L’Alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP) a animé, dans la matinée de ce jeudi 17 mai 2018, au siège du parti au pouvoir à Ouagadougou, une conférence de presse sur l’actualité nationale. Délocalisation du Conseil des ministres, intervention du chef de file de l’opposition au congrès du CDP, achat de véhicules pour les ministres et présidents d’institution, fronde sociale, réduction du nombre de postes au recrutement de la Fonction publique sont les sujets à polémique sur lesquels le vice-coordonnateur de l’APMP, Vincent Dabilgou, et ses camarades ont échangé avec la presse.
Le décor de cette sortie est campé par une minute de silence en la mémoire des victimes des attaques dont la dernière en date, le préfet d’Oursi, Patrice Kaboré, assassiné dans la nuit du 14 au 15 mai 2018, a été conduite à sa dernière demeure dans l’après-midi du 16 mai.
Puis quelques salamalecs avant d’entrer dans le vif du sujet. D’entrée, les responsables de l’APMP ont exprimé leur satisfaction vis-à-vis des résultats dans la mise en œuvre du PNDES (Plan national de développement économique et social), se référant à la dernière session ordinaire du Comité de pilotage du référentiel (session ordinaire de l’année 2018 tenue le 11 mai 2018 à Ouagadougou sous la présidence du Premier ministre). « Les performances enregistrées en 2017 sont simplement éloquentes et porteuses d’une nouvelle espérance pour notre pays, malgré un contexte national particulièrement difficile marqué par l’insécurité et gangrené par des grèves et revendications salariales tous azimuts », ont-ils apprécié dans leur déclaration liminaire.
Portant un regard sur la lutte contre le terrorisme, les responsables de l’APMP ont salué l’opérationnalisation annoncée du G5 Sahel avec la rencontre à Ouagadougou des ministres de la Défense des pays membres, le 13 mai 2018, ndlr.
Dans le vif de l’ordre du jour, et sur le point relatif au Conseil des ministres délocalisés, les porte-parole du jour de l’APMP ont tenu à préciser qu’il s’agit de « certains » et non de tous les Conseils. Mieux, font-ils observer, nulle part dans la Constitution, il n’est écrit que seule la capitale doit abriter les Conseils des ministres. Le secrétaire exécutif du MPP (parti au pouvoir), Lassané Savadogo, martèle que le gouvernement peut même tenir des Conseils des ministres « sous les arbres à Bogandé, s’il le veut » (dans un ton de parenté à plaisanterie, ndlr).
Les conférenciers ont rappelé à cet effet que le président Roch Kaboré a été élu sur la base d’un programme politique dans lequel la démocratie participative a été inscrite comme sève nourricière de la démocratie. « Et la démocratie participative est une forme de partage et d’exercice du pouvoir fondée à la fois sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décisions politiques et sur la présence de l’exécutif sur le terrain pour un meilleur suivi-évaluation des actions de développement engagées », a justifié le vice-coordonnateur de l’APMP, Vincent Dabilgou. Selon ce dernier, principal orateur de cette conférence, une chose est de disposer d’informations sur les réalisations, une autre est de se donner les moyens de constater physiquement ces réalisations sur le terrain. Dès lors, poursuit-il, il est loisible pour un gouvernement démocratiquement élu de se retrouver à la base par une délocalisation du Conseil des ministres et de créer ainsi l’opportunité de mesurer de manière directe les préoccupations des concitoyens afin de pouvoir y répondre efficacement.
L’APMP souhaite que l’initiative obéisse à une périodicité non-contraignante et à une logique financière très économique (en termes de déplacements et d’organisation pratique sur le terrain). De l’avis de cette organisation politique, les Conseils des ministres délocalisés contribuent, contrairement à l’opinion hostile, au renforcement du sentiment d’appartenance à la nation. C’est pourquoi, pour les conférenciers, la première sortie pourrait être organisée dans la région du Sahel. « Il serait bon que la délocalisation du Conseil des ministres commence par la région du Sahel, le Nord », suggère Vincent Dabilgou pour qui l’on a besoin de montrer que l’autorité est présente dans cette partie du pays (quand bien même il ne fait l’ombre d’aucun doute, selon lui, que la région du Sahel est sous contrôle).
L’APMP rassure que le gouvernement est conscient de la situation et n’en fera pas une campagne politique. « La majorité n’a pas besoin de cette astuce politique pour se faire élire en 2020. Le président Roch Kaboré sera clairement réélu sur la base de son bilan politique, qui est, comme vous le constatez, déjà suffisamment et pertinemment positif dans tous les domaines de ses engagements politiques », ont rassuré les conférenciers.
Sur l’actualité relative au discours du chef de file de l’opposition politique, Zéphirin Diabré, au dernier congrès du CDP (ex-parti au pouvoir), l’APMP n’a pas voilé ses mots face à ce qu’elle considère d’ailleurs comme « pirouette » et « renoncement » à son combat aux côtés du peuple contre la modification de l’article 37 et la liberté au Burkina. Indexant le porte-parole de l’opposition, Zéphirin Diabré, d’avoir fait l’apologie du CDP, M. Dabilgou et ses camarades s’étonnent de ce « changement ». « De lion, Zèph se transforme en caméléon pour tenter d’accéder ainsi à la magistrature suprême », ont-ils martelé. Mais pour eux, c’est « peine perdue » pour Zéphirin Diabré, « car le peuple burkinabè n’est pas un peuple amnésique, c’est un peuple qui avance courageusement vers son destin glorieux sur la base de la vérité historique de ses luttes politiques ».
Dans cette dynamique, et en réaction à une question, le président du Rassemblement des patriotes pour le renouveau (RPR), Aly Badra Ouédraogo, enfonce : « Nous avons peur de Zéphirin Diabré. Pas pour nous, mais pour lui-même. La politique n’est pas une fin en soi. Si politiquement on est devenu un torchon, vaut mieux quitter la scène politique. Si son rêve de caresser un jour la magistrature suprême est en pointillé, et il veut se rallier au CDP, vaut mieux qu’il quitte la politique. Car, de compromission en compromission, il finira par perdre sa dignité… Il a été avocat du CDP plus que les militants du CDP eux-mêmes. Donc, nous avons peur d’un lion qui était, soi-disant, le roi de la forêt et qui se transforme subitement en baobab »
Sur le renouvellement des véhicules du parc automobile de l’État, l’APMP soutient qu’il s’inscrit dans un processus animé par le souci d’efficacité des institutions de la République et non par un quelconque goût du luxe comme veulent le faire croire certains. « Les anciens véhicules ministériels étaient tous pratiquement sur cale, il fallait les renouveler. Et nous l’avons fait dans le respect des procédures en la matière et c’est un processus de la commande publique entamé depuis 2016 », ont-ils justifié. Ils expliquent également que les performances enregistrées dans la mise en œuvre du programme politique du président du Faso montrent que les dirigeants ne sauraient perdre de vue les priorités nationales et toutes les réalités.
Sur ce qu’ils ont qualifié de « fronde sociale organisée », les animateurs de la conférence ont rassuré qu’il ne peut venir à l’idée du gouvernement et de la majorité présidentielle de remettre en cause le droit de grève, reconnu par la Constitution. Ce, d’autant que l’exercice « raisonnable » de ce droit est facteur de progrès social, lorsqu’il met en présence des acteurs étatiques et des acteurs sociaux qui s’inscrivent dans un esprit de compréhension mutuelle.
« Cependant, il faut craindre à juste titre que des luttes, sous le couvert du manteau syndical, servent des desseins inavoués et inavouables, participant d’une volonté délibérée de déstabilisation du pouvoir démocratiquement élu », a émis la majorité présidentielle.
Quant à la décision de réduction du nombre de postes au recrutement de la Fonction publique, l’APMP pense qu’elle ne doit pas être interprétée par certains comme une « politique anti-jeunes », qui ôte à cette frange sociale des chances d’obtenir un emploi. « La majorité politique tient à réaffirmer toute la place de la jeunesse dans la politique gouvernementale. La réduction du nombre de recrutements est liée à la soutenabilité financière de l’administration publique et au respect des ratios en la matière, conformément aux normes communautaires, mais toute la politique d’emploi des jeunes ne doit pas se réduire à ces recrutements », convainquent les animateurs de la conférence. D’où les efforts du gouvernement à, concluent-ils, favoriser l’emploi des jeunes par le renforcement de l’employabilité, la promotion du secteur privé, le financement de micro-projets et la promotion de l’auto-emploi.
« L’analyse de la situation politique en ce moment montre des signes d’un front uni de l’opposition contre le gouvernement. Et dans une démocratie pluraliste comme la nôtre, le rôle de l’opposition politique qui aspire au pouvoir est de s’arc-bouter à la critique de l’action gouvernementale. Mais quand les actions gouvernementales sont pertinentes et augurent de lendemains meilleurs, l’opposition doit savoir étaler ses critiques sans verser dans la délation et le ridicule », ont martelé les responsables de l’APMP.
Pour ces derniers, il appartient en définitive au peuple de savoir se détacher de ce « jeu politique malsain fait de calculs politiciens » qui piétine les efforts de relance économique du pays entrepris depuis le 29 novembre 2015 (date de l’élection du président Roch Kaboré, ndlr).
Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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