Il n’est pas rare de voir sur les artères de la capitale, des personnes vivant avec un handicap solliciter la générosité des citoyens. Même que la conception populaire veut que la mendicité soit le chemin tout désigné pour la personne handicapée. Yacouba Tapsoba et Jonas Kisbedo ont préféré faire les choses autrement. L’exception confirme la règle, dit-on. Tous les deux handicapés moteurs, ils se sont mis ensemble pour créer un atelier, où ils fabriquent des objets d’art. LeFaso.net est parti à la rencontre de ces artistes au talent admirable.
Né en 1978 à Ouagadougou, Yacouba Tapsoba est privé de jouir de ses deux jambes dès l’âge de six ans suite à la poliomyélite. Bonjour les galères ! Faute d’un vélo adapté à son handicap, il était contraint d’aller à l’école, qui se trouvait loin de sa maison.
Avoir un handicap n’est pas une fin en soi ! Yacouba Tapsoba a décidé de défier ses limites. « J’ai commencé à travailler avec un de mes voisins qui vendait les sables avec sa charrette », a-t-il confié.
Un jour, dans ses tâches quotidiennes, il a découvert un centre où les personnes vivant avec un handicap sont accueillis et apprennent un métier, dans le quartier Dassasgho de Ouagadougou. « Je suis venu leur dire que moi aussi, je veux travailler avec eux et ils ont accepté. C’était en 1995 », a-t-il expliqué.
Parcours entrepreneurial
Dans le centre des personnes vivant avec un handicap, Yacouba Tapsoba a fait la connaissance de Jonas Kisbedo, qui y est arrivé en 1996. Les deux amis ont commencé à nourrir l’idée de voler de leurs propres ailes un jour.
En 2001, M. Tapsoba a rencontré Saïdou Ouédraogo, qui l’a engagé à ses côtés au village artisanal.
- Jonas Kisbedo
L’idée de devenir son propre patron persistait. Ainsi, en 2002, il a contacté son ami Jonas Kisbedo et ils ont créé leur atelier de création d’objets d’art. Comme tout début est difficile, ce tandem fabriquait les œuvres à la maison et les livrait dans des endroits précis, conformément à leur clientèle. « On tournait pour vendre nos œuvres d’art à la zone du bois, aux ambassades de France, des Etats-Unis d’Amérique, etc. », ont-il affirmé.
Aujourd’hui, Yacouba Tapsoba et Jonas Kisbedo ont un local situé à côté de l’espace vide de la mairie de Bogodogo. A notre passage, nous avons rencontré cinq artistes dans cet atelier. Et Yacouba Tapsoba nous a fait savoir que trois des leurs sont absents. En effet, ils ont employé deux autres personnes vivant avec un handicap et quatre personnes valides.
Selon une des personnes valides de l’atelier, Moumouni Tapsoba, par ailleurs frère cadet de Yacouba Tapsoba, ils sont chargés de faciliter certaines tâches de la boîte. Moumouni Tapsoba renchérit qu’en plus des confections des œuvres, ils sont mandatés de temps en temps pour livrer les commandes aux clients et apporter la matière première.
Cet atelier est composé de huit hommes. Pourquoi n’y a-t-il pas de femmes ? « Parce que le travail là, c’est avec la force, donc elles arrivent mais elles finissent par désister », a indiqué Yacouba Tapsoba.
Les objets d’art fabriqués
- Yacouba Tapsoba
Dans cet atelier de création, plusieurs œuvres artistiques sont confectionnées.
Il y a des tableaux éducatifs où on y trouve les cartes d’Afrique avec les noms des pays et leurs années d’indépendance et celle du Burkina Faso avec les 45 provinces. Comme son nom l’indique, ces cartes visent à cultiver les enfants en ce qui concerne l’histoire et la géographie. Une carte est vendue à 5000 francs CFA.
A l’aide du bois et de la calebasse, ils fabriquent des animaux démontables. A en croire les explications de Yacouba Tapsoba, l’objectif est de permettre aux enfants de connaître les différentes parties du corps des animaux. Ces objets sont vendus à 2500 francs CFA.
En sus de ces œuvres, on y fabrique dans cet atelier des colliers à base de cornes de bœufs, des calebasses et du bois ; des animaux décoratifs sous différentes formes.
Difficultés
Selon ces artistes, les touristes sont leur cible principale. « Nous les Burkinabè, nous n’aimons pas l’artisanat. C’est pourquoi, nos clients sont les ressortissants d’Europe, d’Amérique et autre », a affirmé Jonas Kisbedo.
Avec ce contexte sécuritaire préoccupant, les artisans tirent le diable par la queue. « Chaque jour, nous produisons des œuvres mais il est difficile de les liquider comme dans le passé », a déploré M. Kisbedo.
Yacouba Tapsoba et Jonas Kisbedo exposent leurs œuvres au village artisanal, à la maison de l’artisanat et dans les hôtels.
Cryspin Masneang Laoundiki
LeFaso.net
Source: LeFaso.net
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