Plus de deux heures d’horloge de plaidoiries. Me Michel Traoré était à la manœuvre dans la matinée du 18 janvier 2017 au tribunal militaire de Ouagadougou. Il a plaidé pour quatre clients. Madi Ouédraogo, celui-là même qui a donné son nom à ce dossier de projet d’attaque de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), Yougou Abdoul Aziz, Ousmane Ouédraogo et Armand Bado. C’est donc fini pour les débats. Tous les yeux sont désormais tournés vers le président du tribunal. C’est lui qui devra rendre le verdict.
L’avocat de la défense, comme les autres conseils, s’est offusqué des irrégularités qui ont entaché les enquêtes préliminaires et l’instruction. 10 minutions et quatre grenades (ramassées lors de l’assaut sur le camp et non goupillées) déclarées par son client Yougo Abdoul Aziz, qui curieusement se transforment en 140 minutions. « Faut-il mettre le complément de munition sur notre compte, ou comment allez-vous faire pour éviter des erreurs d’appréciation qui seraient une erreur judiciaire ? », s’est demandé l’avocat.
Il a également noté ces perquisitions à l’absence de son client. Du coup, un procès-verbal de perquisition non signé. Il a donc demandé la nullité de ces documents.
Me Michel Traoré s’est enfin attaqué à l’une des pièces maitresses de ce dossier, l’enregistrement. Pour lui, c’est ce qui est présenté par le parquet comme étant la retranscription de l’enregistrement qui est versée au dossier, alors que les avocats de la défense n’ont pas pris connaissance du document sonore.
En plus, il indiquera que deux de ses clients n’ont pas pris part à ladite réunion censée préparer l’attaque de la MACA. Ils n’apparaissent pas dans la retranscription. Alors, l’avocat demande au président du tribunal Seydou Ouédraogo, ce sur quoi il va juger alors que l’enquête est bâtie sur ledit enregistrement.
En plus, ajoute-t-il, ceux qui parlent des plans d’attaques et des armes dans l’enregistrement ne sont pas nommés à la retranscription. A leurs niveaux, c’est écrit, ‘’inconnu » laissant croire que ce sont les taupes qui ont introduit cet ordre du jour d’attaque de la MACA à la réunion, une réunion qui à l’origine devait parler de la récupération du matériel.
Pour l’avocat, le président ne doit pas laisser sa cour se transformer en une scène de tournage de film. Il doit juger sur des éléments tangibles, des preuves, fondement de toute décision de justice.
Concernant Madi Ouédraogo, d’abord poursuivi pour détention illégale d’armes. Son conseil a noté qu’il n’était pas au courant du contenu du sac, quand il a accompagné Mamadi Zallé et Atina Haro chez le marabout, ‘’à la recherche de solutions pour entrer en possession de leurs matériels ». Ces deux frères d’armes ont d’ailleurs confirmé à la barre que le Caporal Madi ne savait pas ce qui se trouvait dans le sac. En plus, selon le propriétaire du sac, il n’y avait que deux pistolets dans le sac. « Comment attaquer la MACA avec deux pistolets », s’est interrogé Me Traoré qui dit avoir l’intention d’être dans un film.
Tombés dans un piège ?
L’avocat des quatre prévenus finit par conclure que ses clients, comme les autres, sont juste tombés dans un piège pour avoir refusé d’exécuter un plan. Mieux, ils ont arrêté le commando qui était en passe de tuer des autorités et ont avisé la hiérarchie qui n’a pas réagi. « Etait-elle d’accord avec le plan ? », s’est interrogé l’avocat. Il indiquera que des preuves et des témoins de ce coup foiré ourdi par l’ancien premier ministre existent. Mais on refuse de les faire comparaitre, on couvre certains et on envoie d’autres en mission onusienne (Claude Ido).
Pour toutes ces raisons, il a plaidé l’acquittement de ses clients. Dans le cas contraire, il demande au président de tenir compte des situations atténuantes prévues par la loi. Ce sont des ‘’délinquants primaires, jamais condamnés ». Mieux, Madi Ouédraogo a été décoré après sa mission au Mali. « Il ont défendu la nation, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire. Il a risqué sa vie pour défendre la vie des autorités. Il aurait pu prendre les 60 millions, sa villa et aller tuer. Il n’est pas ce diable qu’on veut nous présenter », a-t-il poursuivi avant de demander une fois de plus, une décision du tribunal assortie de sursis pour ses clients, afin que ceux-ci ne soient pas radiés des forces armées nationales.
« Je n’ai rien fait »
Dernier à prendre la parole après ses trois frères d’armes, Madi Ouédraogo s’est dit content et fier de se retrouver devant le président du tribunal, parce que lui n’a rien fait. « Ils ont fait ce montage parce que j’ai sauvé la vie des autorités de ce pays ».
Il ajoutera qu’il aurait pu accepter le marché proposé, prendre les 60 millions, la villa et s’associer à ceux qui étaient d’accord. Mais lui, Caporal Madi Ouédraogo, a opté de servir son pays avec ‘’courage et loyauté » et il est toujours dans cette logique.
« On m’en veut parce que des gens voulaient mettre le Burkina au chaos », a-t-il poursuivi avant de conclure, sur un ton calme, comme lors de son audition, ‘’si toutefois quelque chose m’arrive, les autorités de ce pays sont au courant ».
C’est sur ces mots que le président du tribunal a suspendu l’audience après avoir lu les éléments qui guideront la décision des juges.
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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