En matière pénale, chacun répond de ces actes, chacun porte sa croix. Le refrain est le même depuis le début des interrogatoires des accusés du putsch de septembre, aussi bien du côté du Parquet militaire, des avocats des parties civiles que de la Défense. A l’audience de ce samedi 21 juillet 2018, l’Adjudant Ardjouma Kambou, neveu de l’épouse du président Michel Kafando, a relaté avec un ton énergique ce qu’il a vécu. Sa part de vérité.
En 2015, au moment du putsch, il était Sergent-chef au sein du Régiment de Sécurité présidentielle (RSP). Mais depuis la dissolution du corps et son affectation au Groupement du Commandement d’Appui et de Soutien, Ardjouma Kambou est monté en grade. C’est avec ses galons d’Adjudant qu’il s’est présenté à la barre pour répondre des chefs d’accusation retenus contre lui et qu’il a réfutés : complicité d’attentat à la sûreté d’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires. Tout comme son prédécesseur, le Sergent-chef Mahamado Bouda qui a glané des points auprès de Me Prosper Farama pour l’apparente sincérité et la spontanéité dans la narration des faits, l’Adjudant Kambou a été constant dans ses déclarations, selon le Parquet militaire.
Ma tante est l’épouse du Président Kafando
C’est dans un grin de thé au quartier Ouidi, loin de Kosyam, que le sous-officier (Sergent-chef au moment des faits) a appris à la radio, puis d’un ami gendarme, l’arrestation du Premier ministre Yacouba Isaac Zida, des ministre René Bagoro et Augustin Loada et du Président de la Transition, Michel Kafando, son oncle par alliance (l’époux de sa tante). C’était le 16 septembre. Plutôt que d’attendre le lendemain pour se rendre à la présidence, jour de sa garde, il court chez lui enfiler sa tenue sous le regard impuissant de son épouse qui ne comprend pas cet entêtement à se rendre au boulot « Un : je suis militaire, et tout ce qui se passe dans mon service me concerne. Deux : Ma tante est l’épouse du Président Kafando », se justifie-t-il avant d’y aller.
Au palais avec le petit déjeuner
- Michel Kafando, président de la Transition
Dans la journée du 17 septembre, le Sergent-chef déclare s’être rendu au domicile du président Michel Kafando, à l’appel de son épouse qui voulait apporter le petit déjeuner à son époux. Ils reviendront au palais avec la Sergente Mariam Koné, de la garde rapprochée de Mme Kafando. « A notre retour le Major Badiel m’a dit de rejoindre mon poste. Et je lui ai demandé qui allait ramener ma tante. Il m’a répondu que ce n’était pas mon problème », a déclaré celui qui avait 24h plutôt fait partie de l’escorte du Général Diendéré pour la première fois de sa carrière.
« Je refuse un ordre quand il est illégal »
- A l’ouverture de l’audience le 27 février
Entre le Sergent-chef Ardjouma Kambou et l’Adjudant-chef Moussa Nébié dit « Rambo », il y avait de la méfiance, à en croire les déclarations du premier. Alors que le Général Diendéré était chez le Mogho Naaba, un soldat du nom de Sow Léonce aurait confié au Sergent-chef qu’il voulait rester sur les lieux et ne plus faire partie du cortège. Il aurait pressenti le danger après que « Rambo » l’eut soufflé de mettre Kambou devant le cortège afin de garder un œil sur lui.
Alors que le cortège s’ébranlait vers l’hôtel Laico, Ardjouma Kambou décide de couper igname avec le groupe en quittant à son tour le cortège. Ce qui lui vaudra des remontrances par la suite de la part de l’Adjudant-chef Nébié. « Moi, j’exécute un ordre que quand il est légal. Je le refuse quand il est illégal. Ça n’engage que moi, parce qu’ici chacun porte sa croix », s’est-il défendu avant de confier qu’il n’appréciait guère le comportement de « Rambo ». « Quand on me dit ‘’Descends, Tu étais où ? » devant mes subordonnés, ça me fait mal », a-t-il confié.
« Mon client ne devrait pas être ici »
- Me Idrissa Badini, avocat de l’Adjudant Ardjouma Kambou
« Etes-vous d’accord que vous avez aidé le Coup d’Etat notamment en escortant le Général Diendéré » ? A cette question du Parquet militaire, l’accusé répondra « Le Général est mon chef militaire. Le président Kafando est mon ‘’beau ». J’étais entre le marteau et l’enclume ». Me Idrissa Badini fera observer que son client n’avait rien à gagner mais avait tout à perdre dans les événements « Son ‘’beau » ne serait plus aux affaires et sa tante ne serait plus Première Dame…l’audition de mon client montre que certains ont été embarqués sans connaitre les tenants et les aboutissants de l’affaire. L’Adjudant Kambou ne devrait pas être ici ».
Appel à l’union sacrée
A la fin de son audition, l’Adjudant Kambou Ardjouma a présenté ses condoléances aux familles des victimes et souhaité prompt rétablissement aux blessés. Aux civils, il a lancé un appel à l’union sacrée autour de l’Armée pour bouter les terroristes hors du Burkina Faso. « Je prie Dieu pour que cette situation que nous avons connu ne se produise plus dans notre pays », a-t-il conclu avant de rejoindre le box des accusés.
« L’orphelin » veut un autre bouclier
Avant la suspension de l’audience pour une reprise le lundi 23 juillet, le président du Tribunal a appelé à la barre le soldat de 2e Classe, Soulama Seydou. Pas pour qu’il soit auditionné mais pour lui demander d’adresser sa correspondance de remplacement d’avocat au Bâtonnier et pas à la Chambre de première Instance du tribunal militaire (qui ne doit qu’en être ampliataire. L’on se souvient que lors de l’audition de l’accusé, son conseil Mahamadi Sawadogo était resté passif face au tribunal se contentant de répondre au président « A ce stade, je n’ai rien à dire ».
Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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