Docteur en sciences politiques option relations internationales et Diplomatie, Windata Zongo est enseignant et consultant sur les questions de Diplomatie, de Géopolitique et Relations Internationales ainsi que de Gouvernance politique. Actif sur l’échiquier international, il est Chargé de programmes au Centre Africain d’Analyses et Recherches Diplomatiques et Stratégiques (CAARDIS), une initiative de personnalités scientifiques et d’acteurs ressources de la pratique diplomatique africaine, créée en 2014. En séjour au Burkina en fin décembre dernier, Windata Zongo a bien voulu se prêter à nos questions, relatives surtout à la diplomatie. Entretien !
Lefaso.net : Comment appréciez-vous déjà la conduite de la diplomatie burkinabè du régime Roch Kaboré ?
Windata Zongo : Ce qu’il faut relever d’abord, est que le legs du Président Compaoré était assez lourd. La politique étrangère du Burkina-Faso en Afrique de l’Ouest avait fini par être une politique de puissance, notamment liée à la stratégie et au pouvoir charismatique du Président Compaoré ainsi que de la puissance de ses réseaux sur cette partie du continent et même au-delà. De ce fait, les reproches qui sont faits au gouvernement actuel sont liés au fait que les gens ont tendance à se référer à l’ère Compaoré pour juger.
Toutefois, il faut savoir que c’est un nouveau régime qui est en place, qui est à la recherche de ses marques sur le plan diplomatique. En ce qui me concerne, j’ai une approche constructiviste, qui est que les choses vont finir par se décanter au fil de la pratique. Bien entendu, il y a eu du tâtonnement au début et cela est normal ; c’est dû au fait que la diplomatie est aussi une affaire d’hommes, de création d’une situation réciproque de confiance : il faut identifier les personnes ressources des autres pays et entrer en contact avec elles, entamer les phases de négociations, créer des conditions pour une coopération profonde. Ce n’est donc pas quelque chose de nouveau chaque fois qu’il y a changement de régime : il y a des périodes de flottement et cela est normal. Je pense que ce qu’il faut pour ce nouveau régime en terme de politique étrangère, c’est, tout en se basant sur les acquis du régime précédent, travailler à asseoir une stratégie qui le différencie du précédent.
Lefaso.net : … Oui mais, les premiers pas sont-ils rassurants ?
Windata Zongo : Les premiers pas sont rassurants. Par exemple, si je prends le cas spécifique de la pseudo-crise avec la Côte d’Ivoire, l’opinion publique a eu tendance à croire que le Burkina a courbé l’échine face à la Côte d’Ivoire. Mais, en matière de relations diplomatiques, il y a deux choix : le soldat ou le diplomate. On s’est rendu compte que le Burkina Faso a, dans le cadre de ses relations historiques avec la Côte d’ivoire, privilégié le dialogue. Cela est louable parce que, la négociation est ce qui est nécessaire quand on veut éviter les conflits (la négociation, ce n’est pas faire preuve de bassesse) ; les négociations existent depuis les périodes antiques, si vous faites référence à la guerre de Péloponnèse, vous verrez que les cités d’Athènes et celle de la ligue du Péloponnèse, parallèlement au conflit qui se dessinait, entamaient des négociations pour l’éviter. Plus tard, c’est également la négociation qui a permis d’aboutir au traité de Westphalie en 1648 qui a mis fin à la guerre des 30 ans. Et même dans une période très contemporaine, vous voyez qu’à chaque fois qu’il y a des conflits qui se profilaient, il y avait aussi des négociations ; elles ont souvent permis d’éviter la phase de violence, ou parfois ont atténué les affrontements. Ce sont les négociations qui ont abouti à la création de la Société des Nations (SDN).
L’existence de négociations durant la deuxième guerre mondiale est ce qui a permis très vite la création de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) dès 1945. Donc, un pays qui, dans le cadre des interactions avec un autre pays, choisit les négociations, est à féliciter. Par rapport à cela, la gestion de ce dossier né de la pseudo-crise de l’affaire Soro a été, de mon point de vue, bien faite. C’était un grand test diplomatique pour les nouveaux gouvernants et je pense qu’ils s’en sont bien tirés car, l’essentiel, c’est-à-dire l’intérêt national, a été préservé et la coopération entre les deux pays renforcée.
Lefaso.net : Si l’on vous demandait des suggestions quelconques pour la diplomatie burkinabè en ce début de mandant de ce régime (et tenant compte du contexte), elles seraient lesquelles ?
Windata Zongo : En matière de diplomatie étatique, quand vous n’êtes pas acteur, vous n’avez pas certaines données ; donc c’est parfois difficile de faire des suggestions. J’ai lu le programme du candidat Kaboré et j’avoue avoir trouvé son programme de politique étrangère pas très détaillé. Il était juste question du champ multilatéral et là aussi, sans trop de précisions. Je ne connais donc pas la stratégie actuelle en matière de bilatéralisme. Toutefois, ce que je peux dire en tant que scientifique de ce champ, c’est que la stratégie adoptée en matière de bilatéralisme, avec la Côte d’Ivoire est, de manière globale, une bonne approche. C’est d’ailleurs, comme je l’ai souligné plus haut, l’une des raisons liées à l’avènement du CAARDIS.
Lefaso.net : … Je fais allusion surtout au rayonnement international du Burkina
Windata Zongo : A ce sujet, il y avait déjà des acquis. On s’est rendu compte qu’au fil des dix dernières années, le Burkina a fini par s’illustrer en tant que principal acteur sécuritaire dans la sous-région ; eût égard à sa participation aux missions onusiennes pour restaurer la paix et aussi surtout grâce à la pratique de la médiation et au pouvoir charismatique de Blaise Compaoré. Donc, il y a des acquis qui sont-là, des personnes ressources qui sont toujours-là, dans les structures de l’Etat. Je pense que même si le legs est énorme, il suffit de perdurer dans cette pratique et entreprendre une bonne stratégie de diplomatie publique dans le moyen et long terme. Cela va contribuer à consolider la réputation internationale du Burkina.
Lefaso.net : Quel peut être l’apport même de la diplomatie dans le positionnement d’un pays sur l’échiquier international ?
Windata Zongo : La diplomatie, il faut d’abord la comprendre comme l’art de la négociation. Donc, au plan international, la diplomatie étatique doit permettre à un Etat, de montrer son intérêt et sa contribution pour les normes internationales que sont la sécurité internationale et les valeurs démocratiques. Cela contribue à accroitre la réputation et le pouvoir symbolique d’un pays. Si vous prenez la Norvège par exemple, c’est un pays qui dispose d’un pouvoir charismatique dans le monde à cause de son investissement permanent pour la résolution des conflits dans le monde.
Depuis la fin de la période bipolaire, les mutations structurelles intervenues dans la politique internationale, ont fait que l’Etat n’est pas le seul acteur des relations internationales. Il existe plusieurs acteurs diplomatiques non étatiques qui peuvent toutefois contribuer à accroître ou pas, la posture d’un Etat dans la scène internationale. Un Etat peut donc faire appel à plusieurs types d’acteurs pour faire des négociations dans des champs précis de l’activité diplomatique et cela concourt également à son rayonnement international. Le CISAB était, à ce titre, un acteur de diplomatie publique au service du régime de Blaise Compaoré. Si vous prenez l’appareil diplomatique (les structures décentralisées), on constate qu’une région peut, dans le cadre de la para-diplomatie, entreprendre une pratique de coopération internationale avec une autre région dans le monde, et cela permet d’accroître le rayonnement de son pays au plan large.
La Bavière par exemple par ses rapports avec d’autres régions du monde contribue à accroître la réputation internationale de l’Allemagne. Au Burkina par exemple, on a un acteur non étatique qui s’illustre dans la médiation qui est l’Eglise ; je pense qu’à travers ce qu’elle fait, elle contribue au rayonnement du Burkina à l’Etranger et j’en veux pour preuve le fait que le Vatican ait invité notre Président (visite de Roch Kaboré en octobre 2016, ndlr). C’est aussi la preuve que dans notre pays, il y a non seulement la tradition de la négociation mais aussi des acteurs autres que l’Etat, qui se sont illustrés durant des périodes de crises et ces acteurs ont permis au Burkina de faire parler de lui, d’accroître sa réputation à l’international. Sur le plan interne, ces prestations légitiment et consolident aussi le régime.
Lefaso.net : Quels sont les chantiers sur lesquels s’ouvre aujourd’hui votre organisation, le Centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques, CAARDIS ?
Windata Zongo : Nous sommes beaucoup plus focalisés, en ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest, sur les questions sécuritaires et de gouvernance ; si vous rentrés sur le site du CAARDIS, vous verrez que les derniers articles concernent beaucoup plus les questions sécuritaires. Nous sommes en train de réfléchir parce que, nous avons un projet sur lequel nous travaillons. Il s’agit de développer une approche de la sécurité et son interprétation dans le champ diplomatique que nous allons proposer aux différents pays que nous sollicitions en ce moment afin d’avoir un langage clair de cette notion et ne pas seulement prendre pour argent comptant les approches occidentales, lesquelles sont souvent fonction des questions politiques pendantes en Occident. Moi, je suis au Burkina en ce moment et il y a d’autres membres du CAARDIS qui sont actuellement dans d’autres pays, qui sont en train de faire les mêmes propositions au gouvernement de ces pays. Je profite donc de l’occasion pour remercier les responsables du Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Burkinabè de l’extérieur pour la promptitude et le principe de l’écoute des propositions qui leurs sont faites.
Lefaso.net : On sait que le pays fait face, ces derniers temps, à de multiples attaques ; la diplomatie peut-elle être un maillon important dans la recherche de solution face à cette situation ?
Windata Zongo : Bien entendu. On a deux types de solutions : soit on passe par la coercition soit par la négociation. La coercition soigne juste les symptômes. Par contre, la négociation est beaucoup plus profonde. Je pense que c’est cette méthode-là qu‘il faut. Bien entendu, quand les actions se radicalisent, l’Etat doit aussi apporter des réponses radicales. Toutefois, je pense que la question sécuritaire dans la zone du Sahel est antérieure à la création des Etats dans cette zone. La préoccupation, c’est comment trouver une solution durable à ce problème. Comment, à partir d’un pays comme le Mali, le Niger…, on peut trouver des solutions endogènes, de telle sorte que les gens ne soient pas obligés de traverser les frontières pour venir s’en prendre aux populations burkinabè. La question ne concerne pas seulement les gouvernants du Burkina mais, d’une manière globale, tous les pays de la zone. Je pense qu’il faut plus impliquer dans les négociations, les acteurs des mouvements insurrectionnels ; parce qu’en définitive, les revendications sont d’ordre sociétal et historique.
En ce moment l’heure est à la sécurisation des populations contre ces attaques terroristes mais sur le long terme, que faire ? La coercition permet de lutter contre le basculement dans terrorisme, elle permet de régler le problème du désordre régnant en ce moment dans la zone du Sahel, mais résout-elle en profondeur la question sociétale ? Je pense que dans cette perspective, la négociation ne doit pas être mise au placard au profit exclusif de la violence légitime.
Lefaso.net : Personnellement, vous êtes actif sur l’échiquier international, notamment avec le CAARDIS qui regroupe plusieurs nationalités. En tant que Burkinabè, avez-vous, à titre individuel, des projets pour le Burkina ?
Windata Zongo : Je ne peux pas entreprendre une initiative scientifique en dehors de la structure. On est une équipe, la réflexion a été menée en équipe, de proposer nos offres aux différents pays. Donc, si j’ai des projets scientifiques, je préfère passer par le canal du CAARDIS ; donc, par mes collègues. Toutefois, mes activités professionnelles dans l’enseignement et le conseil dans mes champs de compétences sont ce que je fais, sur le plan personnel au Burkina. Dans ce domaine, on est en train de monter un partenariat avec une structure académique de la place pour travailler à vulgariser le domaine des études diplomatiques et de la politique internationale.
Lefaso.net : Sur la question sécuritaire, qui préoccupe beaucoup les Burkinabè, sentez-vous que les autorités prêtent oreille attentive aux propositions ?
Windata Zongo : Je pense qu’elles fournissent beaucoup d’efforts avec des moyens qui sont les leur et qui sont très très limités. C’est un travail de fond, qui concerne d’abord les renseignements, même si les autorités ne communiquent pas d’ailleurs là-dessus (la discrétion, c’est le premier mot qui vient en tête quand il s’agit de ces questions). Je pense que les autorités font un travail à ce niveau, qui ne se saura peut-être pas aujourd’hui mais qui va se ressentir dans la durée et moi, je suis optimiste. Je ne suis pas dans les sphères de décision donc, je ne vais pas jouer les donneurs de leçons. J’espère juste que nos Forces de défense et de sécurité auront plus de marge de manœuvre sur le plan logistique. En tout cas, je leur souhaite de réussir ce grand test asymétrique.
Lefaso.net : Vous êtes spécialiste également des questions de gouvernance. Les premiers pas du nouveau régime en la matière sont-ils convaincants ?
Windata Zongo : Je suis optimiste parce que, la gouvernance, c’est un concept très complexe. La gouvernance suppose des actions publiques qu’il faut mettre en place. Et les politiques publiques c’est la formulation, la mise en agenda, l’exécution puis à l’évaluation ; c’est quelque chose qui prend du temps. On est sorti d’un régime durant lequel, il y avait des choses qui étaient acquis. Là, il y a un nouveau régime qui est-là, qui a établi un projet de société (élu sur la base dudit projet). Je lis tout le temps dans les medias une certaine incitation au pessimisme mais je pense qu’on est un peu pressé et surtout, c’est une méconnaissance des modalités de l’action publique et de la marge de manœuvre des gouvernants. Les politiques publiques dans leur matérialisation ne se font pas en un an ; il faut dresser un arsenal administratif pour pouvoir permettre leur déroulement.
Donc, il faut peut-être attendre deux ans, voire deux ans et demi, avant de pouvoir évaluer les gouvernants actuels. Ce qui fait que je ne peux pas dire que je suis pessimiste parce que, je les (autorités, ndlr) vois à l’œuvre et j’espère que ce travail produira les effets escomptés dans un an au moins.
Lefaso.net : La table-ronde de Paris sur le PNDES a été un moment d’offensive et de nombreuses promesses de financement ont été enregistrées. Comment analysez-vous ces moments de négociations ?
Windata Zongo : J’ai eu l’occasion de voir ce qui s’y est passé, j’ai également été présent un jour au lieu des négociations à Paris. J’ai, sur place, eu l’impression que l’essentiel du travail avait déjà été fait, les convictions avaient déjà été établies, le programme était sérieux ; ce qui a fait que les bailleurs de Fonds n’ont pas eu de difficultés à adhérer au projet. J’avais donc cette impression que, le financement sera très probablement acquis, que le travail avait été très bien préparé et expliqué. Tout ce qui peut entacher ce projet, c’est le volet sécurité. Si cet aspect est réglé, je pense que le PNDES connaîtra un succès.
Lefaso.net : En tant qu’averti également des questions internationales, le peuple peut-il se réjouir à ce stade des déclarations d’intention ?
Windata Zongo : A moitié, oui ; parce que même si ce sont des intentions, ça pouvait ne pas marcher. Mais, le fait que les intentions de financement soient-là, c’est la preuve que le projet était solide et qu’il a rencontré l’adhésion de ceux qui ont promis ; parce que ce ne sont pas des gens qui sont-là pour jeter de l’argent par la fenêtre. C’est un investissement. Donc, il faut de la rentabilité. Je suppose donc que ces partenaires ont trouvé ce dossier très solide et l’investissement rentable. Je pense que même si l’heure n’est pas à l’optimiste à cent pour cent, l’espoir est permis.
Lefaso.net : Peut-on dire, par ricochet, que c’est parce que le Burkina jouit d’une bonne image sur l’échiquier international … ?
Windata Zongo : Oui, tout à fait. Mais cette réputation est liée à la solidité de l’administration, au travail fait contre la corruption et la facilité dans la création des entreprises. Mais, je le répète, l’environnement sécuritaire sera le véritable enjeu dans le cadre de la réalisation de ce programme.
Lefaso.net : Comment voyez-vous le Burkina dans les cinq ans à venir ?
Windata Zongo : Mon souci, c’est le volet sécuritaire. Si ce volet est réglé, ça veut dire qu’il y aura une situation de sécurisation des investissements et dans ce cadre, si sur le plan législatif, toutes les barrières sont dégagées pour permettre la célérité dans les formalités au niveau administratif, on a toutes les chances d’être optimiste.
Lefaso.net : Le Président du Faso vient de dresser le bilan de l’An I de son exercice, comment appréciez-vous ces douze mois d’exercice à la tête du pays ?
Windata Zongo : C’est trop tôt pour évaluer. Seulement, en termes d’acquis, je note qu’il y a des actions qui ont été initiées dans le domaine de la santé avec la gratuité des soins pour certaines couches sociales et aussi au niveau de l’éducation où des actes ont été posés parce que, ce sont des domaines prioritaires. A part cela, je ne vois pas ce que je peux dire de plus, parce que c’est très tôt. Je suis dans l’attente parce qu’en matière de gouvernance, la complexité de la situation fait qu’il faut attendre au moins deux ans pour pouvoir évaluer. Juste ce que je peux dire, c’est qu‘il y a eu un peu de tâtonnements au niveau diplomatique au départ et qu’ils (dirigeants, ndlr) n’ont pas aussi été aidés par les attentats survenus à Ouagadougou (attaques terroristes du 15 janvier 2016). En ce qui concerne le bilan, il faut toujours attendre. Mais les perspectives sont bonnes.
Lefaso.net : L’Afrique, c’est aussi la situation en RDC … Comment le CAARDIS appréhende-t-il cette question et quel peut être son apport à un dénouement heureux de la situation ?
Windata Zongo : Déjà, je dois dire que ce genre de situations est regrettable, parce que d’une manière générale, nous sommes en Afrique, dans une logique développementaliste, avec des pays qui ont acquis l’indépendance il y a, à peine, 50 ans. Et après les périodes de décompression autoritaire des années 90, on a estimé qu’on entrait dans une phase de démocratisation dans les pays africains depuis le début du nouveau millénaire. De ce fait, en arriver à cette situation, non seulement en RDC mais en plus au Burundi, constitue un recul dans le processus de consolidation des démocraties sur le continent. Au CAARDIS, nous avons analysé la question de la gouvernance en Afrique centrale dans une approche communautariste. En Afrique centrale, il existe, la Communauté des Etats de l’Afrique centrale. Ce que nous avons remarqué, c’est que cette organisation a brillé soit par son mutisme soit par son incapacité à prendre des décisions et à les assumer.
Le Centre Africain d’Analyses et de Recherches Diplomatiques et Stratégiques a axé ses réflexions sur la prétention de la communauté d’intégration de cette sous-région. Nous avons, à partir d’une analyse comparative, poser la question de savoir à quoi sert cette organisation, quand on voit que pour l’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO est prompte à prendre des décisions et à chercher à les appliquer comme par exemple dans le cas de la crise ivoirienne pour laquelle elle avait fait preuve de fermeté, ou pour le cas Gambien où elle assume également son rôle. Pour les cas des pays cités plus haut, c’est regrettable, parce qu’au moment où nous sommes en train de discuter (l’entretien a eu lieu le 30 décembre 2016, ndlr), il y a des populations qui sont marginalisées, maltraitées, tuées etc… et je trouve cette situation regrettable pour le développement de l’Afrique et l’Afrique centrale en particulier.
Les structures communautaires sont censées détenir le monopole de la coercition, cela suppose qu’en cas de conflit, elles doivent assumer leur rôle. Donc, le fait que l’Organisation des Nations-Unies se soit saisie très rapidement du dossier, alors qu’il existe le principe de la subsidiarité, est aussi la preuve de l’échec de cette organisation. Notre approche était que cette organisation doit faire son autocritique et se baser sur ce que fait la CEDEAO pour y prendre exemple.
Lefaso.net : Qui peut faire partie du Centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques, CAARDIS ?
Windata Zongo : Il faut être une personne ressources du champ diplomatique ; vous savez que le champ diplomatique est multidimensionnel. A partir du moment où on est une personne ressource scientifique, analyste ou acteur dans un domaine précis du champ diplomatique, qu’on partage notre vision des relations internationales et de la pratique diplomatique africaine, on peut rejoindre notre équipe. C’est vrai que pour le moment l’équipe est composée d’africains parce que selon nous, ces personnes sont au parfum des préoccupations africaines sur le plan international, mais nous travaillons aussi avec des personnes ressources qui ne sont pas africaines et qui rejoindront bientôt l’équipe parce qu’elles partagent nos valeurs.
Lefaso.net : Un mot à adresser à l’ensemble des Burkinabè !
Windata Zongo : A la population, je dirai que plus que jamais, nous devons avoir la culture de la nation. Cela, à travers les faits survenus ces dernières années et qui doivent avoir pour conséquence de consolider notre volonté commune de faire de notre pays, une terre de prospérité et de paix.
Aux gouvernants, je dirai simplement que sur le plan diplomatique, il y a une place de leadership à restaurer. La géopolitique de l’Afrique de l’ouest avait fait du Burkina, l’hégémon de la sous-région et l’insurrection avait donné l’impression d’une reconfiguration de cet espace géopolitique. Le Sénégal a bien tenté de s’attribuer ce rôle en voulant s’ériger en tant que nouveau pôle de puissance diplomatique mais cette prétention a été contestée notamment par l’échec de la médiation de Macky Sall lors de la tentative de putsch ici au Burkina. En ce moment, la Côte d’Ivoire semble se hisser en tant que pôle économique de la zone et donc, sur le plan diplomatique, il y a un déficit de leadership. Ce manque peut être comblé par le Burkina, au vu du legs de la gouvernance de Blaise Compaoré. Il leur faut juste avoir d’une part, une bonne stratégie de diplomatie publique et d’autre part, confirmer le rôle de premier acteur étatique sécuritaire de la zone qu’occupait le Burkina.
Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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