La commune urbaine de Fada N’Gourma a organisé une caravane de presse dans les villages de Namoungou et Potiamanga, localités situées à une quarantaine de kilomètres de Fada, le dimanche 17 juin 2018. L’objectif de cette caravane de presse était de faire des journalistes, des témoins de l’occupation illégale des zones de pâturage par des agriculteurs dans lesdits villages.

La zone inter-villageoise des aires de pâturage, regroupant les villages de Namoungou, Bandingui, Momba et les hameaux de culture, a été créée avec l’accord du conseil municipal lors de sa session ordinaire des 12 et 13 décembre 2007. La délimitation de la zone a été effectuée. Aussi, une autre zone qui regroupe les villages de Potiamanga, Bougui, Gbersaga et Momba, a été créée le 10 juillet 2010.

Depuis leur création, ces zones sont occupées par les agriculteurs au détriment des éleveurs. Afin d’appliquer la loi, des rencontres, des séances de sensibilisation et des visites-terrain ont été organisées. Le dimanche 17 juin 2018, la commune urbaine de Fada N’Gourma a initié une caravane de presse pour permettre aux hommes de médias de toucher du doigt la réalité du terrain.


La première destination des caravaniers a été le domicile du chef coutumier du village de Potiamaga, OndanaYemboaro, afin de comprendre pourquoi après tant de sensibilisations, certains font la sourde oreille. À l’entendre, seule l’administration pourra maintenant trancher car tous ceux qui y étaient ont accepté de quitter les lieux, sauf l’un d’entre eux qui tient toujours tête, malgré les conseils et sensibilisations qu’il a reçus.

La caravane a continué dans le village de Momba où les journalistes ont été reçus par le patriarche Lamoudi Ouoba. Compte tenu de l’âge, il a cédé la parole à Yentema Ouoba, ancien conseiller municipal. Selon les villageois, la période de sensibilisation est passée et ils disent se référer maintenant aux décisions administratives qui viendront.

Les villageois estiment avoir tenu plusieurs rencontres avec les frondeurs qui ne veulent pas libérer les zones, mais en vain. Ils ont expliqué que les frondeurs ont un leader qui les encourage à rester parce qu’ils auraient l’intention de vouloir créer leur propre village administratif. « Ces mêmes frondeurs sont venus dire que c’est nous qui incitons l’administration à venir les déguerpir. Pire, ils ont même menacé de s’en prendre à nous si nous interférons encore », a confié Yentema Ouoba.


Après ces deux villages, les caravaniers ont rendu visite à une partie des populations qui ont libéré volontairement les zones de pâture après les rencontres de sensibilisation dans le village de Bougui. L’un d’eux, Koadima Noaga, a témoigné que c’est après l’envahissement des champs par les eaux de pluie qu’il a intégré la zone de pâture mais après les sensibilisations, il a préféré quitter ladite zone pour une autre. Seulement, il a soutenu qu’il a laissé l’un de ses fils sur les lieux pour avoir un œil regardant et que le jour où les autres libéreront définitivement la zone, son fils le rejoindra sur son nouveau site.


Du village de Bougui, les hommes de médias ont visité quelques sites aménagés pour l’abreuvage des animaux, réalisés par la commune grâce à ses partenaires. Sur place, les journalistes ont pu voir des infrastructures notamment un château d’eau, un forage et un point d’eau où des animaux étaient en train de s’abreuver.

Après la visite des sites aménagés, les caravaniers se sont rendus au domicile de Kondja Kombari dont le nom est cité dans presque tous les villages visités par les journalistes lors des échanges avec les populations, comme étant le meneur des frondeurs.


Sur place, Kondja Kombari, avec un regard imperturbable, a expliqué aux journalistes que pour lui, le problème de la zone a commencé il y a longtemps. « Ce fut une surprise de voir le bornage et c’est quand je me suis rendu au village de Momba que j’ai attendu parler du bornage de la zone.

Ainsi, je suis allé voir l’ancien chef défunt pour comprendre et ce dernier a fait appel à la communauté peulh qui y était présente. J’ai manifesté mon mécontentement et ma surprise sur la façon dont le bornage a été fait et nous avons demandé ensemble au chef de trancher sur la question.

Le chef a dit qu’il a des champs pour des hommes mais ils n’a pas des champs pour les animaux », a-t-il indiqué. Et de poursuivre que le chef ne voulais pas de zone pâturage et qu’après il a appris que le chef a signé un document faisant de la zone, une zone de pâturage. « Je considère cela comme une trahison de la part du chef. Donc je ne bougerai pas. Je n’ai jamais vu dans un village où il faut déloger des gens pour mettre les animaux.


En son temps, on m’a proposé de construire ailleurs et me reloger, mais j’ai refusé car mon champ n’est pas à vendre », a-t-il raconté. Interpellé trois fois de suite, Kondja Kombari dit rester ferme sur sa position, mais il précise qu’il n’a dit à personne de ne pas quitter, ni proféré des menaces à l’endroit d’aucune population. La caravane s’est rendue dans le village de Bandigui où les populations, réunies autour du patriarche Nadani Namoano, sont sorties massivement pour réaffirmer leur souhait du départ des frondeurs des zones de pâturage afin d’éviter l’installation d’autres personnes.

Les explications du maire de Fada, Jean Claude Louari


Après Bandigui, les caravaniers ont regagné la ville de Fada N’Gourma à 17h où ils se sont entretenus avec le maire Jean Claude Louari sur la question des zones de pâturage des localités concernées. Pour M. Louari, il s’agit d’un dossier dont son conseil municipal installé en 2016 a hérité.

« Nous avons été obligés de faire face à cette préoccupation lorsque nous avons été informés que les animaux en transhumance dans les pays côtiers, en l’occurrence le Bénin, le Togo et le Ghana, allaient revenir parce que les pays d’accueil n’étaient plus prêts à abriter ces animaux.

En cherchant à savoir ce que nos prédécesseurs ont fait par rapport à cette question, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait deux zones de pâturage avec des arrêtés que l’administration municipale, les différents acteurs (agriculteur, éleveurs) avaient signés au mois d’avril 2017. Nous nous sommes retrouvés (les OSC, l’administration communale, le préfet du département de Fada, les agriculteurs et moi-même) pour échanger autour de la question et trouver des solutions.


Lors de cette rencontre, l’ensemble des acteurs a souhaité qu’on repousse ce besoin de déguerpir les populations qui sont installées au sortir de la saison hivernale passée, mais nous avons été embêtés pour la seule raison que les animaux étaient déjà en route et nous avons dû enfreindre certaines règles.

Lorsque l’ensemble de ces animaux sont arrivés, nous nous sommes retrouvés dans une situation où il fallait envoyer les animaux dans des ‘‘zovics », ce qui n’est pas normal. Après la saison hivernale, nous avons eu des discutions avec les acteurs concernés et on s’était accordé qu’à la date du 31 décembre 2017, personne ne devrait plus rester dans cette zone de pâture », a relaté le maire.


Puis de poursuivre : « À la période indiquée, les services techniques de la mairie se sont rendus sur les lieux et ils se sont rendu compte que certaines personnes étaient parties mais des récalcitrants avaient tendance à aller chercher d’autres personnes ailleurs pour venir les y installer et continuaient toujours de mener leurs actions pour saper le processus qu’on avait engagé.

Au cours du mois de mars, nous avons essayé d’associer les chefs coutumiers, les responsables d’OSC afin de sortir de cette situation, mais finalement on se retrouve à la date d’aujourd’hui ou certains sont toujours là et ne semblent pas vouloir partir d’eux-mêmes.


Si nous avons associé la presse, c’est parce que nous nous sommes dit que le message qu’elle va faire passer peut contribuer à amener les récalcitrants à partir d’eux-mêmes car nous sommes toujours dans la dynamique du consensus. Nous avons le dos au mur car la saison hivernale est en train de s’installer et les animaux sont en train de partir vers le Nord et à un certain moment, nous serons obligés de le faire de gré ou de force.

Je n’ai jamais été sur le terrain depuis le début du processus pour éviter qu’on dise que c’est une approche politique donc je préfère laisser les services techniques s’en charger. C’est pour la même raison que nous avons associé le préfet de Fada dans tout le processus afin de parler le même langage et régulièrement nous avons rendu compte au haut-commissaire du Gourma et au gouverneur de l’Est pour recevoir les instructions sur cette question.


Concernant le sieur Kondja Kombari, c’est une personne qu’on ne peut pas sensibiliser car il est contre le processus et il vit de cela. Selon les informations que nous avons, il installe les gens en monnayant les terres. Il semblerait qu’il est un ami d’un homme politique et c’est ce dernier qui tire les ficelles. Je n’aime pas dire les choses sans preuves.

J’ai hérité des textes qui ont été signés par plusieurs acteurs concernant la zone. Je n’étais ni conseiller municipal, ni maire à l’époque, mais aujourd’hui mon devoir est de faire appliquer ces textes.

Cela fait maintenant une année que nous sensibilisons, mais ce groupuscule refuse de céder ; pour cela, la date butoir est fixée au 30 juin 2018. Passé ce délai, celui qui est toujours dans cette zone se verra déguerpi par les forces de l’ordre ».

Soumaila Sana

Lefaso.net

Source: LeFaso.net