Dans la région de l’Est, l’Association Tinba (gagnons pour nous développer en gulmanchema) fait partie de ces Organisations de la société civile (OSC) qui se sont faites illustrer par leur activisme sur le terrain. Sans langue de bois, son secrétaire exécutif, Yempabou Couldiati, retrace dans cette interview qu’il nous a accordée le lundi 22 janvier 2018 à Fada N’Gourma, l’histoire de son association qui œuvre dans la production et la commercialisation du sésame, véritable pourvoyeur d’emplois dans la région depuis près d’une vingtaine d’années.
Lefaso.net :Expliquez-nous comment a été créée l’association Tinba ?
Yempabou Couldiati : L’association Tinba pour le bien-être et le développement du monde rural a été créée en décembre 1999 et officiellement reconnue le 24 février 2000. Elle intervient dans la région de l’Est du Burkina Faso notamment dans trois provinces, le Gourma, la Tapoa et la Kompienga. Tinba, à sa création, comptait une cinquantaine de membres qui étaient des jeunes scolarisés mais issus du milieu rural qui se sont dit qu’en créant l’association, elle sera un cadre pourvoyeur d’emplois pour eux-mêmes et leurs frères de la région et aussi un cadre qui va offrir des opportunités à leurs parents agriculteurs pour l’amélioration de leur production agro-pastorale et du coup, contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie.
Lefaso.net : Quel rôle votre association joue-t-elle dans la région de l’Est ?
Yempabou Couldiati : Le rôle assigné à l’association est d’apporter une contribution à ses membres dans les activités agro-pastorales qu’ils mènent afin qu’ils puissent soi-même améliorer leurs conditions de vie. Et dans ce sens, elle travaille à surtout amener ses membres à faire une priorisation des productions agro-pastorales et à mettre l’accent sur les produits de rente.
Lefaso.net : Quels sont ses domaines d’intervention ?
Yempabou Couldiati : En fait la mission que l’association s’est assignée, c’est d’aider à l’amélioration des conditions de vie de ses membres grâce au revenu monétaire découlant de la vente des produits dans le domaine agro-pastoral qu’ils mettent. Et pour permettre qu’on assume et qu’on puisse réaliser cette mission, l’association a organisé ses activités dans la production agricole et surtout celle orientée vers le marché et enfin, l’élevage. Au niveau de la production agricole, nous nous appuyons sur la filière sésame et au niveau de l’élevage c’est la filière bétail-viande. A travers ces deux filières, les interventions s’inscrivent en terme de formation sur des itinéraires techniques de production (sésame et élevage), l’entreprenariat, l’organisation du monde agricole, la gestion des exploitations et bien d’autres formations. Nous œuvrons aussi à la facilitation de l’accès aux équipements de productions (charrues, tracteurs …) et aux facteurs de production. Dans ce dernier domaine, nous pouvons citer l’accès aux intrants de sésame, l’accès à la semence améliorée, aux herbicides, etc. Au niveau de l’élevage, se sont les mêmes actions pour l’accès aux aliments de bétail, entre autres. En dernier point, nous nous inscrivons également dans la dynamique de la mise à marché. Parce que, une chose est de produire et une autre est de vendre en faisant une bonne économie et là, on accompagne la mise en marché des produits du sésame et de bétail-viande.
Lefaso.net : Quelles sont vos sources de financement ?
Yempabou Couldiati : Comme toute autre association, Tinba mobilise des ressources propres en plus de ressources externes. Comme ressources propres, nous avons les cotisations des membres statutaires qui sont de 3000 F CFA/an et il y a aussi les ressources que nous tirons dans l’exercice de nos activités, surtout la commercialisation de nos produits des membres. En termes de ressources extérieures, l’association a la chance d’être accompagnée par un certain nombre de partenaires dont des ONGs, des projets et programmes étrangers et étatiques, des institutions financières (banques et micro finances). Je peux citer entre autres la fondation Américaine pour le développement en Afrique qui a apporté un soutien inestimable à l’association de 2016- 2017.
Lefaso.net : La saison agricole écoulée a été par endroit déficitaire. Qu’en est-il des producteurs de sésame ?
Yempabou Couldiati : Les membres de l’association Tinba que nous sommes, ont vécu la campagne agricole comme les autres producteurs et nous avons effectivement ressenti un déficit surtout du côté de céréales telles que le mil, le maïs, mais aussi le coton et le niébé. Pour ce qui est du sésame et particulièrement chez nos membres, la production a été meilleure à certains endroits par rapport à l’année passée. Mais à certains niveaux, elle a été moins bonne. Dans ce sens, nous ne pouvons pas être affirmatif qu’au niveau du sésame, il n’y a pas de déficit mais nous pensons que le sésame est le produit qui a mieux réussi parce qu’il est la spéculation qui a le mieux résisté aux poches de sécheresse. J’en veux pour preuve, le fait que la plupart des producteurs ne commercialisent que du sésame pour compenser les déficits céréaliers.
Lefaso.net : Comment se fait la collecte et la commercialisation de vos produits, notamment le sésame ?
Yempabou Couldiati : Pour le sésame que nous commercialisons, venant de nos membres surtout avec l’accompagnement de l’association qui bénéficie d’un certain nombre d’appuis en terme d’équipements, d’intrants et de renforcement de capacités, dès que le produit est disponible, nous le collectons pour faire des ventes groupées. Nous avons 201 groupements de 13 unions communales pour ce qui est du sésame. Chaque union centralise la production de ses groupements qu’elle convoie ensuite au magasin central de l’association à Fada. L’association fait les pesés, prélève les crédits intrants et équipements et vent la production aux exportateurs qui offrent les meilleurs prix. Ainsi, c’est une façon de permettre aux producteurs d’accéder aux meilleurs prix du moment sur le marché.
Lefaso.net : Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un producteur de sésame à adhérer à votre association et combien de membres compte-t-elle ?
Yempabou Couldiati : L’association TINBA est forte aujourd’hui de 4 180 producteurs agricoles dont 957 femmes. Nous recevons de nombreuses demandes d’adhésion venant des producteurs de toute la région et même d’autres régions voisines mais les ressources ne permettant pas de satisfaire entièrement ceux qui sont déjà membres. Cela nous oblige à limiter un peu les acceptations des nouvelles adhésions. Mais ce qui motive les producteurs à venir à l’association, c’est d’abord la capacité d’offrir un certain nombre de services à nos membres notamment les appuis pour le renforcement des capacités techniques surtout sur la production, les opérations post-récolte du sésame, les techniques d’embouches au niveau de l’élevage, l’accompagnement des membres à avoir des crédits pour l’acquisition des semences améliorées, des herbicides, des insecticides, des équipements post-récolte et bien d’autres éléments. Nous leur offrons aussi des canaux qui les conduisent au financement pour la collecte. Nous accompagnons aussi certains producteurs dans les villages qui sont aussi de petits commerçants à avoir des crédits avec des institutions de micro finances. Tout cela incite les producteurs de la région à venir chaque jour pour adhérer à l’association.
Lefaso.net : Quelles relations votre association entretient-elle avec les autres associations de producteurs de sésame au niveau national ?
Yempabou Couldiati : Tinba entretient de très bonnes relations avec les autres associations ou unions de producteurs sœurs de sésame du Burkina. Nous collaborons beaucoup avec celles-ci dans le cadre des échanges d’expériences sur les techniques de production, les opérations post-récolte et en terme d’organisation de collecte et de commercialisation du sésame. Il y a plusieurs unions régionales, associations d’envergure provinciales ou d’autres régions qui chaque année, viennent s’inspirer de notre expérience en matière de vente groupée. Nous sortons aussi chaque fois vers d’autres régions pour visiter les champs et échanger avec nos confrères producteurs du sésame sur les techniques, les petits puces qu’ils ajoutent dans l’itinéraire pour l’amélioration de leur rendement.
Lefaso.net : Quel bilan faites-vous depuis la création de l’association jusqu’à nos jours ?
Yempabou Couldiati : Le bilan est positif. Nous sommes à notre 19e année d’existence et nous pouvons nous réjouir du bilan de nos actions. Le nombre des membres est passé de 50 en 1999 à 4 180 et cela est déjà un satisfecit. Ce qui veut dire que l’association a mérité la confiance des producteurs agricoles. D’un point de vue ressources, nous sommes vraiment heureux de voir que les moyens que les PTF mettent à notre disposition sont des moyens conséquents surtout pour la production. En termes d’infrastructures, nous disposons aujourd’hui de plusieurs magasins de stockage, de tracteurs, de charrues pour la production et pour le labour de nos champs. Nous disposons aussi de camions pour le transport. Même si tous ces éléments sont insuffisants pour nous permettre d’atteindre nos objectifs, c’est déjà des motifs de satisfactions.
Lefaso.net : Quels sont les défis qui se présentent à vous pour les années à venir ?
Yempabou Couldiati : En termes de défis et conformément aux objectifs que nous nous sommes assignés, Tinba se donne l’obligation de relever les défis d’amener les membres à avoir les meilleurs rendements dans tout ce qu’ils font afin que nous soyons une référence dans nos domaines d’activités au Burkina Faso et pourquoi pas dans la sous-région ouest africaine. Le deuxième défi c’est d’arriver à collecter et mettre sur le marché, la totalité de la production de nos membres. Actuellement, nous mettons entre 25 et 35% des produits de nos membres sur le marché parce que les ressources dont on a besoin pour tout collecter sont énormes.
Le troisième défi est de créer une plus-value des produits agro-pastoraux avant leur commercialisation, en les transformant. Par exemple si nous prenons le sésame, 90% de la production nationale est mise sur le marché de façon brute. Notre ambition, c’est de faire un nettoyage qui permet de l’envoyer directement sur le marché international avec un taux de pureté de 99% et même d’aller loin en transformant le sésame en huile avant de le mettre sur le marché international. Cela va encore renforcer l’atteinte de nos objectifs qui sont de pourvoir assez d’emplois pour les jeunes et surtout les femmes. Le quatrième défi c’est de continuer la promotion de l’esprit d’entreprenariat de nos membres.
Dans la vision de l’association aujourd’hui, nous voulons amener chaque membre à se développer soi-même plutôt que d’attendre un développement qui viendra de l’extérieur et ici nous faisons la promotion de l’esprit entreprenariat pour la perception de nos activités sur la commercialisation du sésame et de l’élevage, etc.
Entretien réalisé par
Soumaila SANA
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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