Que se passe-t-il entre la Loterie nationale burkinabè (LONAB) et les promoteurs des clubs PMU’B (Paris mutuel urbain du Burkina) ? Depuis quelques temps, ces derniers dénoncent le silence de la nationale des jeux du hasard sur leur demande de réouverture des clubs fermés depuis juin 2016. Une situation qu’ils jugent insupportable au regard des énormes investissements qu’ils disent avoir réalisés et des pertes en dizaines de milliards pour la LONAB.
« Cinquante ans au service du développement socio-économique du Burkina ». C’est sous ce thème que la LONAB fête son jubilé d’or cette année. Un anniversaire qui n’est pas sans rappeler l’importance du pari mutuel urbain (PMU’B), l’un des jeux phares de la société qui séduit des millions de parieurs même dans les recoins du Burkina. Seulement depuis 2016, des clubs PMU’B qui pourraient constituer une grande source de revenus pour la LONAB sont fermés. 75 seulement à Ouagadougou et plus d’une centaine sur le reste du territoire burkinabè. Les promoteurs de ces clubs, après avoir obtenu des autorisations d’ouverture des locaux pour les paris hippiques, ont dû mettre la clé sous la porte à la suite d’une demande de remise des machines d’enregistrement. Pourtant, se souvient Ouédraogo Abdoulaye, l’un des promoteurs que nous avons rencontré ce mercredi 19 juillet 2017, « chacun de nous a investi plus de deux millions de F CFA y compris la caution pour l’ouverture des clubs ».
« Pas de communication »
« Le 16 juin 2016, pendant que nous étions en train d’enregistrer les jeux de nos parieurs, nous avons désagréablement constaté la disparition de l’application de la LONAB sur nos machines. Nous avons joint le service technique qui nous a fait savoir que nous devons rapporter la machine au niveau de la société. Ceci étant fait, ils nous ont dit qu’ils nous rappelleraient. Depuis ce jour, il n’y a plus de communication relative au retrait des machines. Nous avons entrepris des démarches auprès des responsables de la LONAB qui nous ont fait savoir qu’ils voulaient renouveler le parc des anciennes machines avant de restituer celles des promoteurs. En octobre 2016, nous avons constitué une délégation pour aller voir le DG de la LONAB, Lucien Carama. Celui-ci nous a fait comprendre qu’une commission d’enquête a été mise en place pour statuer sur le respect des conditions particulières de l’ouverture des clubs », relate Ouédraogo Abdoulaye qui avait à ses côtés Mme Ilboudo une autre promotrice. Les deux sont convaincus qu’il y a anguille sous roche dans cette affaire et qu’un individu « bloque le dossier ».
« Tout est parti de Loumbila »
Au moment des faits, M. Patrick Sedogo était directeur régional du centre de la LONAB. Sa direction coiffait les villes de Ouagadougou, Koudougou, Dori, Kaya et Ouahigouya. Débarqué de son poste en juin 2016, il est aujourd’hui conseiller au sein de la société. En compagnie de notre confrère de l’Observateur Paalga, nous l’avons rencontré ce 25 juillet 2017 pour en savoir plus sur cette affaire qui n’a pas encore révélé tous ces dessous. « J’ai accepté vous parler parce que mon nom est lié à cette affaire de fermeture des clubs. Je ne vous parle pas aussi pour charger quelqu’un. Je veux juste dire la vérité au peuple burkinabè afin que les gens puissent trancher », a-t-il placé à l’entame de son propos. Et de préciser que « les clubs sont fermés pour faire croire aux promoteurs que des gens ont volé ». A l’en croire, tout est parti de Loumbila lorsqu’au cours d’un atelier, les responsables de la LONAB (lui y compris) ont défini les critères d’attribution des clubs PMU. Comme pour apporter les preuves de ce qu’il nous disait, il a sorti des documents de son sac, dont il a toutefois refusé de nous communiquer le contenu car a-t-il dit : « ce sont des documents internes ».
Soit ! Il a souligné qu’à cette rencontre à Loumbila, les initiateurs du canevas sur les critères avaient souhaité que le registre de commerce soit pris en compte parmi les conditions. « Mais de commun accord, nous avons décidé de retirer cette condition car on ne pouvait pas demander un registre de commerce à un gérant qui travaille sous le nom de la LONAB », a indiqué M. Sedogo. Ce dernier s’est dit surpris de constater qu’à la rédaction de la note définitive, le registre du commerce a été réintroduit comme critère d’attribution des clubs. « J’ai appelé le DG pour lui dire que ce n’était pas normal, mais il n’y a pas eu une note pour annuler la première », a-t-il déploré.
Début des problèmes
Poursuivant son récit, l’ancien directeur régional de la LONAB du Centre a indiqué que six clubs PMU’B ont fermé à Ouagadougou. Dans les autres régions à Bobo-Dioulasso et Koupéla, certains avaient également fermé car les machines tombaient en panne et les promoteurs ne pouvaient obtenir des pièces de rechange. « Quand nous étions à Loumbila, il y avait de nouvelles machines (plus de 200) qui étaient déjà arrivées. Ensemble, on avait décidé de procéder à la répartition des machines, à l’ouverture des clubs fermés et au remplacement des machines qui tomberont en panne ultérieurement », a rappelé M. Patrick Sedogo. Et de poursuivre : « Pour la mise en application, nous avons convoqué les promoteurs des six clubs fermés, on les a formés et on leur a donné les machines. Une semaine après c’était chaud, car les promoteurs ont dit qu’il n’y avait pas de réseau sur les machines et que celles-ci avalaient l’argent. C’est alors que toute la force de vente a commencé à dire que les machines n’étaient pas de bonne qualité. Ceux qui avaient leurs vieilles machines et qui devaient être remplacées par les nouvelles ont refusé. Ils souhaitaient qu’on prolonge la vente des anciennes machines. Je leur ai dit que techniquement ce n’était pas possible ».
Le coup de fil du DG Carama
- Patrick Sedogo, ancien directeur régional du centre de la LONAB
La situation commençant à dégénérer, M. Sedogo déclare avoir proposé à la direction générale de former l’association des promoteurs. Mais certains d’entre eux étaient réticents, à l’en croire. Qu’à cela ne tienne, les promoteurs ont été formés, les machines déployées et les clubs ouverts. « Rien n’a été ouvert à l’insu de la direction générale », a-t-il précisé avant de poursuivre qu’après le déploiement des machines fixes à Kaya, à Dori, à Ouahigouya et Koudougou, le 9 juin, un groupe de femmes, qu’il considère « manipulées par des agents de la LONAB », ont décidé de marcher sur la direction régionale sous prétexte qu’elles n’ont pas eu de machines. N’ayant pas eu gain de cause, elles se sont retrouvées à la direction générale de la LONAB où elles ont été reçues le même jour par un conseiller. « Le DG était en mission et quand il est rentré, il nous a écartés des négociations. Jusqu’au 24 juin, où je reçois un coup de fil de la direction générale me demandant de passer », se souvient M. Sedogo.
C’est ce jour-là, selon M. Sedogo, que le DG Lucien Carama lui a fait savoir qu’il ne pouvait plus rester à son poste de directeur régional du centre car de graves accusations de fraude et de vols pesaient sur lui. On l’accusait notamment de s’être fait ouvrir dix clubs et d’avoir pris trois millions de F CFA chez chaque promoteur pour l’ouverture des clubs.
« J’ai 40 ans de service dans cette boîte »
Pour laver son honneur, M. Sedogo qui se dit être victime d’une « injustice » nous confie avoir introduit une plainte en justice. Et il défie quiconque parmi les promoteurs de lui apporter une preuve qu’ils lui ont remis de l’argent pour l’ouverture des clubs. « Si jusque-là, j’ai refusé de parler, c’est à cause de tout ça. Mais comme rien n’avance, je suis obligé de parler. Une commission avait été mise sur place à la LONAB pour investiguer sur les clubs. Jusqu’à présent, la commission n’a pas déposé ses conclusions. J’ai personnellement écris à la direction générale pour leur demander de mettre ces conclusions à notre disposition. S’il est vrai qu’il y a eu fraude, alors j’assumerai. J’ai 40 ans de service dans cette boîte. Pendant tout ce temps, on ne m’a rien reproché et c’est en 2016 que ça arrive. J’ai été relevé sans qu’il n’y ait un semblant d’enquête », a-t-il déploré.
Le DG Lucien Camara débarqué
Revenons au promoteur Abdoulaye Ouédraogo. Loin du secret des dieux de LONAB, lui et ses compagnons disent avoir entrepris moult démarches pour comprendre la situation. Des démarches qui les ont conduits à rencontrer l’actuel DG de la LONAB, Simon Tarnagda, auparavant conseiller technique de son prédécesseur et président de la commission d’enquête dont les conclusions sont inconnues. « Le 14 mars, ils nous ont appelés à midi de passer à la société. Nous avons été accueillis par la directrice commerciale et marketing, Mme Nabaloum, qui n’avait visiblement rien à nous dire. Ils nous ont demandé d’exposer notre problème. C’est ce qu’on a fait. Nous avons cherché à savoir si le problème venait de nous ou de la LONAB. Ils nous ont dit que le problème était interne et que nous étions des victimes collatérales. Ils nous ont également rassuré qu’ils procèderaient à une ouverture des clubs au cas par cas. Ils ont fait sortir une liste à cet effet et le 4 mai, le premier lot a débuté une formation sur l’utilisation des nouvelles machines. Mais, c’est la veille (le 3 mai, NDLR), que le conseil des ministres a débarqué le DG, Lucien Carama. La formation a donc été suspendue », relate le promoteur Abdoulaye Ouédraogo.
Les promoteurs des clubs tournés en bourrique ?
Et de poursuivre, « Lorsque M. Tarnagda a pris fonction le 22 avril, nous avons demandé une audience à travers la direction régionale du centre. Il nous a demandé de patienter car il voudrait prendre la température de la boîte. Nous avons réintroduit une autre demande. Mais, rien. Nous avons demandé par la suite une autre audience mais celui-ci ne voulait recevoir qu’une seule personne. Chose que nous avons refusée car ce n’est pas qu’une seule personne qui est concernée par le problème. Nous avons proposé d’envoyer une délégation. Il n’a rien dit. Pour lui, si on a pu supporter tout ce temps-là (15 mois), c’est qu’on peut encore attendre jusqu’à trois mois ».
Silence radio en attendant le mois d’août
Dans un souci d’équilibre de l’information, nous avons tenté de joindre l’ancien DG, Lucien Carama. Ce dernier n’a pas souhaité s’entretenir avec nous sur cette affaire. « Je ne peux pas parler de ça. Je ne suis plus à la Loterie. Je ne suis pas habilité à parler de ça. Non non non ! Il faut voir le DG (Simon Tarnagda, NDLR), il va vous répondre. Ce serait mal placé que je parle de ça », nous a-t-il répondu au téléphone, ce 26 juillet 2017 dans la soirée.
Du côté de la direction générale de la LONAB, l’on nous a fait savoir que le premier responsable est actuellement en mission. La société a toutefois marqué sa disponibilité à arranger un rendez-vous début août avec le directeur général. A en croire une source de la boîte, le nouveau commandant de la Loterie nationale burkinabè compte mettre de l’ordre d’abord à l’interne avant de s’attaquer à la réouverture des clubs PMU’B. Affaire à suivre donc !
HFB
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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