Depuis la semaine dernière et la visite d’un certain Nana Thibault à Blaise Compaoré à Abidjan, le microcosme politico-médiatique et les réseaux sociaux bruissent de rumeurs de retour de l’ancien chef de l’Etat burkinabè ; aux uns apportant crainte, angoisse et colère ; aux autres, espoir et euphorie…

Les déclarations à la presse se multiplient, Facebook s’enflamme. C’est à qui aboiera le plus fort et le mieux, dans l’espoir de se faire remarquer et de s’attirer les bonnes grâces des bonzes de son camp.

Moi je regarde tout cela avec tristesse et commisération, mais également avec beaucoup d’amusement…

Non seulement tout ce beau monde ne se rend toujours pas compte que le Burkina ne se résume pas aux règlements de comptes entre les différents avatars du système Compaoré, mais en plus, ils sont passés experts en polémiques autour de questions qui n’existent pas.

Car enfin, est-il besoin de rappeler que personne n’a chassé Blaise Compaoré de son pays ???

Avant la mort des premiers manifestants abattus devant le domicile de son frère François Compaoré le 30 octobre 2014, on ne lui demandait qu’une seule chose :

arrêter son forcing sur l’article 37, terminer son mandat, et tenir pour une fois sa parole en s’en allant après. On lui avait même voté une loi d’amnistie sur mesures, trouvé un point de chute à la tête de la Francophonie. Bref on avait tout fait pour qu’il s’en aille paisiblement.

Il en a décidé autrement, et on s’est alors mis à lui demander de quitter le pouvoir purement et simplement. Personne ne voulait prendre le risque de lui laisser un an encore pour reprendre les choses en mains comme à son habitude.

Les choses étaient allées trop loin. Une fois de plus, une fois de trop, la violence politique avait fait des morts et des blessés sous ce régime…Beaucoup craignaient d’y laisser leur vie. En une année, bien d’accidents regrettables peuvent survenir…Et cette crainte a énormément pesé dans le dénouement de la crise.

Donc, on a chassé Blaise Compaoré de Kosyam, mais pas du Burkina. Il est donc libre d’y revenir car il en est parti librement.

Où est donc le problème ?

Le problème, c’est que personne ne fait confiance aux institutions dans ce pays, et en particulier à la justice. Personne ne s’attend à ce que tout le monde joue dans les règles que nous nous sommes données. Personne ne croit que les institutions vont fonctionner correctement et nous protéger.

Personnellement, je souhaite que Blaise Compaoré revienne au Burkina, et idéalement accompagné par son petit frère François Compaoré, qui, à lire le dernier numéro de JA, semble être pris d’une soudaine envie de parler… Et cela tombe bien ! Nous avons beaucoup de questions à lui poser.

Je souhaite que Blaise Compaoé revienne parce qu’en son absence, des pans entiers de notre histoire resteront encore pour longtemps dans l’ombre. Bien-entendu, il devra rendre des comptes, mais cela devra se faire avec tous les égards dus à son rang d’ancien président, comme dans tous les pays civilisés du monde. Le Burkina s’honorerait en cela.Et c’est aussi comme cela que les présidents africains cesseront d’avoir peur de quitter le pouvoir !

Je souhaite également que Blaise Compaoré revienne, parce que quoi que l’on en pense, après 30 au pouvoir dans ce pays, il dispose d’une expertise et d’un réseau unique dont le pays aurait bien besoin, sous certaines conditions bien évidemment.

Je souhaite enfin qu’il revienne pour que nous puissions lever une fois pour toutes l’hypothèque Compaoré sur le présent et l’avenir de ce pays.

Beaucoup de mes camarades ne partageaient pas mon opinion sur la question. Je me suis rallié à la majorité car c’est la règle dans toute entreprise collective. Mais je n’ai pas changé d’avis.

Je pensais qu’il fallait finir l’insurrection dans les urnes. J’étais favorable au vote de la Loi Chérif Sy car il faut bien que certains comportements politiques soient sanctionnés, mais contre son application rétroactive ; on ne corrige pas une injustice en en commettant une autre…

Il fallait finir de faire trancher le conflit politique par les urnes. Ce point de vue n’a pas prévalu. Là encore, la peur du RSP et de la puissance financière du CDP ont joué à fond. Je reste persuadé pour ma part que c’était une erreur.

En 2015, le CDP était à terre et atone. Même lorsque Zida a suspendu de manière cavalière le CDP, dissout la FEDAP/BC et jeté arbitrairement des maires CDP en prison, ils n’ont pas bronché tant ils craignaient encore la vindicte populaire. Il y a des endroits au Burkina où ils n’auraient même pas osé aller battre compagne, encore moins organiser des meetings.

C’est précisément la Loi Chérif Sy qui leur a donné l’occasion de se poser en victimes et d’en appeler à la CEDEAO. C’est encore la Loi Chérif Sy qui leur a servi de prétexte pour aller au bout du troisième coup de force du RSP sous la Transition, en admettant cette fois-là qu’il s’agissait bien d’un putsch !

Le CDP est bien évidemment plus fort aujourd’hui qu’il ne l’était en 2015, et le retour de Blaise Compaoré galvaniserait ses troupes. Et alors ? C’est aussi ça, la démocratie !

Aux autres partis, en commençant par la majorité, de convaincre les électeurs par leurs résultats ou leurs propositions, qu’ils ont mieux à leur proposer qu’un retour à ce qu’ils ont connu pendant 27 ans ! A mon humble avis, cela ne devrait pas être si difficile que cela !

Bref, levons l’hypothèque Compaoré, et avançons !

Maixent SOME

Directeur de Projets SI

Citoyen engagé

Paris.

Source: LeFaso.net