Le Burkina Faso, ma patrie traverse une phase critique de son histoire. Les tragédies d’ordre sécuritaire de par leur nature ébranlent ses fondations. Heureusement, en visitant l’histoire des civilisations et des peuples, l’on se rend compte que notre pays n’est pas le seul à être confronté à de telles épreuves. D’autres civilisations avant nous ont vécu des moments plus difficiles mais, ont su et pu trouver les ressources morales, psychologiques, culturelles, intellectuelles, etc. pour sauver leur âme existentielle. Avons-nous les ressorts nécessaires pour résister à la zone de turbulence que notre mère patrie traverse ?
Je voudrais paraphraser un grand homme burkinabè qui disait que « les tragédies des peuples révèlent les grands Hommes mais que ce sont les médiocres qui provoquent ces tragedies ».
Notre pays est à la croisée des chemins et aura besoin de grands hommes ; (soit dit en passant, je suis inspiré dans mes engagements politiques et sociaux par ce grand homme que la tragédie du 15 Octobre 1987 continue de révéler : Thomas SANKARA.)
Les tragédies et autres épreuves que nous connaissons actuellement, en tant que pays, exigent que les élites politiques, économiques, religieuses, coutumières, militaires, de la société civile fassent preuve de rédemption. Mais les élites politiques en premier.
En effet, le prototype du politicien et de la politicienne burkinabè est le même, quel que soit le parti, le regroupement, l’association : ils sont tous culturellement, politiquement et idéologiquement aliénés a des modèles exogènes, euphoriques des rêves des autres, peu enclins de rêver par eux-mêmes et pour leur patrie.
Nous ne sommes pas seulement que des consommateurs de produits exogènes ; nous sommes surtout des consommateurs d’idées, de pensées exogènes. Et aussi longtemps que cette tendance ne sera pas inversée, la classe politique échouera dans ses missions.
Les aspirations de notre peuple ne sont pas que matérielles ; elles sont aussi profondément immatérielles et spirituelles. Le burkinabè et le rêve burkinabè sont les infrastructures prioritaires à réaliser. Les cultes de célébration autour des réalisations matérielles, des comptabilités matières contenues dans les programmes et projets de la classe politique, ne doivent pas constituer l’étalon de mesure de la réussite d’une gouvernance politique.
L’absence d’un rêve burkinabè constitue de nos jours la mère des faillites de la classe politique et des élites gouvernantes. Pourtant, il n’est pas tard avant qu’il ne soit trop tard pour cette classe politique aux affaires depuis plus de 35 ans, de procéder impérativement à une rédemption.
On ne peut pas continuer à être à la merci des rêves des autres, qu’ils soient Américains, Albanais, Français, Chinois, Orientaux, Occidentaux et espérer une quelconque transformation, même superficielle, de nos sociétés.
En cette période de tragédie, le niveau de bas étage du débat national, les comportements et pratiques des acteurs politiques mettent davantage le pays en danger. Le destin de notre peuple se joue en ces moments critiques de guerre contre la patrie, et exige une autre culture politique, une offre politique nouvelle ainsi qu’une nouvelle éthique politique.
Nous pouvons continuer à applaudir et à crier nos soutiens à nos leaders politiques, toutes tendances confondues. Mais la réalité du terrain est là, criarde, têtue : très peu d’eux ont démontré une capacité intellectuelle, morale et culturelle à être de grands hommes, de grandes dames à même de construire un mouvement politique crédible, avec une offre idéologique socialement endogène et viable de rupture, porteuse de changements.
Ceux qui ne sont pas en mesure de construire un mouvement politique supposément être idéologiquement homogène seront difficilement capable de construire une patrie supposément être idéologiquement diverse.
La gauche burkinabè en particulier, les hommes et les femmes de gauche, auto-proclamés « dernier rempart de sauvetage du pays », s’illustrent particulièrement depuis au moins 40 ans par leur intelligence de fragmentation, de décomposition et de dégénérescence en opportunistes mercantiles et parasitaires.
En ces graves heures, en ces moments de guerre, nous nous devons tous des efforts d’introspection, de rétrospection et de prospection, pour éviter d’ajouter de la comédie à la tragédie.
Nos envolées lyriques inutilement compétitives à qui mieux mieux de soutien à nos Forces de défense et de sécurité (FDS) me paraissent alors inutiles. La patrie a simplement besoin que tous ses fils et toutes ses filles deviennent des FDS. Aucune monnaie de singe ne pourra payer les sacrifices des vaillants soldats pour que nous puissions poursuivre nos infestes querelles politiciennes et autres apparitions folkloriques de distribution de vivres, d’inauguration de forages, latrines, de Maracaña, etc. Le pays est en posture de guerre. Il est donc temps que nous nous mettions aussi en posture de guerre, sur toutes les lignes, car toutes les lignes sont des lignes de front. Chacun a son poste de combat.
Sommes-nous vraiment fiers en tant que classe politique, d’appeler à des collectes de fonds pour soutenir l’effort de guerre ?
Devrions-nous vraiment en tant que classe politique, être fières de mesurer la bonne gestion de cette guerre par les milliers de terroristes suspects aux arrêts ?
L’incapacité de la classe politique à définir correctement cette guerre et à communiquer au peuple les graves enjeux qui en résultent, expliquent ces propos, propositions et actes de démission et de culpabilité.
Si ceux qui ont assumé la gouvernance du pays pendant plus de 30 ans sont réduits à appeler à des collectes de fonds pour notre armée, n’y a-t-il pas là au fond un aveu d’échec, de faillite et de disqualification de ces hommes politiques ?
Si le Burkina compte aujourd’hui des milliers de suspects terroristes (encore faut-il que cette guerre soit d’ordre terroriste), n’y a-t-il pas au fond un aveu de démission culturelle, idéologique, sociale ? N’avions-nous pas échoué à construire un patriotisme burkinabè ? Et le patriote burkinabè ?
Sommes-nous en guerre pour la patrie et en ordre de bataille pour la gagner quand l’intérêt du moment de la classe politique et des élites se conjugue en termes de passage à une Ve république qui du reste, n’est fondamentalement pas une rupture d’avec toutes les précédentes ?
Sommes-nous vraiment en ordre de bataille pour la patrie quand les différents états-majors politiques sont préoccupés à orchestrer sans vergogne des entrées politiques inutilement compétitives, antagonistes (marches, meetings, assemblées) sous couvert de slogans patriotiques ?
L’année prochaine, en 2019, le Burkina Faso aura « 100 ans, un siècle » ; un rendez-vous historique lourd de signification, de responsabilité et de redevabilité, de surpassement ; dans la rédemption, penchons-nous sur notre identité, notre âme existentielle ; si referendum il devrait y avoir en 2019, ce devrait être celui de « notre autodénomination » ; savoir reconsidérer et se reconsidérer en temps d’épreuve est le propre des grands Hommes.
Un siècle, n’est pas un jour ; l’illustre historien Ki-Zerbo disait « on ne développe pas, on se développe » ; aux générations présentes et aux élites gouvernantes actuelles, de se développer et d’être au diapason de l’histoire.
Jeunes et vieux de tout bord politique, de toute obédience sociale, religieuse, intellectuelle, qu’en ces moments de croisée de chemins, vous ne soyez pas les médiocres qui provoquent les tragédies mais plutôt les grands Hommes que la tragédie du moment révèlera.
Pour la patrie, ensemble, allons à la Rédemption. Il faut penser le Burkina autrement par une rupture radicale dans nos pratiques, nos postures, nos paradigmes.
Dr Guy Yogo
yemdaogo1@yahoo.com
Source: LeFaso.net
Commentaires récents