Le procès du « lanceur d’alerte », Naïm Touré, s’est ouvert ce mercredi 27 juin 2018 au Palais de justice de Ouagadougou. Durant cinq heures, la partie civile et la défense ont débattu sur les chefs d’accusation qui, jusqu’à présent, manquent de preuves, selon les avocats de l’accusé. Le délibéré de ce procès est prévu pour le mardi 3 juillet 2018.

Déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) après sa garde à vue au lendemain de sa publication sur sa page Facebook (le 13 juin 2018), le « lanceur d’alerte » Naïm Touré a été présenté au tribunal du parquet dans la matinée du mercredi 27 juin 2018. Il est accusé de participation à une entreprise de démoralisation des forces armées, proposition non-agréée de complot contre la sûreté de l’État et incitation à troubles à l’ordre public.

Après cinq heures de débat, le tribunal a renvoyé le délibéré au mardi 3 juillet 2018. En effet, le parquet a jugé l’accusé coupable et requiert douze mois d’emprisonnement ferme.

Une décision que la défense a rejetée en bloc en relevant un vide juridique. Selon l’un des avocats de la défense, Me Batibié Benao, il n’y a aucun texte à ce jour au Burkina Faso qui définit les mots « activiste » et « lanceur d’alerte ». C’est pourquoi il a demandé au tribunal de juger son client en tant que simple citoyen burkinabè qui a fait une publication sur sa page Facebook.

Aussi, la défense a demandé la relaxation pure et simple de l’accusé, car le tribunal n’arrive pas à démontrer les trois chefs d’accusation retenus contre leur client. « L’émotion ne doit pas l’emporter sur la raison », a suggéré Me Batibié Benao, avant de préciser qu’il n’y a pas d’infraction.

Un procès historique

Me Batibié Bénao un des avocats de Naim Touré

« Le procès de ce matin n’est pas seulement celui de Naïm Touré, mais celui de la liberté d’expression burkinabè », a déclaré l’avocat de la défense Me Prosper Farama, au moment de la plaidoirie. Et d’ajouter que « Naïm Touré vient d’écrire le début de l’histoire dont la conclusion revient au tribunal ».

Un autre aspect qui a marqué ce procès, c’est l’attitude du procureur dénoncé par la défense. « Le procureur est venu faire part de ses sentiments lorsqu’il lit la publication. Ce ne sont pas ses sentiments qui nous intéressent. La sécurité juridique même dans un État de droit veut que ce ne soit pas sur la base des sentiments des uns et des autres qu’on puisse poursuivre un citoyen et espérer le condamner en l’état », a indiqué Me Benao.

Réactions de l’accusé


« Monsieur Naïm Abousaïde Touré, reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ? » ; « Non, monsieur le président du tribunal », a-t-il répondu.

Cette réponse de l’accusé a ouvert le bal des hostilités. Le président du tribunal a lu la publication de Naïm Touré faite le 13 juin dernier, afin de planter à nouveau le décor. Il repose la même question et l’accusé lui donne la même réponse. Cependant, le président a demandé à l’accusé s’il comprend au moins les faits dont il s’agit et s’il est l’auteur de ladite publication. À cette question, il a répondu par l’affirmative.

Mais pourquoi ne pas reconnaître les faits reprochés ? Voilà la question qui a permis à l’accusé de justifier le contexte de sa publication.

À en croire Naïm Touré, tout était parti de l’article du quotidien d’État Sidwaya dans sa rubrique « Kantigui », paru le mardi 12 juin 2018. « C’était dans l’intention d’informer l’opinion et de critiquer la lenteur du gouvernement à faire soigner les forces de défense et de sécurité », a-t-il justifié. Et de préciser qu’il « les invite à souvent s’exprimer lorsqu’il y a un problème ».

Après la plaidoirie des avocats, lorsque le tribunal lui avait demandé s’il avait quelque chose à dire pour sa défense, l’accusé a insisté sur le fait que c’est une opinion qu’il a partagée. « En aucun moment, je n’ai incité les forces de l’ordre à commettre l’irréparable », a-t-il conclu.

Cryspin Masneang Laoundiki

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Source: LeFaso.net