La digue du barrage de Koubri, commune urbaine située à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou, a cédé dans la nuit du vendredi 25 août 2017. Conséquence : le monastère Saint Benoit de ladite commune a été submergé un bon moment et quelques dégâts matériels sont à déplorer. Fort heureusement, il n’y a pas eu de perte en vie humaine.

Triste constat ce samedi après-midi au monastère Saint Benoit de Koubri. Des flaques d’eau par ci, des murs détruits par-là, le tout dans un silence monacal qui s’accorde avec les cris de quelques roussettes. Dans certains bâtiments, l’on tente de racler l’eau et de sauver le reste des provisions de la semaine, les ustensiles de cuisine, réfrigérateurs et bouteilles de gaz.

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Ici les habitants de la localité aident les moines à évacuer l’eau

Tandis que dans d’autres tels que la bibliothèque, la majorité des livres ont échappé à la destruction. Des véhicules garés sous un hangar ont visiblement pris une douche froide. « Pour l’heure, on ne sait pas s’ils fonctionnent », a indiqué le Frère Amos Zongo, notre guide du jour. Un autre véhicule abandonné près des bois et qui transportait cinq moniales a failli être emporté par les eaux. Fort heureusement, elles ont été secourues par le Frère Marius Alexandre Ouédraogo et un habitant de la localité. Qu’est-ce qui a bien pu troubler la sérénité de ce lieu de prières et de recueillement où vivent une vingtaine de moines ?

Pourtant il n’y a pas eu de pluie

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Le promoteur du site lefaso.net Cyriquue Paré à l’extrême gauche et des conseillers municipaux lors de la visite guidée par le Frère Amos Zong

Selon le frère Amos Zongo, c’est vendredi, aux environs de 19h, que la digue du barrage situé à quelques centaines de mètres du monastère a cédé provoquant ainsi l’écoulement des eaux dans les vergers et rizières jusqu’à la clôture du monastère. Sous la pression des eaux qui se trouvaient à une hauteur de près de deux mètres, une partie du mur s’est écroulée. Les traces du niveau de l’eau sont encore visibles sur certains bâtiments. Pourtant, le frère Amos Zongo nous a confié que la destruction de la digue n’est pas due à une forte pluie tombée dans la zone. La dernière pluie, à l’en croire, date du lundi 20 août.

Tout sauf l’Eglise

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Ici l’on a réussi à sauver refrigérateurs, bouteilles de gaz et quelques provisions de la semaine

Pour les anciens pensionnaires de ce monastère, cette triste scène rappelle bien une autre qui a eu lieu le 9 octobre 1992, un vendredi aussi. Frère Marius Alexandre Ouédraogo se trouvait à ce moment au verger situé au nord du monastère. La digue du même barrage, réalisé en 1962 par l’Etat voltaïque à la demande des premiers moines, avait également cédé. Hormis les vergers détruits, l’eau n’avait pas fait beaucoup de dégâts.

Contrairement à cette première inondation, celle de ce vendredi 25 août a été plus grande car la végétation très abondante vers l’est, les eaux ont coulé en direction du nord où elles ont détruit le mur situé près du Noviciat. Fort heureusement, le premier réflexe des moines a été de débrancher les appareils électriques et de sauter le disjoncteur. Ce geste a permis de limiter les dégâts. Même si la plupart des bâtiments visités ont été en partie inondés, l’Eglise, elle, est restée intacte. Pas une goutte d’eau à l’intérieur. Un miracle !?

Plusieurs travaux avant que la digue ne cède

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Frère Marius Alexandre Ouédraogo

Depuis près d’une décennie, le barrage présente des signes de détresse, foi du Frère Marius Alexandre Ouédraogo. Les derniers travaux de colmatage de la digue remontent à la date de composition du BEPC (Brevet d’études du premier cycle), soit le 1er juin 2017. « Ce jour-là, le maire nous a donné la somme de 20 000 F CFA », se souvient le Frère Ouédraogo qui n’a pas manqué de préciser que les travaux de renforcement de la digue ont été possibles grâce aux contributions des moines et de la population un peu réticente au départ. Présent sur les lieux, ce samedi, le promoteur du site lefaso.net, Dr Cyriaque Paré a fait un don au monastère pour lui permettre un tant soit peu de gérer cette situation.

Silence radio à Ouagadougou malgré les alertes

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Marcel Zoungrana, maire de la commune de Pabré sur la digue du barrage

Que dit l’autorité municipale ? En nous rendant sur la digue pour constater les dégâts, nous étions surpris de voir des femmes s’adonner au commerce de poissons et crevettes. Selon, le Frère Amos Zongo, après que les eaux se sont retirées aux environs de 21h, les populations ont pris d’assaut le barrage pour capturer les poissons. « On aurait dit dans un marché. Il y avait vraiment du monde », a amplifié notre guide. Poursuivant notre chemin, toujours sur la digue, nous avons rencontré le maire de la commune de Koubri, Marcel Zoungrana qui dit être consterné par cet accident qui vient de diviser sa commune en deux et détruire les jardins de près de 500 maraichers. Avant de lancer un cri de cœur à l’Etat, il a souligné avoir écrit à deux reprises « à qui de droit » pour trouver une solution au barrage. A part la mission venue de Ouagadougou pour constater l’état de la digue, rien n’a été fait.

En attendant donc que la capitale se remette de ses émotions après l’inhumation du président de l’Assemblée nationale, le maire de Koubri a annoncé la tenue prochaine d’une réunion du conseil municipal afin de trouver une solution au problème dans l’immédiat.

Herman Frédéric Bassolé

Lefaso.net


Le Monastère Saint Benoit de Koubri en bref

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Brève présentation du monastère avec le Frère Jean Christophe Ouédraogo

Le Monastère Saint Benoît de Koubri a été officiellement fondé en 1963, même si les premiers moines, des Français au nombre de sept, sont arrivés deux ans plus tôt. Aujourd’hui, le Monastère abrite une vingtaine de moines de trois nationalités : burkinabè, malienne et tchadienne. On y trouve également la communauté des moniales. Le charisme des moines est la prière pour le monde, l’Eglise et le Burkina Faso. Selon le Prieur administrateur, Frère Jean Christophe Ouédraogo, la devise des Bénédictins est « Pax », la paix en latin. Mais il leur arrive d’ajouter « Aura et labora » qui signifie « prie et travaille ».

C’est donc fort de cette devise que les moines en plus de la prière, pratiquent l’élevage, le conditionnement du lait frais de vache (Le yaourt de Koubri est produit par les moniales), la culture des agrumes, de la papaye et la transformation de ces fruits en confiture. Les moines s’investissent également pour le développement économique et social de la commune et partant du Burkina Faso. Selon le Frère Amos Zongo, les statistiques du ministère de l’eau indiquent que depuis leur arrivée au Burkina Faso, les moines ont réalisé 120 retenues d’eau. A quelques encablures du monastère, un barrage a été construit en 1971 avant que sa digue ne cède en 2005. Une école primaire a été déjà construite près du monastère et un collège et un bâtiment administratif sont actuellement en construction.

HFB

Lefaso.net

Source: LeFaso.net