La campagne de reboisement pour cette année 2017, vient d’être officiellement lancée par le Ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie. A cette occasion, nous avons rencontré un jeune formateur en agro-écologie. Lui, c’est Kouenou Meme dit Pascal, il est le directeur du centre de formation agro-écologique de Daboura, village situé dans la commune de Solenzo, province des Banwa dans la Région de la Boucle du Mouhoun. Pour notre interviewé, on peut reboiser sans planter, d’ailleurs c’est le meilleur reboisement selon lui.
Pouvez-vous vous présenter à nos milliers de lecteurs du Burkina et d’ailleurs ?
Je suis Kouenou Meme dit Pascal, je suis le directeur du centre de formation agro-écologique de Daboura (CFAD). Ce centre de formation a été mis en place en 2007, son premier nom était Maison Familiale Rurale (MFR) dont l’initiation était de former les jeunes aux métiers comme l’agriculture, l’élevage et la maraicher-culture. En 2017, nous avons transformé la Maison Familiale Rurale (MFR) en centre de formation agro-écologique de Daboura (CFAD) qui va mettre l’accent sur l’agro-écologie. Le centre est placé sur une colline, qui était vraiment presque nue avec des gravillons. On y trouvait quelques arbustes et des herbes.
Les gens utilisaient le gravillon pour les constructions, il y avait peu d’arbres et les herbes étaient brulées sur tout l’espace. Les animaux pâturaient. Actuellement, le centre à une clôture en grillage et on a des espaces reverdis d’herbes et de diverses espèces qu’on ne retrouvait plus. Des plantes comme le karité, le niébé, les lianes et bien d’autres y poussent un peu partout. L’herbe qu’on utilisait pour faire le balai est présente et les termites sont aussi de retour sur la place, avec des termitières en construction. Les ruches qui sont placées sont colonisées par les abeilles, on ne peut pas placer une ruche ici, sans qu’elle ne soit colonisée. Cela signifie que la vie, la nature laissée à elle-même se régénère et la vie est propice à tous c’est-à-dire aux plantes, aux animaux et à l’homme. Il y a le retour de certains animaux tels que le lièvre dans les touffes ici, le hérisson qu’on voit un peu partout, les reptiles aussi.
Quelles sont les activités que vous menez dans ce centre actuellement ?
Les activités que nous menons sur le centre actuellement concernent l’agro-écologie, la formation des jeunes et des paysans en agro-écologie. Nous offrons des sessions de formations qui consistent à mobiliser les apprenants autour d’un cours théorique et aussi pratique. Nous initions aussi les jeunes aux métiers à travers des ateliers de tissage, de menuiserie, de plomberie, de grillage, d’électricité et de transformation des produits locaux. Nous voudrions par ceci susciter l’engouement et le dévouement des jeunes aux métiers et dans les mêmes moments les accompagner et les orienter vers des propriétaires d’ateliers avec lesquels ils pourront avoir la main puis, se professionnaliser.
Nous avons mis aussi en place un programme avec la jeunesse rurale qu’on a baptisé Jeunesse Environnement et Développement Durable. Nous sommes présents dans plusieurs villages de la commune de Solenzo et même en dehors de la commune. On a mis en place des groupes de cinq jeunes chargés chacun de garder un espace de un hectare minimum. Notre slogan actuel est tous unis pour reconstruire un monde viable pour nos enfants et nos petits-enfants.
Selon vous, quelles sont les bonnes méthodes d’un reboisement réussi ?
Le reboisement est bien et est à encourager, mais il faut noter qu’une chose est de faire des reboisements, une autre chose est de l’entretenir. On ne peut pas reboiser sur un espace non protégé avec succès et les exemples sont nombreux. A mon avis, il faut reboiser des espaces gardés de mise à défend, les protéger, pour permettre à cet espace de se régénérer. Nous avons aujourd’hui des espaces qui ont reverdi avec le retour de beaucoup d’autres espèces qui avaient disparu. On a certes planté des arbres, mais d’autres plantes ont poussé d’elles-mêmes et ce sont les plus nombreuses.
Faire des reboisements c’est bien, mais pensons à la nature, à lui donner son droit, elle fera son travail elle-même et va se régénérer avec des arbres, des herbes qui vont pousser et grandir mieux que ce que l’homme a planté. Aujourd’hui il est difficile à l’homme de faire une pépinière de karité, de le faire grandir, d’aller le reboiser pour avoir un arbre qui va donner des fruits de karité. Dans nos espaces gardés et même ici au centre, on a de jeunes karités qui sont en train de pousser bien et dès trois ans, ils vont devenir des grands arbres qui vont donner des fruits et ça on voit l’utilité et l’importance de notre action.
Donc il faut encourager les espaces de mise en défend et aussi accompagner les paysans en faisant des reboisements. On peut commencer par faire des haies vives pour protéger les arbres avec du cisal et ça nous avons commencé à le faire ici au centre et nous répartissons les cisals aux groupes pour qu’ils puissent faire les haies vives qui sont des barrières naturelles, une clôture naturelle qui peut protéger l’espace et permettre sa régénération car les animaux ne pourront pas avoir accès, garantissant ainsi la survie de ces espaces.
Dans votre confidence que vous nous avez faite avant notre entretien, pourquoi un vieux est venu chercher de l’herbe qu’il a tant cherchée ailleurs ici ?
Ici, il y a quelques semaines, un vieux est venu chercher une herbe qu’on utilise comme produit, surtout chez la femme qui vient d’accoucher. On fait bouillir ça et la femme boit, elle peut laver le bébé avec, c’est un produit très traditionnel que les anciens utilisaient ; et que maintenant il a fouillé un peu partout dehors sans trouver mais des gens lui ont dit de venir au centre. Il est venu me dire ça, j’ai dit ok faut voir si tu vas trouver ça. Il l’a retrouvé et est revenu me montrer l’herbe et je lui ai dit d’aller prendre selon son besoin. Il est allé prélever les herbes et est venu me demander combien il doit payer, mais je lui ai répondu qu’il ne paye pas. Je lui ai suggéré, s’il a un champ d’au moins un hectare, de conserver une portion sans cultiver, il se pourrait qu’il voit régénérer dans cet espace l’herbe qu’il est venu chercher.
Dites-nous qui est le pionnier de l’agro-écologie et qu’a-t-il dit dans ses œuvres ?
C’est un algérien français, Pierre Abbih. Il a eu à dire que aujourd’hui si l’homme quitte la terre une année, à notre retour chacun chercherait son domicile. C’est pour dire que la nature laissée à elle-même a la force de faire du miracle, elle peut faire pousser des herbes et de très bonnes herbes. Et c’est pourquoi j’ai appelé la colline que nous avons restaurée la colline des miracles, car je n’arrivais pas à expliquer comment un endroit nu laissé à lui-même fait pousser des arbres, vraiment c’est du miracle. Là où l’herbe pousse, les feuilles des arbres tombent et couvrent le sol en formant de l’humus en faisant revenir la terre. Ainsi les cailloux qui étaient présents disparaissent au fond et nous pouvons dire qu’au fil des années, avec la terre qui est entrain de revenir, nous aurons de la terre arable où nous pourrons cultiver.
Comment se fait le recrutement dans le centre ?
Nous ne recrutons pas avec un niveau, tous peuvent être recrutés dans la tranche d’âge de 12 à 22 ans. Il leur suffit d’être aptes et suivre la formation. Avec niveau ou pas, nous les admettons au centre où nous donnons des cours théoriques et aussi pratiques. Nous leurs apprenons à lire, à compter, à écrire. Nous donnons des cours en SVT (Sciences de la vie et de la terre, ndlr) qui est spécifique à notre centre, accentués sur l’arbre, l’herbe, les activités liées à la terre et à son entretien. Nos modules de formations concernent les cordons pierreux, le maraichage dont la pratique permet de protéger l’homme et de protéger l’espace.
Y a-t-il des séances où vous faites sortir vos élèves ?
Oui, ici l’espace de champ est de 7 hectares reparti en 4 zones : élevage, habitation, une zone de mise en défend, de pâturage et une zone de jardin de plantation et de champs école qui sont des petits champs que nous cultivons avec la technique agro-écologique (avec compos, sans engrais, herbicides et de produits chimiques) et les rendements par constat sont bien meilleurs. Aussi, l’entretien n’est pas aussi pénible contrairement à ce que pensent les gens qui croient qu’il faut de vastes champs pour avoir beaucoup de récoltes. Mais avec du compos à l’appui, on peut avoir plus de rendement sur un espace moins vaste. Nous avons aussi des postes compostiaires où nous fabriquons le compost fait avec du fumier de la biomasse (feuilles, tiges + eau et cendre, on fait le montage en tas puis on retourne chaque 15 jours et au bout de trois retournements on obtient du compost, de l’engrais original sans produit chimique).
Selon vous, qu’est-ce qui explique la disparition de certaines espèces comme l’abeille ?
C’est à cause de notre pratique agricole que des espèces disparaissent. Notamment l’utilisation des produits chimiques car ils tuent les insectes, les abeilles. Avant, la production du coton OGM a tué beaucoup d’abeilles chez nous. Actuellement c’est le coton conventionnel qu’on cultive avec un traitement à base de produits chimiques. Ainsi, nous remarquons la disparition des termites et termitières. Cependant, sur notre centre, nous voyons des termitières en reconstruction, les fourmis aussi reviennent. Mais là où les espaces sont protégés on observe la présence de ces espèces, de ces insectes. Et puis il faut noter que les insectes ne sont pas inutiles pour nous. Certes nous ne le comprenons pas mais il faut noter que sur la terre tout est lié ; car cela forme un bloc qu’on appelle écosystème. Nous pouvons ignorer l’utilité d’une espèce mais une autre espèce que nous avons d’utilité peut être tributaire de cette espèce dont nous ne voyons pas l’utilité.
Quel mot pouvez-vous lancer à l’endroit de nos populations ?
Pour les populations, je dis que notre avenir se tient dans la préservation de notre environnement, de notre sol, dans une agriculture respectueuse de l’homme et de l’environnement. Et pour ce faire, il faut se former et apprendre les techniques agro-écologiques qu’on peut mettre en place pour de telles cultures pour une agriculture qui ne nous détruit pas. Dans les centres nous disposons des locaux, des ateliers, des modules de formations. Et je lance un appel à toutes les populations de s’engager à l’agro-écologie et de s’inscrire pour la formation.
David Demaison NEBIE
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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