Dans la tribune ci-après, Bougassè Charles ZOUBIRE et Valentin ZONGO s’intéressent à la gestion des emplois d’infirmiers et de sages-femmes dans la fonction publique burkinabè.
S’il y a une thématique qui alimente l’actualité administrative au ministère de la santé, c’est bel et bien celle relative à la gestion des emplois d’infirmiers et de sages-femmes dans la fonction publique burkinabè, aussi bien pour la gestion de leurs carrières que pour l’utilisation et la valorisation des compétences. Le dernier achoppement fut relatif au reclassement des Attachés de santé en A1 conformément aux accords entre le gouvernement et le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale de Mars 2017 et celui des conseillers de santé en PC en toute logique légale et de bon sens. Mais certains acteurs de l’administration publique et d’organisations professionnelles veulent ramer à contrecourant de ce bon sens avec des arguments un peu adolescents. Quelques exemples pourront suffire pour éclairer la lanterne.
Le Samedi 24 février 2018, dans une interview accordée par la Radio Omega, le SG du syndicat des médecins du Burkina (SYMEB) a tenu des propos tendant à justifier leur opposition à l’évolution normale de ceux qu’ils appellent « paramédicaux » dans leur carrière. Cette opposition concerne en particulier l’emploi des Conseillers de santé que le SYMEB et son représentant ne désirent pas voir reclassés en PC. Ces propos s’inscrivent dans une démarche purement égocentrique et visent à confisquer à jamais le système de santé au profit d’une seule catégorie professionnelle : le médecin. Aussi, devrions-nous participer à l’éclairage de l’opinion publique sur ce débat qui, au delà de l’opposition entre infirmiers et SYMEB et particulièrement son SG, entravera, si rien n’est fait, le bon fonctionnement du système de santé et par-dessus tout, l’accès des populations aux soins de santé de qualité.
A l’entame des échanges, le SG du SYMEB semble reconnaitre que les Attachés de santé ont pendant longtemps été victimes d’une injustice du fait de leur reclassement en A2 et affirme l’approbation de son mouvement pour leur reclassement en A1. Il établit un parallèle avec les Administrateurs des hôpitaux reclassés en A1, après trois années de formation à l’ENSP et détenteur du BAC au moment de leur entrée dans la fonction publique comme gestionnaires des hôpitaux. Ce qu’il n’a pas dit, c’est que les Administrateurs des hôpitaux sont tous actuellement formés à l’ENAM, pour une durée de deux années académiques, afin de réparer également l’injustice de départ. Il omet aussi, volontairement ou par inculture, que l’accès à l’emploi des Administrateurs des hôpitaux n’est pas conditionné forcement par le BAC. Les Adjoints des cadres hospitaliers, recrutés niveau BEPC + deux années de formations, y ont accès bien sûr en passant d’abord par la formation professionnelle des Gestionnaires des hôpitaux, puis sont reclassés en A1. Qu’est-ce qui se cache derrière ces omissions ou déclarations partielles de demi-vérités ?
Ensuite, le SG du SYMEB, affiche une volonté ferme sur la question de reclassement des Conseillers de santé que lui et son mouvement ne désirent pas voir en PC. Il prétend que l’Attaché de santé et le Conseiller de santé ont tous un niveau Master pour justifier le maintien du Conseiller de santé en A1. Ce qu’il ne dit pas encore ici, c’est que pour être Conseiller de santé, il faut avoir été Attaché de santé, donc détenteur d’un premier Master. L’emploi de Conseiller de santé est alors sanctionné par un deuxième Master après un stage de formation de deux ans. On ne peut donc pas parler d’avenant dans ce cas, comme le prétend le SG du SYMEB, pour l’accès du Conseiller de santé en PC. Autrement, pourquoi et comment les emplois des Attachés et Conseillers de santé seraient-ils dans une même catégorie, alors que le changement de catégorie ou d’échelle intervient suite à un concours pour un stage de formation qui fait changer d’emploi ? D’attaché de santé à conseiller de santé, il s’agit bien d’un stage de formation qui donne droit au changement de catégorie ou d’échelle, et non d’un stage de spécialisation dans le même emploi qui ne donne droit qu’à une bonification d’échelon. La question du master semble une mesquinerie car il y a des emplois de niveau doctoral normal classés en PC qui changent de catégorie après avoir fait un master avec les mêmes élèves conseillers de santé. C’est le cas de certains médecins spécialistes en santé publique, qui quittent PC (position des médecins généralistes) à PB après un master. Pourquoi la même règle ne s’appliquerait pas aux conseillers de santé ?
D’ailleurs, même avec l’ancienne position injuste des Attachés de santé en A2, le Conseiller de santé devrait être normalement reclassé en PC après son stage de formation de deux ans. Où est donc l’avenant ? C’est l’évolution normale dans sa carrière qui le conduit en PC. Et même dans cette position, il faut manquer de volonté d’analyse dans la gestion des ressources humaines pour prétendre classer l’Attaché de santé et le Conseiller de santé dans une même catégorie. Mieux, si l’on considère la nouvelle formule avec le reclassement des Attachés de santé en A1, celui des Conseiller en PC est plus que chose normale. Et c’est cette évolution normale que le SG du SYMEB et sa base (comme il l’appelle ordinairement) combattent de tous leurs efforts pour la mise en extinction de l’emploi des Conseillers de santé.
En effet, avec le système Licence -Master –Doctorat (LMD), l’emploi de Conseiller de santé, est désormais un emploi-hospitalo-universitaire dans le cadre de rattachement de la filière de formation des IDE et SFME à l’université. Et puisque les emplois hospitalo-universitaires sont maintenus dans le décret portant organisation des emplois spécifiques du ministère de la santé (voir statuts particuliers prescrits par la loi 081/CNT de 2015 portant Fonction publique d’Etat), celui des conseillers de santé doit être classé en catégorie PC correspondant aux emplois dont le diplôme d’accès est le doctorat ou le Baccalauréat plus 7 ans de formation professionnelle cumulée selon l’article 14 de ladite loi. C’est un principe général qui a été annoncé dans lequel s’insère le cas des conseillers de santé. Il n’est pas nécessaire de se demander quels sont les emplois qui sont en PC pour en apprécier une certaine compatibilité sauf si c’est par condescendance.
Ainsi, la notion d’équité dans le traitement des agents dont a parlé le SG du SYMEB au cours de l’entretien devrait-elle être redéfinie. Si l’équité consiste à bloquer à jamais ceux qui ont toujours été marginalisés sur tous les plans, il va falloir la définir sous deux angles : l’équité selon le fort et l’influent, et l’équité selon l’opprimé. La vraie équité consiste à traiter d’abord chaque famille professionnelle selon son mérite, ensuite à démystifier les emplois, les mettre côte à côte, considérer l’équité dans les postes de responsabilité pour plus d’efficacité dans les actions. Car si l’infirmier ne mérite pas la grandeur, il faut craindre que son rapetissement fasse du mal au système de santé et à la population burkinabè qui attend du système de santé des soins de bonne qualité.
En définitive, l’emploi de Conseiller de santé est fondamental pour le système de santé aussi bien pour les prestations de soins que pour la formation des infirmiers et sages-femmes/Maïeuticiens. Les curricula de formation de l’Organisation Ouest Africaine de la Santé structurent la formation dans les emplois infirmiers et sages-femmes en LMD. Les mêmes curricula donnent pour directive que, pour être enseignant dans les filières de niveau Licence en sciences infirmières et obstétricales, il faut avoir le niveau minimum du Master. Il va donc sans dire que pour assurer la formation en Master dans les emplois infirmiers, il faut avoir des enseignants de niveau doctoral minimum. C’est ce niveau doctoral qui devrait correspondre à l’emploi de conseiller de santé en tant que emploi hospitalo-universitaire. Autrement, l’emploi de Conseiller est d’un niveau suffisamment élevé pour continuer à assurer de façon efficace la formation des Attachés de santé comme dans le système classique.
Du reste, la réflexion sur la carrière dans l’emploi d’infirmier n’est pas à proprement parler une préoccupation de médecin, parce que l’un n’est pas dérivé de l’autre. Les principes de la Fonction publique, en matière de gestion des carrières des fonctionnaires d’Etat, dépassent de très loin les questions de médecin ou d’infirmier, et ne sont aucunement centrés sur un emploi autour duquel devraient graviter les autres et qui seraient la boussole pour définir le juste et l’injuste.
Les innombrables explications du SG du SYMEB deviennent en définitive suspectes de fantaisie et pourraient procéder d’un « moi trop grandiose » dont tout esprit encore bien portant doit s’en méfier. Peut-être que les propos d’un tel activiste n’engagent que lui seul, mais nous tenons à attirer l’attention du grand public, et surtout des premières autorités des Ministères en charge de la Fonction publique et de la santé, que ce type de courant de pensée au sein du Ministère de la santé menace gravement la stabilité et la cohésion entre professionnels issus de familles professionnelles différentes, et qui sont pourtant appelés à former une équipe de travail au bénéfice des communautés. L’attitude du SG du SYMEB élucide à souhait l’idéologie libérale de l’organisation, et consiste à dire à ses membres qu’il n’est pas possible d’augmenter sa satisfaction sans réduire celle de l’autre. Ou alors, plutôt en avoir moins, pourvu que l’autre n’ait pas autant que moi. Sa stratégie consiste à marginaliser, dévaloriser les collaborateurs en leur servant la misère contre leur trop grande production. Les infirmiers ont-ils commis l’erreur de lutter pour la reconnaissance et la réparation d’injustices subies par les médecins bien avant la naissance du SYMEB ? Ont-ils fait l’erreur de ne pas discuter des avantages en termes de traitement pour un travail d’équipe ? Par exemple, l’indemnité de garde du médecin a toujours été plus élevée que celle de l’infirmier, même dans les structures où le médecin est quasi-absent au service, encore moins assure une garde. Les organisations valent toujours mieux que les individus et il serait mineur de juger ou apprécier le SYMEB à l’aune des gesticulations de certains individus qui l’animent, SG soient-ils.
Nous osons croire que les autorités sanitaires et ceux en charge de la Fonction publique prendront les mesures idoines pour arrêter à temps les agressions multiples du SYMEB à l’endroit des emplois d’infirmiers et de sages-femmes/Maïeuticiens.
Aussi, dans la recherche de la performance réelle du système de santé, n’est-il pas temps de dépasser les considérations corporatistes en valorisant les compétences des cadres infirmiers qui, jusque là, sont exclus de la gestion du système de santé en termes de responsabilités, alors qu’ils disposent d’atouts fondés sur des formations qualifiantes, parfois à l’extérieur, donc, qui coutent aussi cher à l’Etat ?
Ont signé :
Bougassè Charles ZOUBIRE, 70675135
Valentin ZONGO, 73190479
Source: LeFaso.net
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