Sauf « cas de force majeure », est-on tenté de conclure, après cette interview-bilan du président du Faso, dans la nuit de dimanche 24 juin 2018, la décision du vote des Burkinabè de la diaspora est irréversible.

C’est un engagement pris lors de sa campagne et maintes fois réitéré… La question du vote des Burkinabè de l’étranger, faut-il le dire, n’est pas un débat qui date d’hier ; il l’est depuis plusieurs années maintenant. Attendu en vain sous le régime Compaoré, ce droit de vote du compatriote de l’étranger a été également mis en sursis sous la Transition, de consensus avec l’ensemble des acteurs politiques.

Au-delà du contexte, le Premier ministre d’alors, Isaac Yacouba Zida, avait invité à une réflexion approfondie sur cette question aux enjeux multiples… Le 7 juin 2015, à Abidjan, et en marge d’une visite d’amitié en Côte d’Ivoire, le Premier ministre avait ensuite eu des échanges sur ce sujet avec des représentants de la communauté burkinabè vivant dans ce pays. « Nous ne pouvons pas ignorer les Burkinabè de l’extérieur », avait-il rassuré avant de soulever : « S’il y a une chose que je regrette, c’est la politisation de la diaspora. Les partis politiques ne doivent pas diviser nos ressortissants à l’étranger sur la base de considération partisane ».

Cette réaction était d’autant justifiée que, quelques mois avant, précisément en mars 2015, son ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, Auguste Denise Barry, qui était engagé dans une tournée d’explication du report du vote des Burkinabè de la diaspora, tournée qui l’a conduit au Ghana, au Mali, au Gabon et en Côte d’Ivoire, avait essuyé un incident à la dernière étape citée (les propos du ministre sur le motif du report avaient suscité indignation au sein des participants : le ministre avait expliqué que la Transition a trouvé une dette de 400 milliards de F CFA et qu’avec cette ardoise, l’Etat doit à la fois faire face aux urgences et offrir des élections transparentes).

L’arrivée au pouvoir du régime Kaboré, dans cette « soif » du Burkinabè de l’extérieur de jouir de son droit de vote, laisse-t-elle le choix ?

En tous les cas, le constat est que de nombreux acteurs politiques et civils ne manquent d’occasions pour rappeler que le vote des Burkinabè de l’étranger à partir de 2020 « n’est pas négociable ». Le président du Faso, lui aussi… Il ne manque pas non plus d’occasion pour couper court : « Le vote des Burkinabè de l’étranger aura bel et bien lieu ». Un engagement « ferme » qu’il a réitéré, il y a quelques heures.

On se souvient que, pour sa première visite en terre ivoirienne, dans le cadre du Ve Traité d’amitié et de coopération (TAC V), Roch Kaboré y a marqué un point important auprès de la diaspora burkinabè, dont la Côte d’Ivoire compte un nombre majeur. Un engagement qui a été bien accueilli par les ressortissants burkinabè qui se battent pour exercer ce droit citoyen.

En juin 2017, à Ouagadougou, lors de la deuxième session du Cadre de concertation et de dialogue entre l’Etat et les Organisations de la société civile (OSC) sur la contribution des OSC à la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social (PNDES), le président avait déclaré, l’air visiblement agacé par la question : « C’est un engagement. Je dis, en 2020, les Burkinabè de l’étranger voteront. C’est sans débats ».

L’éclatement, en janvier 2018, du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Burkinabè de l’Extérieur en ministère des Affaires étrangères et de la Coopération et en ministère de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur, se présente également aux yeux de certains comme un début d’opérationnalisation de cette ambition politique.

Et le séjour ivoirien du ministre du dernier département cité, Paul Robert Tiendrébeogo, du 31 mai au 5 juin 2018, à la rencontre de ses compatriotes vivant dans les juridictions consulaires de Soubré, Bouaké et Abidjan peut bien témoigner de cette volonté. Il l’a, du reste, réaffirmé lors d’un entretien accordé à radio Burkina, le week-end écoulé.

On peut donc dire que les hostilités sont ouvertes et qu’il appartient désormais à l’ensemble des acteurs (politiques, société civile, Commission électorale nationale indépendante, représentations diplomatiques, organisations de la diaspora…) de s’investir pour ne pas que la montagne accouche d’une souris. Une chose étant de rendre effectif ce vote, une autre de surtout le réussir.

Sans que cela ne vienne ajouter un problème à des préoccupations. C’est ce à quoi le Premier ministre Zida avait invité en termes voilés : « mal géré, le vote de la diaspora burkinabè peut créer des situations qui ne rendront service ni aux compatriotes dans leur pays d’accueil ni à l’Etat burkinabè ».

Dans cet esprit, le Forum national de la diaspora, prévu du 11 au 13 juillet 2018 à Ouagadougou, devra être mis à profit pour baliser le terrain aux fins de parvenir au résultat attendu de tous.

Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net