Suspendu le 28 juillet dernier, le procès du putsch a repris ce 16 août 2018, à Ouagadougou. C’est le soldat de première classe Sidiki Ouattara qui est resté toute la journée à la barre, pour répondre des quatre chefs d’accusation qui pèsent sur lui. Il a tout nié. C’est en langue dioula que l’accusé s’est défendu, avec des tournures et répliques qui ont souvent provoqué l’hilarité dans la salle d’audience.
Après un répit de quelques jours, le tribunal, la défense, la partie civile, les accusés et le public ont repris le chemin de la salle des Banquets de Ouaga 2000, pour le procès du coup d’État de septembre 2015.
A 9h07, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, s’installe dans son fauteuil et procède à la vérification des présences. Rien à se mettre sous la dent jusque-là, sauf que l’on apprend au fil de la longue lecture que l’ancien bâtonnier, Mamadou Traoré, inculpé dans le cadre du coup d’Etat, a vu sa défense se renforcer. Son homologue Patrice Monthé, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun, s’est constitué avocat pour la défense des intérêts de Me Traoré.
Un interprète pour Sidiki Ouatarra
Le soldat de 1re classe Sidiki Ouatarra est appelé à la barre pour répondre de quatre chefs d’accusation. Entre autres, complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtres, dégradation de biens. Pour la première fois depuis le début du procès, le jeune soldat né en 1993 demande un interprète, parce qu’il ne parle pas français. C’est un gendarme qui est sollicité pour cette tâche.
Dans la langue dioula, le soldat de deuxième classe à l’époque du coup d’Etat rectifie qu’il est maintenant soldat de première classe. Egalement sans enfant en septembre 2015, il aujourd’hui père d’un enfant, même s’il est toujours célibataire.
Pour ce qui est des chefs d’accusation, l’accusé ne s’y reconnaît pas. Seulement, Sidiki Ouattara admet avoir été embarqué dans un véhicule pour « une corvée », le 17 septembre 2015. Ladite corvée s’est effectuée à la radio Savane FM (il ne l’a su qu’à la gendarmerie). Il précise qu’il était assis derrière un pick-up, avec son arme, et une fois arrivé sur les lieux, c’est le sergent Djerma qui lui a donné l’ordre de venir prendre du matériel pour mettre dans le véhicule. Il s’est exécuté.
Mieux, le commando à la barre déclare que durant tout ce temps, il ne savait pas qu’un coup d’Etat était perpétré. Il ne l’a su qu’à son arrestation le 29 septembre 2015 par la gendarmerie. D’ailleurs, explique-t-il, la politique n’est pas sa tasse de thé. « Mon papa n’a pas fait la politique, ma maman non plus, et moi-même je ne m’y intéresse pas ! », martèle-t-il.
Pour le reste, à en croire le soldat, il est blanc comme neige. « Mais pourquoi être resté au camp Naaba-Koom 2, pour ne le quitter que le 29 septembre ? », demandent les avocats de la partie civile. Selon les dires de l’accusé, c’est son oncle qui l’a appelé pour lui dire que le camp sera bombardé ; raison pour laquelle il a quitté les lieux. « Comment un civil peut-il appeler un militaire pour lui dire de quitter sa position ? », réplique Me Prosper Farama de la partie civile. L’accusé est resté de marbre.
« Le gendarme n’a pas peur de Dieu »
Niant tour à tour les chefs d’accusation, avec un verbe souvent violent, le parquet finit par lire certaines des déclarations que l’accusé aurait tenues devant les gendarmes, lors des interrogatoires. Sidiki Ouattara aurait ainsi affirmé avoir entendu dire que le général Gilbert Diendéré avait promis cinq parcelles aux militaires qui l’accompagneraient dans l’aventure du coup d’Etat. « Les gendarmes n’ont pas peur de Dieu ; je n’ai jamais dit ça ! », lance-t-il en dioula. « Gendarme sabari », renchérit-il, arrachant une fois de plus des rires dans la salle.
L’homme à la barre soutient que le gendarme a « gnagami » (mélangé) ses propos. « Je me suis exprimé en dioula ; les gendarmes posent leurs questions et répondent eux-mêmes pour enfin m’attribuer ce que je n’ai pas dit », se défend Sidiki Ouattara.
Le parquet poursuit toutefois avec les procès-verbaux des interrogatoires à la gendarmerie. Il révèle que l’accusé a affirmé, devant les pandores, que le général Diendéré avait promis cinq millions à chacun des militaires pour combattre l’armée loyaliste qui se préparait à attaquer le camp.
Trois millions avant le combat, les deux autres une fois les hostilités terminées. « Pure invention des gendarmes ! », semble répondre l’accusé, qui ne se reconnaît pas une fois de plus dans le contenu des procès-verbaux. Son avocat, Me Alexandre Daboné, intervient pour rappeler que son client est analphabète, ne parle pas français, et n’a pas eu droit à un interprète à la gendarmerie. Il suggère donc au président de ne retenir que ce qu’il déclare à la barre.
Les avocats de la partie civile, notamment Me Prosper Farama et le parquet, ont regretté la théâtralisation du procès par le soldat Sidiki Ouattara.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
Commentaires récents