Dans cette lettre ouverte adressée au ministre en charge de l’Administration territoriale, les notables et représentants de notables du village de Baonghin, dans la commune rurale de Nandiala, province du Bulkiemdé, région Centre-Ouest, attirent son attention sur « la situation explosive créée par l’érection non consensuelle du quartier Tampèlga en village ».

Monsieur le Ministre d’Etat,

Vous êtes investi d’une lourde mission à savoir l’administration du territoire national et la gestion de l’épineuse question de la sécurité dans une période post-insurrectionnelle. Votre tâche est certes noble et exaltante, mais nécessite beaucoup de sérénité et une grande vision au regard de l’étendue des compétences du département que vous dirigez. Nous vous en félicitons et vous souhaitons une réussite totale dans cette tâche.

Nous, notables et représentants de notables du village de Baonghin, dans la commune rurale de Nandiala, province du Bulkiemdé, région Centre-Ouest, voulons par la présente attirer votre attention sur la situation explosive créée par l’érection non consensuelle du quartier Tampèlga en village.

Monsieur le Ministre d’Etat,

Pour vous permettre de comprendre les faits, nous vous exposons ici la genèse de cette crise dont les conséquences risquent d’être dommageables si rien n’est fait pour la paix dans notre localité en apparence calme. Le village de Baonghin comptait avant cette affaire dix (10) quartiers à savoir Baonghin Centre, Natinga, Sanyiri, Tang-naabyiri, Kossodin, Zalbyiri, Zok-yiri, Yipala, Pouyé nabyiri et Tampèlga. Mais courant 2005, des ressortissants du quartier Tamplèlga conduits par Messieurs B. Jean KABORE et Mathias KABORE ont entrepris des démarches non conformes pour l’érection du quartier Tampèlga en village. A l’époque des faits, le sieur Mathias KABORE, sous l’impulsion de Monsieur B. Jean KABORE, a essayé de tromper les notables des différents quartiers de Baonghin en leur faisant signer un fictif procès-verbal de palabre pour l’érection de Tampèlga en village.

Il avait fait comprendre aux notables qu’il s’agissait d’un projet de construction d’un barrage au profit de Tampèlga et que pour bénéficier de vivres pour les travailleurs, il fallait que les notables signent le papier en question (Cf. résultats de l’enquête menée par le Quotidien SIDWAYA parus dans son no 8202 du mercredi 13 juillet 2016). Mais très vite, le manège du chef de file du projet, Mathias KABORE, a été découvert et le chef défunt de Baonghin, Gounbga KIEMTORE avait demandé l’arrêt immédiat dudit projet en attendant tout mot d’ordre des notables des différents quartiers. Face à cette position des notables d’alors contraire à la leur, la situation est restée telle jusqu’à l’installation du tout premier maire de la commune rurale de Nandiala en 2006, en la personne de B. Jean KABORE. Le nouveau maire, qui a pris fait et cause pour l’érection de Tampèlga en village était allé vite en besogne, en dépit des appels à la concertation. Mais très vite il se heurta à la résistance des notables et représentant de notables que nous sommes. Face à son insistance, nous nous sommes réunis successivement les 12 et 16 juillet 2010 autour du chef défunt de Baonghin pour nous pencher sur la question. De ces discussions, nous avons rejeté à l’unanimité l’érection de Tampèlga dont l’initiative n’est pas venue de la base.

Pendant que nous étions en train de chercher une solution interne à cette préoccupation qui nous désunit, le maire B. Jean KABORE a choisi d’outrepasser nos suggestions et d’entreprendre, sans notre avis, des démarches sordides pour ériger unilatéralement Tampèlga en village. C’est ainsi qu’au cours de la session ordinaire du 29 juin 2009, il a sommé le conseil municipal de donner son quitus pour l’érection de Tampèlga en village. Mais le conseil municipal refusa de cautionner la forfaiture et lui demanda de privilégier le dialogue avec tous les notables au lieu d’opérer un passage en force.

Avec le refus du conseil municipal, instance légale composée des représentants de la population locale, nous avons cru l’affaire de Tampèlga close. Nous n’avons pensé à aucun moment que le maire B. Jean KABORE par des menées souterraines pouvait outrepasser l’avis des notables du village et celui du conseil municipal pour faire du quartier Tampèlga un village. Contre toute attente, le 7 février 2014, par Arrêté n° 2014-0007/MATS/SG/DGAT/DOGCA, le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Sécurité d’alors, Jérôme BOUGOUMA, érigea Tampèlga en village.

Monsieur le Ministre d’Etat,

L’érection de Tampèlga pose deux principaux problèmes qui peuvent mettre à rude épreuve la paix sociale à Baonghin. La première inquiétude soulevée par cette érection est le fait que les procédures légales n’ont pas été bien suivies. L’article 8 du décret N°2011-727/PRESS/PM/MATDS portant conditions et modalités d’érection de village au Burkina Faso indique qu’un dossier d’érection en village doit comporter :
- une demande motivée du maire ;
- une copie de la délibération du conseil municipal ;
- une enquête administrative faite par les services compétents de l’administration et une monographie de l’agglomération.

Mais le dossier d’érection de Tampèlga qui a atterri sur la table des services compétents du ministère en charge de l’administration territoriale de l’époque ne comporte pas tous ces éléments. En effet, ce dossier irrégulier qui peut toujours être vérifié à la Direction Générale de l’Administration du Territoire (DGAT), au niveau de votre ministère (MATDSI), ne comporte pas de délibération du conseil municipal de la commune rurale de Nandiala , l’élément fondamental de la demande ; qui plus est, les résultats de l’enquête administrative commanditée soulignent bien notre non association au processus d’érection enclenchée solitairement par le Maire B. Jean Kaboré ; toutes choses anormales révélées par le Quotidien SIDWAYA suite à son investigation.

La démarche du maire B. Jean KABORE est un acte illégal en ce sens qu’il a ignoré royalement la délibération de son conseil municipal qui s’est majoritairement opposé au projet d’érection. Pire, l’ancien ministre Jérôme Bougouma, qui connaissait les textes en la matière, s’est laissé induire en erreur en donnant une suite favorable à ce fameux dossier non conforme. L’érection de Tampèlga en village, acte posé maladroitement et à dessein, ne respecte pas les textes en vigueur. Nous la dénonçons et demandons son annulation.

Le deuxième problème posé par l’érection de Tampèlga en village est notre non implication en tant que notables et représentants de notables, dépositaires des pouvoirs liés à la terre. Nous n’avons été associés ni de près, ni de loin à cette érection. Notre position et celle du conseil municipal ont été purement et simplement ignorées dans le processus d’érection. Pourtant il n’est indiqué nulle part que des intellectuels et autres « élites politiques » viennent décider de la balkanisation de notre village contre notre gré. L’administration de l’époque s’est laissée manipulée par les politiciens égoïstes, créant ainsi un village sur des terres qui n’appartiennent pas aux initiateurs du projet. Du coup, cela pose le problème du tracé des limites du « nouveau village » car aucune délimitation administrative de Tampèlga ne pourra être discutée dans notre village sans avoir associé les chefs de terres que nous sommes ou leurs représentants.

Nous sommes incontournables dans tout projet d’érection de Tampèlga en village et nous vous signifions qu’une tracée de frontières selon l’actuel Arrêté qui ne précise pas les limites de ce fameux village risque de susciter le courroux de nombreux habitants ; parmi ceux même situées sur la portion faisant objet d’érection.

Notre démarche auprès de vous, Monsieur le Ministre d’Etat, n’a pas pour but d’enflammer la situation mais de prévenir tout danger lié à cette poudrière en instance secrétée de toutes pièces par des hommes en manque de popularité dans la localité. Aujourd’hui, les deux parties se regardent en chiens de faïence avec en toile de fond un conflit foncier latent qui peut engendrer des affrontements inutiles. Notre démarche respectueuse se veut une alerte, une prévention de situations préjudiciables à la cohésion sociale dans notre localité. Il eût fallu d’importantes concertations approfondies entre notables, assorties des limites discutées et acceptées par ces derniers .Mais tel n’a pas été le cas et cela nous offusque énormément.

Voilà, Monsieur le Ministre d’Etat, comment des conflits terriens naissent inutilement par la faute d’hommes politiques dans certaines localités du Burkina-Faso.

Pourquoi la demande d’érection n’est-elle pas passée devant le Préfet de Nandiala, le Haut-Commissaire de la Province du Bulkiemdé et le Gouverneur du Centre-Ouest d’alors pour leur avis et appréciation ?

Pourquoi a-t-on contourné toutes ces autorités représentant l’Etat, les principaux maillons de la procédure ?

Pourquoi le rapport d’enquête dans lequel le rapporteur reconnait qu’il existe des divergences autour du projet n’a-t-il pas suggéré de surseoir à l’érection et demander aux différentes parties d’aller dialoguer et s’entendre avant toute érection ?

Pourquoi a-t-on émis un avis favorable au projet malgré ces divergences ?
L’enquête administrative n’a-t-elle pas été biaisée à dessein ?

Comment peut-on outrepasser des notabilités coutumières dépositaires des us et coutumes, ciment de la stabilité sociale et défier les procédures administratives pour réussir à faire d’un quartier un village ?

Cette érection n’est-t-elle pas le fruit d’un copinage inqualifiable, étant entendu qu’elle n’obéit à aucune logique ?

Suffit-il d’être maire, sans égards pour son conseil municipal et pour la loi pour décider unilatéralement de la création d’un village ?

Enfin, peut-on se satisfaire d’une érection conflictuelle, non acceptée par tous et de divergence profonde ?

Autant de questions que nous, notables ou représentants de notables méprisés dans cette affaire, posons.

Nous sommes conscients, Monsieur le Ministre d’Etat, de votre volonté d’instaurer une nouvelle gouvernance sous le régime du président Roch Marc Christian KABORE, dont le mandat est marqué par un nouveau contrat social avec la population et de votre détermination à rompre avec les anciennes pratiques de l’ancien régime.

C’est pourquoi, Monsieur le Ministre d’Etat, nous, notables et représentants de notables des quartiers de Baonghin :
- dénonçons notre non implication dans le processus et l’illégalité de l’acte d’érection de Tampèlga en village que nous jugeons illégitime ;
- nous nous élevons contre le mépris du maire B. Jean KABORE à notre endroit ;
- condamnons la volonté manifeste des politiciens en manque de popularité de sacrifier la stabilité sociale séculaire de notre village sur l’autel d’intérêts égoïstes électoraux ;
- tenons pour responsables l’ex maire et ses acolytes de toute détérioration du climat sociale dans notre village, bien qu’il ait déjà dit qu’il assumerait sa forfaiture selon le rapport d’enquête menée par le Quotidien SIDWAYA ;
- invitons vos services compétents à enquêter sur la question si vous le désirez ;
- demandons l’annulation pure et simple de l’érection de Tampèlga en village.

Puisse DIEU le tout puissant vous bénir et vous accompagner dans votre noble mission, au bonheur du peuple burkinabè.

Vous en souhaitant bonne réception, Monsieur le Ministre d’Etat, nous vous prions d’agréer l’assurance de notre parfaite considération.

Ont signé :

Le notable de Pouyé nabyiri

Le notable de Sanyiri

BONKOUNGOU Tiraogo

ZONGO Poundé

Le Notable de Tang-Naabyiri

Le Notable de Zalgbyiri
KABORE M’Bé

NANA Koudougou

Le Notable de Zok-yiri

Le Notable de Yipala

SIMPORE Issaka

ZOMA Noraogo

Le notable de Baonghin

KIEMTORE Noaga

Source: LeFaso.net