Le ministre de la santé, Dr Smaila Ouédraogo, était devant les députés le 14 octobre 2016 pour répondre à une question orale sur la crise qui secoue la CAMEG depuis quelques mois. A l’occasion, il y a donné sa version des faits que le Syndicat national des pharmaciens du Burkina Faso ne semble pas du tout apprécier comme en témoigne cette déclaration où le syndicat qui l’accuse d’amalgames et de commentaires tendancieux.
Le vendredi 14 octobre 2016, le Syndicat national des pharmaciens du Burkina Faso, a suivi avec beaucoup d’intérêt l’intervention de Monsieur le ministre de la santé, le Dr. Smaila OUEDRAOGO à l’Assemblée Nationale.
Cet exercice de communication politique ne nous aurait guère intéressés outre mesure s’il n’avait été entaché d’amalgames et de commentaires tendant au-delà du dossier CAMEG, à saper les principes même universels de la profession pharmaceutique et qui nous interpellent directement.
Il nous est apparu utile, et même important d’apporter des éléments d’éclaircissement à l’opinion publique.
1) S’agissant du point de vue du syndicat des pharmaciens sur le statut de la CAMEG
Monsieur le ministre a laissé entendre que la position du syndicat des pharmaciens n’est pas claire par rapport au statut de la CAMEG alors que celle du syndicat des médecins et du SYNTSHA a été bien énoncée : « le SYNTSHA et le Syndicat des médecins veulent que la CAMEG soit transformée en société d’Etat ».
A la date du 19 Juillet 2016 nous avons rencontré le Ministre sur la situation qui prévaut à la CAMEG, rencontre au cours de laquelle nous avons insisté sur les conséquences que pourrait engendrer la perturbation de la CAMEG sur le système d’approvisionnement pharmaceutique.
De plus, par écrit publié dans les presses (in Le pays N°6172 P.7 du 30 Aout 2016 et lefaso.net du 30 Aout 2016) nous avons donné notre position sur la même question.
Nous sommes donc étonnés que Monsieur le Ministre de la santé dise ignorer la position du syndicat qui est pourtant très claire : éviter les interférences politiques dans une structure qui a fait preuve d’efficacité dans l’approvisionnement du pays en médicaments génériques et consommables médicaux depuis plus d’une vingtaine d’année.
Parmi les entités citées par le ministre, nous sommes à mesure de dire sans risque de nous tromper que le syndicat des pharmaciens est le mieux placé pour se prononcer sur les questions liées au système pharmaceutique en connaissance de cause.
Le 10 octobre 2016 nous avons reçu un courrier du secrétaire général du ministère de la santé nous informant de la mise en place d’une commission de réflexion sur les statuts de la CAMEG conformément à l’arrêté N°2016-461/MS/CAB du 7 octobre 2016. Le courrier nous invitait par la même occasion à prendre part à une réunion de cadrage le lendemain 11 Octobre 2016.
Au cours de cette réunion, nous avons posé le problème de la légalité de ladite commission étant donné que des procédures judiciaires sont en cours. De plus, la CAMEG étant une association et disposant de textes qui précisent les conditions de relecture de ses statuts nous souhaitons que toute révision des statuts se fasse dans le respect de ces textes afin de ne pas nous entrainer à nouveau dans une cabale judiciaire.
Nous avons également posé la question de savoir en quoi les statuts actuels posent problème dans l’approvisionnement des structures sanitaires publiques comme le stipule l’article 6 de l’arrêté N°2016-461/MS/CAB du 7 octobre 2016.
Les réponses à ces questions sont à notre sens, fondamentales pour l’issue des travaux de cette commission.
Le ministre de la santé affirme que les pères fondateurs de la CAMEG, sont d’accord pour qu’il opère les changements qu’il souhaite au niveau de la CAMEG, si tel est le cas, la question ne se poserait plus, au regard des dispositions règlementaires prévues dans textes de la CAMEG.
Les statuts ont fait l’objet d’une relecture en 2015 et proposés pour adoption au ministre par les mêmes pères fondateurs et l’ensemble des acteurs composant cette nouvelle commission. Nous serions étonnés que les positions aient variées entre 2015 et 2016. C’est peut-être en prévision de cela que la composition de la commission constituée par le ministre de la santé a une coloration équivoque et que le mode de prise de décision se fait par élection à la majorité absolue des membres « Article 9 l’arrêté N°2016-461/MS/CAB du 7 octobre 2016 ».
Selon le Ministre de la santé, il y aurait des problèmes de gestion à la CAMEG ; déclaration faite avant même les résultats de l’audit en cours, conduite par l’ASCE-LC (Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption). Le syndicat des pharmaciens pour sa part attend les résultats de l’audit qui permettront de nous éclairer et situer les responsabilités. Du reste, si le Ministre a des preuves de mauvaise gestion, il devrait en tant qu’autorité saisir les juridictions compétentes.
La préoccupation du syndicat des pharmaciens est très claire : la disponibilité des médicaments de qualité et à coût accessible pour les populations. Les querelles de chiffonniers pour le contrôle de la structure ne nous intéressent guère. La CAMEG est une association, elle peut modifier ses statuts dans le respect de ses textes et des dispositions réglementaires du secteur pharmaceutique et nous souhaitons qu’elles soient respectées.
Le rôle de la CAMEG dans le système de santé du Burkina n’est plus à démontrer. Il était clair que des perturbations de son fonctionnement perturberaient tout le système d’approvisionnement. L’appel à la rescousse du secteur privé qui n’y était pas préparé en est la preuve. Si on y prend garde nous irons vers des situations très dommageables.
Le syndicat des pharmaciens n’arrive pas à appréhender les agissements du ministre de la santé qui sont très souvent contradictoires. En effet, pendant que le ministre trouve que le statut d’association n’est pas approprié pour la structure, il se fait délivrer un récépissé d’une association nommée « CAMEG ». Ce récépissé a fait l’objet d’une action en justice. Maintenant, il propose la transformation en société d’état alors que toutes les autres centrales d’achat qui ont évolué sous ce statut de société d’état ont échoué. Et pendant que le succès de la CAMEG en tant qu’association inspire plus d’un, le Burkina décide de faire machine arrière. Nous ne pouvons donc pas suivre le ministre dans une démarche hasardeuse.
Du reste, le syndicat des pharmaciens se donne le temps de murir ses réflexions à partir d’éléments fondés. Les éléments d’analyse dont nous disposons nous oblige à ne pas traiter avec légèreté cette question et nous suggérons au ministre de la santé d’en faire autant.
2) S’agissant de la cohabitation dépôts de médicaments – officines privées
Dans ses propos, le Dr. Smaila OUEDRAOGO dit « ne pas comprendre pourquoi un dépôt ne peut pas cohabiter avec une officine alors qu’une officine peut cohabiter avec une autre » et il « entend chasser des lièvres ». Ainsi donc, le Ministre de la santé ne sait pas faire la différence entre une officine pharmaceutique et un dépôt privé de médicaments. A l’occasion, il lui faudra d’ailleurs nous dire qui est le lièvre. Nous profitons de l’occasion pour exprimer toute notre indignation face à la teneur du langage utilisé lors de cette session par l’emploi de certains mots qui ne sont pas dignes d’une autorité s’exprimant devant une assemblée aussi illustre qu’est la représentation nationale.
Si le Ministre de la santé qui est le premier responsable du département de la santé ignore la place et le rôle du PHARMACIEN dans le système de santé à même de mettre au même niveau l’ordre national des pharmaciens et le groupement des gérants de dépôts, la Directrice générale de la pharmacie, du médicament et des laboratoires se doit de lui montrer la différence.
Le code de santé publique en son article 235 a prévu une dérogation pour des non pharmaciens leur permettant de vendre certains médicaments conditionnés et objets de pansement. De même, les articles 236, 237 et 238 fixent les conditions d’exploitation des dépôts tout en précisant les localités concernées que sont les zones rurales et semi urbaines abritant une formation sanitaire.
Les textes sont d’autant plus clairs pour que cette question fasse toujours l’objet de débats passionnés.
Les statistiques sur la démographie pharmaceutique, plus de 300 établissements pharmaceutiques (Officines pharmaceutiques, grossistes-répartiteurs, laboratoires d’analyse, unité de production…) répartis sur toute l’étendue du territoire avec plusieurs milliers d’emplois directs devraient édifier Monsieur le ministre de la santé et il devrait mieux les analyser. L’apport du secteur pharmaceutique aussi bien sur le plan sanitaire que économique est très important et nos gouvernants devraient en féliciter les acteurs.
Dr Smaila OUEDRAOGO et son staff semblent avoir des comptes à régler avec la profession pharmaceutique, ils en ont fait une hantise. Le syndicat des pharmaciens prend acte de ce que le Ministre de la santé semble vouloir comme interlocuteurs désormais, pour les questions de médicaments, le groupement des gérants de dépôts.
Le dysfonctionnement des hôpitaux qui peinent à satisfaire la population, la persistance des maladies endémiques, la précarité dans la laquelle se trouve les agents de santé etc, sont des problèmes plus importants pour lesquels le ministre devrait concentrer plus d’énergie au lieu de vouloir déstructurer un système qui est une référence dans la sous-région et dont les règles sont claires.
Le syndicat des pharmaciens prend à témoin l’opinion publique sur les conséquences sanitaires que pourraient avoir les prises de décision hasardeuses du Ministre de la santé.
Nous réaffirmons notre engagement à nous battre pour éviter la déstructuration du système pharmaceutique, toute chose qui serait préjudiciable aux populations.
Nous osons espérer qu’il s’agit là d’un emballement verbal devant la représentation nationale et pas l’annonce d’un agenda lugubre ! Auquel cas, nous réagirons avec la plus grande fermeté en son temps.
Fait à Ouagadougou le 15 Octobre 2016
Le président du syndicat,
DR. TIENDREBEOGO W. AYMAR
Source: LeFaso.net
Commentaires récents