Dans l’écrit ci- après, Nestor Samné revient sur deux déclarations faites par Me Halidou Ouédraogo sur l’affaire Dabo Boukary, l’une en 1991 en tant que président du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP), et l’autre il y a quelques jours (février 2017), en tant que président de la Commission constitutionnelle. Pour M. Samné, parce que ces deux discours ne disent pas la même chose, l’un d’entre eux est faux. Et il faudra, à son avis, tirer l’affaire au clair.

Dans le Burkina post-insurrectionnel, l’affaire Boukary DABO, étudiant en médecine disparu suite à des événements sur le campus de l’Université de Ouagadougou en 1990, refait surface. Les attentions se focalisent sur la probable implication de Salifou Diallo (président de l’Assemblée nationale, ndlr), en son temps proche collaborateur du président Blaise Compaoré.

Pour donner sa version récente de la chose, Me Halidou Ouédraogo, ancien Président du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) et aujourd’hui président de la Commission Constitutionnelle, a accordé une interview à un média de la place. Il n’y va pas avec le dos de la cuillère pour marteler sa vérité : (1) « On ne peut pas me faire dire que Salifou Diallo a contribué à la liquidation physique de Dabo Boukary. Il a plutôt contribué à sa libération. Et ça, j’en suis un témoin » (Halidou O. Président de la Constitution Constitutionnelle, CC ; Fév 2017).

Cette récente thèse de Me Halidou Ouédraogo, légendaire combattant et défenseur de la démocratie burkinabè, ne manque pas de surprendre. Face à sa position de 1991, cette sortie de Me Ouédraogo. nous plonge dans une incohérence parfaite. Pourquoi ? Le 23 février 1991, une déclaration du MBDHP informe : (2)

« Considérant que le Camarade Diallo Salif s’est particulièrement illustré dans des cas de violations graves des droits de l’Homme, notamment à l’occasion des événements de l’Université de Ouagadougou en mai 1990 :

- Conduite des forces de l’ordre sur le campus – Ordre d’arrestation, d’incarcération et de tortures d’étudiants avec pour conséquences entre autres la disparition de l’étudiant DABO Boukary.

- Considérant que toutes ces actions portent gravement atteinte à la moralité et aux nobles idéaux du mouvement,

- La première Assemblée statutaire du MBDHP, tenue à Ouagadougou le 23 février 1991 :

Premièrement : prononce la déchéance du Camarade DIALLO Salif de son mandat de Conseiller du Comité Exécutif National », (Halidou Ouédraogo, MBDHP, février 1991).

Oh combien l’histoire conserve fidèlement les actes et paroles à travers le temps quand bien même les Hommes changent ! Mu par l’esprit du, « plus rien ne sera comme avant », un slogan auquel les nouveaux dirigeants nous invitent à croire, je me permets ici mon point de vue qui ne doit être analysé que dans le cadre du débat démocratique, auquel chaque Burkinabè, indépendamment de son âge et de son statut social, a plein droit. Merci d’écarter les considérations d’âge dans le jugement de mon analyse.

Face aux différentes versions dont Halidou Ouédraogo est auteur, sur la soupçonnée implication de Salifou Diallo dans la disparition de Boukary Dabo, il nous incombe d’analyser les choses de sang-froid. Entre les deux personnalités, laquelle dit la vérité ? Halidou Ouédraogo. du MBDHP ou Halidou Ouédraogo, actuel Président de la Commission Constitutionnelle ? D’emblée, les deux thèses ne peuvent pas être vraies à la fois. A présent, procédons par étape.

- La récente affirmation de Halilou Ouédraogo (H.O. 2017) est vraie : « Salifou Diallo n’aurait pas contribué à la liquidation physique de Dabo Boukary ». Dans ce cas, l’actuel Président de l’Assemblée Nationale, Salifou Diallo, mérite une réparation de la part de Me Halidou Ouédraogo. Ce dernier devrait, au nom de la vérité qu’il a promis de défendre toute sa carrière en tant qu’avocat, présenter des excuses publiques à plusieurs endroits.

(a) D’abord à l’égard de Salifou Diallo.

Si la déclaration du MBDHP (1991) est fausse, Salifou Diallo aurait été simplement victime d’une diffamation et d’une condamnation arbitraire de la part d’une Institution qui se présentait crédible face au monde, le MBDHP. Celle-ci aurait contribué à vilipender son nom aux fins de ternir son image. Le MBDHP aurait joué donc le jeu des Opposants Idéologiques de Salifou Diallo.

Ainsi, il aurait été férocement victime d’un complot politique.

(b) Ensuite à l’endroit de la jeunesse burkinabè. Cette jeunesse qui aurait été manipulée, mérite aussi les excuses de Me Halidou Ouédraogo pour l’avoir induite en erreur. J’ai une pensée particulière pour cette jeunesse estudiantine et scolaire qui en a payé le lourd tribut.

(c) Il devrait enfin des excuses à tout ce peuple burkinabè pour avoir contribué vaillamment à la fragilisation du socle social d’antan.

- Ce qu’il a dit en 1991 (H.O. 1991) est vrai. Ceci nous renvoie systématiquement à deux hypothèses. La première, la plus largement partagée par ceux qui recommandent la tolérance pour Me Halidou est celle qui stipule tout simplement qu’il serait asséné par les coups durs des épreuves qui l’ont affaibli ces dernières années. Pourquoi pas ? En effet, seule la maladie est le pire ennemi de l’Homme. Elle peut nous transformer et nous pousser à faire ce qui serait incompatible à nos principes habituels. Si c’est par l’effet de la maladie, nous, peuple burkinabè devrions demander à ce qu’on décharge Me Halidou Ouédraogo de certaines de ses responsabilités actuelles pour ne pas précipiter la déchéance de ses forces restantes. Parmi ces charges, il y a celle de la présidence de la Commission Constitutionnelle.

La nouvelle Constitution dont il pilote les travaux est très capitale pour l’avenir démocratique du Burkina. On pourrait objecter qu’il en est simplement que le Président, mais entouré d’autres membres. Mais j’y serais prudent car sous nos cieux, l’influence de la « tête » sur les « membres » est souvent indéniable et pesante. Autrement, nous ne devrions pas lui en vouloir quand nous aurons constaté des failles majeures dans la future Constitution.

Mais avant tout, il nous incombe d’être reconnaissant à Me Halidou Ouédraogo pour toutes ses actions héroïques passées et présentes, en lui permettant une fenêtre de temps de repos bien mérité. Au cas où c’est le poids de l’âge ou les secousses de la maladie, aidons-le poliment à s’inspirer de l’exemple du Pape Benoit XVI qui a surpris le monde par sa démission : « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer de façon adéquate le ministère pétrinien. » Ainsi, nous garderons le même et beau souvenir des luttes de Me Halidou. Ouédraogo.

La deuxième possibilité pourrait être déclinée comme suit. Si sa récente déclaration n’est pas l’effet de sa maladie, alors qu’elle est aux antipodes de la déclaration du MBDHP (1991), elle serait le fruit d’une complicité basée sur une affinité. Une affinité déguisée sous forme d’éventuelle corruption. Si cette hypothèse est justifiable, nous aurons des raisons non moins fondées pour douter de l’impartialité de la nouvelle Constitution dont il préside aux travaux.

Si Me Halidou Ouédraogo est influencé par des esprits qui comptent distraire sa vigilance historique avec le but de bénéficier de ses faveurs, il nous sera difficile d’espérer une Constitution non-partisane et au contenu non commandité. Conséquence, elle nous retournera aux mêmes problèmes qui ont poussé à l’insurrection populaire de 2014. Et chargés de nos soupirs, on aurait simplement « fui la pluie pour aller nous refugier au marigot ».

Si rien de tout ce qui est dit plus haut n’est vrai, je souhaite du courage à Me Halidou Ouédraogo et lui rappelle que le peuple burkinabè compte sur son intégrité morale, son honnêteté intellectuelle et autres qualités humaines, pour espérer une nouvelle Constitution ; une Constitution républicaine au service de l’authentique démocratie.

Mais je rappelle avec insistance, qu’à la barre de Me Halidou Ouedraogo, justice doit être faite à l’Honorable Salifou Diallo pour situer l’opinion nationale et internationale. Dans l’affaire Boukary DABO, est-il un bourreau réel (H.O., 1991) ou un sauveur incompris (H.O, 2017) ?

Conclusion : ma proposition de solution

Une sagesse africaine dit ceci : « La poule, à force de remuer la terre, risque de déterrer les os de ses grands-parents ». La tentative des uns de jeter la pierre uniquement aux autres, finira par enfoncer le pays dans un cycle infernal de vengeance politique. Cela n’est pas de nature à unir les forces de la Nation pour son avenir radieux. Trouvons les voies et moyens en vue de tourner la page du passé pour en ouvrir une nouvelle au service du pays. Pour y arriver, les conditions suivantes sont non-négligeables : Humilité, Courage, Sacrifice et Réconciliation.

- Humilité de la part de ceux qui ont contribué à endeuiller humainement et économiquement le Burkina dans son histoire, pour reconnaitre chacun ses manquements
- Courage de la part de tous pour faire face à la sentence du peuple meurtri ;
- Sacrifice de la part du peuple pour accepter pardonner ; c’est ce qui nous conduira à la Réconciliation aux effets guérisseurs et réparateurs.

Sur ce, j’interpelle le président Roch Marc Christian Kaboré.

Excellence, c’est « le propriétaire du chien enragé qui attrape sa tête pour qu’il soit abattu », dit un proverbe de chez nous. A vous donc le grand boulot car votre mandat ou vos possibles mandats en dépendent.

Qui a couché ces lignes, vous vous demanderez certainement ? C’est un « mecton », auteur de certaines « âneries » sur les réseaux sociaux, qui craint d’être traduit en justice et de payer éventuellement des millions d’amende… C’est un « mecton » qui souhaite le bien de son pays, un « mecton » qui vous aime tous et qui a cette naïveté de croire au slogan, « plus rien ne sera comme avant » que vous avez contribué à inculquer en nous.

Dieu bénisse le Burkina.

Sibiri Nestor SAMNE

Email : sasimastor@hotmail.com

Source: LeFaso.net