Le 25 mai 2018, le Conseil d’État annulait la dissolution du conseil municipal de Saponé. Tout en se réjouissant de cette décision, l’auteur de cette lettre ouverte invite les habitants de Saponé à rester vigilants, car, selon lui, des fauteurs de troubles sont toujours à l’œuvre dans la commune. Lisez plutôt !
Lettre ouverte aux fils, filles et amis de Saponé
La Justice, en prenant la décision historique d’annuler le décret de la mise de la commune de Saponé sous délégation spéciale, a rendu la dignité aux fils et filles de Saponé. Nous devons resserrer les rangs pour relever les défis de la cohésion et de l’unité pour continuer la construction de Saponé.
Fils et filles, amis de Saponé, depuis le 14 décembre 2017, une épreuve a été imposée à la population de Saponé par la mise de sa commune sous délégation spéciale au motif que la paix sociale y est menacée.
Heureusement, grâce aux conseils et au soutien, publics ou discrets, des uns et des autres, les différents pièges tendus ont été évités. Le verdict prononcé le vendredi 25 mai 2018, qui annule purement et simplement le décret du 14 décembre 2017, est une victoire de tous ceux que l’injustice révolte, de tous ceux qui croient que dans une nation civilisée le droit est au-dessus de la force. La population de Saponé rend un hommage mérité au Wemba de la République (le Médiateur du Faso) qui, à un triple titre, a essayé de résoudre le problème de Saponé.
En effet, qui d’autre qu’elle, en tant que femme, donc réceptacle de l’unité et de la cohésion, en tant que Samogho, médiatrice naturelle chez le peuple moagha dont la parole ne peut souffrir d’aucune contestation et enfin institution attitrée de la République, qui d’autre, nous interrogeons-nous, était mieux placé qu’elle pour appeler à la raison les quelques personnes manipulées par des mains invisibles ? Malgré l’échec apparent de la médiation, les fils et filles de Saponé lui sont reconnaissants de tous ses efforts et prient l’ancêtre-fondateur de Saponé de la protéger.
Depuis le 24 janvier 2018, les fils et filles de Saponé ont saisi la justice afin de demander le sursis à exécution du décret puis l’annulation pure et simple de ce « décret très politique ». Nous avons suivi avec patience le développement du dossier en Justice. Malgré les provocations de toutes sortes, les intimidations, l’appel au meurtre, les fils et filles de Saponé sont restés stoïques, sereins. Au cours du procès, nous avons eu accès aux rapports administratifs qui ont conduit le gouvernement à prononcer la mise sous délégation spéciale.
Pour rester courtois, et pour ne pas dire plus, ces rapports sont cousus de contre-vérités, l’on a altéré volontairement la vérité. Pendant le procès, nous avons écouté les arguments pour justifier la mise de la commune de Saponé sous délégation spéciale.
Nous avons observé l’acharnement avec laquelle l’on se battait pour maintenir la seule et unique commune en délégation spéciale. Malgré les entorses faites à la procédure, comme la non remise des conclusions de l’avocat du gouvernement à l’avocat de Saponé, comme les règles de la justice le préconisent, malgré le refus d’accepter que les conseillers municipaux de Saponé, les plaignants, étaient dans leur droit constitutionnel de demander réparation parce qu’ils s’estiment lésés par la dissolution du conseil municipal, l’avocat de Saponé a détruit, patiemment, avec méthode et cohérence, tous les arguments de la partie adverse dont le plus inacceptable est de présenter les actes commis à Saponé (destruction de maisons, agression physique du deuxième adjoint au maire, l’incendie de la mairie), non pas comme des crimes extérieurs au conseil municipal, dont les auteurs sont à rechercher et à punir, mais comme une menace à la paix provoquée par toute la population de Saponé.
« Mais dans quelle République sommes-nous, s’est-on écrié, qui, au lieu de punir les criminels, punit les victimes » ? Mais justice a été rendue ! Vibrant hommage à la Justice !
Fils et filles de Saponé, une bataille est gagnée. Mais il nous faut demeurer vigilants. Dès le début de l’imposition de cette épreuve, nous avons opté pour la paix, pour le droit, refusant la violence dans laquelle une infime minuscule partie voulait nous entraîner et insiste encore pour nous y entraîner. Malgré les multiples provocations, nul ne pourrait reprocher « au camp de l’actuel maire Abdoulaye Compaoré » un acte coupable.
Mieux lors de la grande rencontre qui a mobilisé une foule immense ce samedi 26 mai 2018 à la mairie de Saponé, tous les intervenants ont salué le sens de la mesure du Maire, la pondération et le pacifisme des uns et des autres. Malheureusement, ceux qui ont posé les actes criminels ne semblent pas désarmer. Ce samedi, la provocation a encore continué. En effet, les propos du genre « le maire ne travaillera pas ici » ont été encore entendus. Vous avez tous en mémoire, les différents actes posés, non même pas par « l’autre camp ». A la vérité, ceux qui sont attentifs savent qu’il n’y a pas « deux camps » à Saponé. Trois personnes, très précisément, sentent des choses leur échapper.
Ils font feu de tout bois pour cacher le soleil avec leurs mains. Pour cela, ils instrumentalisent six jeunes pour placarder des banderoles, aiguiser des machettes en pleine voie, devant l’œil des caméras, et promettre de découper comme du saucisson qui oserait se rendre à la Mairie de Saponé. En tout état de cause, la population de Saponé a demandé, solennellement au Maire de réintégrer son bureau, conformément à la décision de justice, et de rendre service à la population. Nous en convenons, une seule personne peut troubler la paix. Un seul fou peut « casser le marché » dans le village. Mais l’on ne dira pas que c’est tout le village qui a semé le trouble.
Malheureusement, nous avons tous en mémoire le manque de respect et les menaces proférées contre le Médiateur du Faso. Nous avons en mémoire les menaces proférées contre les juges du Conseil d’Etat, quand ils ont ordonné le sursis à exécution.
Nous avons entendus aujourd’hui, samedi 26 mai 2018, de retour de la grande réunion, des insanités que l’on proférait contre la Justice et les juges du Conseil d’État. Ceux qui ont posé les actes criminels, à visage découvert, promettaient de « provoquer un bain de sang à Saponé si la justice ne revenait pas sur sa décision de surseoir à l’exécution du décret ». Maintenant que le décret lui-même est purement et simplement annulé ce vendredi 25 mai 2018, vont-ils, effectivement, à présent tuer enfants, jeunes, femmes, hommes, vieux et vielles de Saponé ?
Depuis que le verdict est prononcé, il nous revient, avec insistance, et nous avons pu observer ce samedi 26 mai 2018, que ceux qui ont barricadé la route nationale 6, Ouaga-Léo, dressent encore leurs banderoles. Ils se prépareraient à nouveau à barrer la voie pour que « l’on en finisse avec Saponé car la mise sous délégation spéciale, cette fois-ci, sera totale et la justice ne pourra plus rien ». Nous informons donc solennellement le gouvernement de la remise en cause de la justice et de l’autorité de la chose jugée.
Au regard de tous ces faits et gestes, il nous semble donc important d’interpeler : 1) le gouvernement afin qu’il prenne des actes afin de montrer que le pays est gouverné et que quelques individus ne peuvent pas insulter sans arrêt les autres, menacer et insulter sans repos les institutions de la République et défier continuellement l’autorité de l’État ; 2) chaque Burkinabè qui aime la paix afin qu’il constate les agissements d’une minorité par rapport à toute une population ; 3) chaque organisation de la société civile, quel que soit son domaine de compétence ou d’action, afin qu’elle élève une vive protestation pour demander aux fauteurs de troubles d’arrêter ; 4) chaque parti politique de rappeler à leurs confrères de l’autre parti politique, que l’éthique du jeu démocratique exige un respect minimum des règles dont l’interdiction de laisser une infime minorité agir en son nom et instrumentaliser ainsi les populations les unes contre les autres ; 5) le médiateur du Faso afin qu’il rappelle au gouvernement qu’il n’est pas utile de laisser se créer de toutes pièces un contentieux durable entre l’Administration et les administrés ; 6) le Haut-conseil pour la réconciliation et l’unité nationale afin qu’il attire l’attention du gouvernement que le chantier de la réconciliation est suffisamment vaste qu’il n’est plus nécessaire de laisser quelques-uns créer d’autres dossiers.
Fils et filles de Saponé, il est désormais connu de nous tous que quelques individus ont juré que : « soit c’est nous ou Saponé sera toujours troublé puis divisé ». Ils ne s’en cachent pas.
Quant à nous autres, nous avons démontré en face de toute la Nation que nous sommes disciplinés, respectueux de l’autorité et de la loi. Toutefois, chacun de nous, par le passé, a commis une erreur. Chacun de nous a marché seul, pour une raison qui lui est propre. L’on a profité de cela pour gifler chacun de nous. Chacun de nous a senti la douleur de cette blessure, de cette douloureuse morsure. Chacun de nous a souffert de la honte, de l’amalgame qui fait de chaque fils de Saponé un casseur, un coupeur de route, un « brûleur de mairie ».
Mais à quelque chose malheur est bon. Cette gifle a réveillé en chacun de nous l’amour de notre commune qui sommeillait. Et nous en avons administré la preuve par notre forte mobilisation ce samedi 26 mai à Saponé. Tirons définitivement l’expérience ! Resserrons les rangs. Et saponé sera respecté. Toute personne douée de bon sens n’en voudra pas aux fils et filles de Saponé de ne plus accepter, de regarder les bras croisés, qu’une poignée de jeunes enfants manipulés, drogués au tramadol et contre 2000 F CFA de per diems, que l’on arme de gourdins et de machettes, « troublent la paix » pour redonner au gouvernement un argument afin qu’il replace Saponé sous délégation spéciale.
Nous souhaitons que le gouvernement ne laisse plus faire cette poignée de jeunes, qui après avoir insulté les gens de Saponé, insulté et menacé le médiateur du Faso, s’attaquent maintenant à la Justice et aux juges du Conseil d’État.
Mais si d’aventure la provocation devait continuer que devrions-nous faire ? Très clairement, ceux qui veulent replacer Saponé en délégation spéciale, et qui le placardent sur la voie, qu’avant qu’ils ne réussissent, il leur faudrait désormais marcher sur le cadavre du dernier fils de Saponé. Nous sommes pacifiques, respectueux de l’autorité et de la Loi, mais nous avons en mémoire aussi le serment de nos aïeux : « si tu n’es pas assez courageux pour défendre la Patrie de tes pères, donne le sabre aux femmes qui t’indiqueront le chemin de l’honneur, Samory Touré ».
C’est pourquoi, nous en appelons encore une fois le gouvernement de faire respecter les décisions de justice. D’appliquer la neutralité administrative en appelant les fauteurs de trouble d’arrêter. A défaut, personne ne pourrait reprocher à la population de Saponé son insoumission à l’injustice.
Fils et filles de Saponé, la première défaite d’un Homme est quand il s’avoue vaincu. Il peut être utile de rappeler à ceux qui ne connaissent pas l’histoire, pourtant les premiers à s’en réclamer, que Saponé est issu d’une souche d’un peuple qui refuse de marcher courbée. En ces jours ou la Justice a rendu la dignité aux fils et filles de Saponé en prenant la décision historique d’annuler la mise de Saponé sous délégation spéciale, il est bon, fils et filles de Saponé, que nous nous rappelions notre devise commune, héritée de notre ancêtre fondateur, le Naaba Kuuda, 9e empereur des Mossé : vivre digne ou mourir debout !
Que Dieu protège Saponé !
Que Dieu bénisse le Burkina !
André-Eugène ILBOUDO
Source: LeFaso.net
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