Un véritable mème ! Plus qu’un buzz, c’est un mème qu’a créé sur le Web ce que les contempteurs de Simon Compaoré appellent le « scandale Tranquilos », cette vidéo dans laquelle l’on voit le ministre de la sécurité au domicile d’un député frondeur de l’Union pour le progrès et le changement (UPC ), armé d’une kalachnikov et engoncé dans un gilet pare-balles.
Comme un bon mème, c’est-à-dire un contenu polymorphe viral sur le Net, repris, enrichi, déformé, et donc décliné sous différents formats, le concept « Tranquilos » est aujourd’hui décliné sur presque tous les tons.
Il y a les photos-montages qui mettent en scène Simon Compaoré dans des postures des plus guerrières, genre cow-boy de l’Ouest sauvage de l’Amérique ou de Robocop.
Il y a bien sûr la musique avec le single, opportunément et promptement sorti par Don Mélo. Il y a le maquis éponyme, que l’on dit situé dans le quartier Karpala de Ouagadougou. Et il y a encore le spray pour « députés frondeurs asthmatiques » en temps de rupture de ventoline ! Et le phénomène « Tranquilos » n’est peut-être qu’à ses débuts car avec les fêtes de fin d’année, l’on peut s’attendre à l’arrivage d’autres dérivés !
Ce qui est certain, c’est que ce bad buzz ne pouvait pas tomber au plus mauvais moment ; puisque c’est en plein forum national sur la sécurité que ce « maudit » film a fait irruption sur les écrans. Sur le coup, son service de communication que Lefaso.net a contacté en son temps pour avoir authentification du document, a répondu poliment que le ministre entendait se consacrer à la conduite du forum national sur la sécurité et qu’il répondrait à nos interrogations en temps opportun.
A la fin de ce grand rassemblement sur la problématique de la sécurité nationale, les journalistes, à l’affût depuis quelques jours, réussiront enfin à accoster Simon Compaoré qui n’a pas dérogé à la stratégie de communication adoptée dans cette affaire : botter en toucher. Le ministre d’Etat, ministre en charge de la sécurité, premier des ministres après le chef du gouvernement, se justifiera ainsi : « Je m’en fous de vidéo. Je ne travaille pas sur vidéo. Je vous remercie parce que vous avez eu la courtoisie de venir me voir. Je dois vous dire que je suis un analphabète dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Moi, je ne communique pas sur Internet ; parce que je ne sais pas comment ça marche. Vous savez également on utilise Internet pour détruire les gens. Moi, mon protecteur, c’est Dieu. C’est tout ce que j’ai à dire. Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre sort ».
Une chose est sûre au moins, si Simon Compaoré dit qu’il est analphabète dans le domaine des TIC, il faut le croire. Sinon, on ne comprendrait pas comment il n’a pas réalisé que le fait de laisser filmer la scène de sa visite nocturne chez un député frondeur de l’opposition était une erreur inadmissible pour une personnalité de sa fonction. Car on ne peut pas dire qu’il s’agit d’images volées par une caméra cachée ; en effet, on voit clairement la lumière de la caméra aller du ministre à son principal interlocuteur, le député Ladji Coulibaly, en passant par les membres de sa famille, dont son épouse et ses enfants, qui ne cachaient pas leur émerveillement de recevoir à la maison une telle personnalité.
On reproche parfois aussi au ministre Simon Compaoré de ne pas assez associer ses collaborateurs à ses décisions et de n’en faire qu’à sa tête. Peut-être que s’il était en compagnie de son chargé de communication, ouvde tout autre collaborateur averti, celui-ci aurait fait interdire la capture de cette scène burlesque.
Mais malgré ce qui paraissait évident, Simon Compaoré et les siens ont tenté de jouer la carte du faux, du montage et de la manipulation. Sur les réseaux sociaux et dans divers cadres de rencontres, les militants du MPP et Cie ont tenté, laborieusement, de faire accroire à la thèse du fake. Las !
La confirmation de l’authenticité du document incriminé est venue plus tard de la seconde tête d’affiche de cette inénarrable scène, le député Ladji Coulibaly soi-même. Le 11 novembre 2017, le député Coulibaly tenait une séance d’explications avec les militants de son parti dans son village natal de Toumousséni (15 km de Banfora, dans la Comoé) à propos de la fronde au sein de l’UPC. Sur les circonstances de la présence de Simon Compaoré à son domicile et sur la vidéo, voilà ce qu’il dit, selon ses propos rapportés par le correspondant provincial du quotidien : « Je suis arrivé à la maison, seulement après le départ des jeunes en furie. On m’a conseillé de ne pas rester, puisque ces jeunes pourraient revenir. Je suis ressorti et j’ai joint mon collègue Daouda Simboro à qui j’ai expliqué que des jeunes du parti ont effectué une descente chez moi. A son tour, celui-ci a saisi le ministre de la sécurité, Simon Compaoré, qui est venu en personne nous rassurer à la maison que des dispositions sont prises pour assurer notre sécurité. A mon âge, il n’est pas permis de mentir. C’est mon fils qui a filmé cette scène et qui, croyant bien faire, l’a envoyée sur la toile pour rassurer certaines personnes et en dissuader d’autres. Je regrette ce que ce post a provoqué comme réactions ; mais voilà comment les choses se sont passées » . Dont acte ! On n’aurait pu tirer le rideau mais dans le genre mème, le meilleur est sans doute encore à venir.
Une des leçons que l’on peut retenir de bad buzz, c’est que nos responsables politiques, même quand ils ne confessent pas leur analphabétisme dans les TIC (à l’exemple de Simon Compaoré qui a été le parrain de la 13e édition de la Semaine nationale de l’Internet, tenue du 7 au 11 novembre 2017), n’ont pas encore pris toute la mesure de ces nouveaux moyens de communication. Ce, malgré tous les discours et les opérations de sensibilisation à leur endroit. Ils l’apprendront sans doute à leur rythme, et à leurs dépens !
C. PARE
Lefaso.net
1.Des jeunes de l’UPC avaient décidé de faire le tour des domiciles des députés frondeurs pour réclamer la démission des députés frondeurs NDLR
2.Le Pays, N° 6470 du 14 novembre 2017, p.14
Source: LeFaso.net
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