relations pour certains, remontent au CNR (Conseil, national de la révolution), ne sont plus en odeur de sainteté. Et c’est tout comme si le moment des règlements de compte entre ces derniers était enfin arrivé avec la chute du pouvoir Compaoré.

« Malgré les contradictions internes actuelles, somme toute inhérente à toute évolution sociale, il nous faut nous convaincre que l’essentiel c’est de poursuivre nos efforts pour assurer le développement économique de notre pays ainsi que la répartition équitable des fruits de la croissance. Cela n’est possible que par notre engagement individuel et collectif et notre sens du bien commun, pour réaliser les aspirations profondes du peuple burkinabè », a dit le président Roch Kaboré, le 10 octobre dernier à l’ouverture du colloque international sur la relance économique organisé par « Burkina International ».

A quoi faisait-il allusion en parlant de « contradictions internes » ? Entre « peuple insurgé » et « non insurgé » ou ces propos sont-ils adressés à des gens de son propre camp, lorsque l’on sait que sur beaucoup de questions, les RSS sont loin d’accorder leur violon ? Si bien qu’on en est arrivé maintenant à classer les personnalités, comme étant l’homme d’un tel ou tel autre des principaux leaders du (Roch, Salif et Simon) et à parler de clans. Cela ne participe certainement pas de la cohésion recherchée aussi bien au niveau de l’Etat que du MPP sans doute.

Si on ajoute les nombreux dossiers pendants de crime et de sang ; les dossiers de crimes économiques devant les tribunaux et ceux récents en rapport avec l’insurrection et le coup d’Etat manqué ; on comprend que la situation est loin d’être tranquille et apaisée.

Entre pro Compaoré, pro-Zida, pro- Roch, Pro-Salif, pro-Diendéré, pro-Bassolet et quoi encore, les Burkinabè n’ont jamais été aussi près de s’étriper.

Banditisme et attaques terroristes

Les populations sont sérieusement exposées aux actes de banditisme. Les voleurs, les assassins, les violeurs et autres mauvais garçons ont pignon sur rue. Les Burkinabè ne savent plus à quel saint pour ne pas dire forces se vouer. Prises elles-mêmes, nos forces de défense et de sécurité, dans un engrenage dangereux et redoutable d’attaques terroristes.

Les autorités doivent se donner tous les moyens pour sécuriser le pays car l’insécurité c’est connu est l’ennemi de l’investissement. Il faut alors et avant tout avoir comme priorité des priorités la sécurité.

Cela passe alors par le renforcement en personnel, l’armement des forces de défense et de sécurité ainsi que des recyclages et formations périodiques. En mettant bien sûr l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, c’est-à-dire laisser les spécialistes du domaine faire le travail qu’ils connaissent et savent faire le mieux dans leur vie.

La collaboration sincère des populations qui doivent dénoncer les bandits et donner les renseignements utiles est également très attendue.

A vrai dire, le mécontentement et la grogne des populations ne font que monter. Pendant que du côté des autorités, c’était comme si on faisait la sourde oreille et qu’on ne voit rien venir. Il n’est pas jusqu’à des militants reconnus comme étant du MPP qui disent leur colère et déception.
Cette « Rochose » a intérêt à prendre rapidement fin car comme a prévenu le 4ème vice-président du MPP, Doamba Jean Marc Palm, le pouvoir Kaboré n’est pas à l’abri d’une autre insurrection.

Si cela devait arriver, il est à parier que cette dernière sera très violente et sanglante cette fois-ci. Les différents bords cités un peu plus haut, voudront pour chacun en ce qui le concerne, en découdre définitivement avec l’autre.

Blaise Compaoré aurait eu le pouvoir de remonter le temps qu’il ne commettrait certainement pas les mêmes erreurs et crimes dont est accusé son régime. Aussi, le pouvoir de Roch Kaboré dont la plupart des membres influents qui sont aussi comptables de la gestion de l’ancien régime doit avoir l’intelligence de ne pas s’autodétruire en s’amusant avec l’intelligence des Burkinabè ou en répétant les mêmes impairs.

D’où l’impérative nécessité de travailler davantage et d’arrache pieds pour le dénouement des dossiers judiciaires suite à quoi pourront intervenir une amnistie générale. Elle devra permettre au pays des « Hommes Intègres » de poursuivre sa marche sur de nouvelles bases. Avec ses fils réconciliés et regardant dans la même direction. Sinon, toute autre démarche nous parait à moyen ou long terme suicidaire pour l’unité, la cohésion et la paix sociale.

Source: LeFaso.net